Musique proposée : Hurricane - Fleurie. (En média).
— West, parle-moi, je t'en prie... le supplié-je une énième fois.
Comme toutes mes autres tentatives, il balaie celle-ci d'un revers de main et le silence qui pesait dans l'habitacle de sa Chevrolet se renforce un peu plus. En dépit de tout le stress palpable dans chaque particule d'air qui l'entoure, ça va bientôt faire quarante minutes qu'il fixe la route sans réagir à aucun stimulus. L'atmosphère est tellement lourde, tellement oppressante que même l'oxygène qui se faufile par les fenêtres ouvertes de la voiture ne permet pas de la rendre plus respirable. Je jette régulièrement des coups d'œil à Gale à travers le rétroviseur, mais il ne paraît pas savoir plus que moi où nous allons, ni comment faire sortir mon coéquipier de son mutisme. Un soupir résigné m'échappe : il semblerait que je vais devoir compter sur le peu de patience qu'il me reste pour réussir à tenir le coup sans étouffer.
Après une poignée de secondes à essayer de me concentrer sur la vie qui s'anime sur les trottoirs sans succès, je laisse mon regard suivre les feuilles des arbres virevoltant au gré du vent, pour finalement s'aventurer à l'intérieur du coton mousseux qui nous surplombe. Plus le ciel bleu m'emporte et tente de me faire oublier la situation, plus mes souvenirs se réveillent et s'agglomèrent devant mes prunelles évasives. L'air suffisant de Ian, accompagné par le rire mauvais de son sous-fifre bousculent alors mes pensées et apparaissent au centre des nuages comme un cauchemar qui consumerait une nuit de sommeil déjà réduite en cendres.
J'entends encore le blond nous envoyer son bluff à la figure sans sourciller et j'en viens à douter de mes propres certitudes. Et s'il ne bluffait pas ? Et s'il était réellement au courant de quelque chose ? Une peur nouvelle m'attrape à la gorge, détruisant ainsi le soupçon de force qu'il me restait. Mes méninges tournent à plein régime pendant que de nombreuses autres questions naissent dans mon esprit. Ian a parlé d'informateurs, mais que sait-il vraiment ? S'il avait des preuves de ce qu'il avançait, ne devrait-il pas avoir l'air effrayé ? Ne nous aurait-il pas retenus au lieu de nous laisser partir sans nous faire suivre ou sans nous menacer ? Ce n'est pas logique.
— West, attends !
Une voix rauque et baignée d'inquiétude, suivie de près par deux claquements m'arrachent à mes réflexions contre mon gré et je me rends compte que je suis seul dans l'Impala. Malgré l'urgence de la situation, il me faut quelques secondes pour comprendre que notre course folle est terminée et reconnaître le petit arbuste bordeaux qui trône fièrement devant sa demeure. Après avoir repris mes esprits, je sors de la voiture à mon tour, me précipite vers la maison et grimpe les quelques marches pour rejoindre mes acolytes devant l'entrée. Espérant comprendre la raison de notre présence ici, je les dévisage tous les deux. Est-ce qu'ils comptent entrer par effraction dans... mon cœur marque un temps d'arrêt et je me fige. La porte est entrouverte. Quelqu'un est passé avant nous.
L'idée qu'une chose horrible ne se soit produite me ravage les neurones, me paralyse, m'empêche d'avoir une quelconque réaction. Hébété, la seule chose que je suis en mesure de faire est de scruter encore un peu plus mes camarades. Gale serre les dents, donnant un aspect tranchant à sa mâchoire déjà très carrée, tandis que le regard de West semble perdre toute nuance de couleur. Seul le grincement métallique de la porte, poussée par la paume tremblante de mon coéquipier, brise le calme affolant qui s'était froidement emparé des lieux. Une fois la vue sur le corridor dégagée, plus personne n'ose bouger, comme si nous nous attentions à entendre quelque chose ou à voir quelqu'un sortir en trombe de cet endroit tout à coup bien lugubre. Pourtant, même après avoir sondé le couloir pendant un moment qui me paraît durer une éternité, rien ne se passe. Aucun hurlement n'explose, aucune arme ne fait son apparition, aucun coup ne s'abat sur nous. Absolument rien. Juste un silence écrasant.
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N'aie Pas Peur
ActionNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...