Musique proposée : Paralyzed - Against The Current. (En média).
J'écarquille les yeux, sans comprendre. La seule tâche à laquelle je n'ai jamais dérogé, la seule chose que je n'ai jamais abandonnée en cours de route, même pour nos parents, a été de la protéger. J'ai toujours tout fait pour qu'elle ne manque de rien et pour qu'elle ait un endroit où se réfugier si jamais le monde... Son monde s'écroulait. Depuis le jour de sa naissance, à la seconde où j'ai vu ce petit être fragile tout vêtu de rose emmitonné dans son couffin et où mes prunelles se sont posées sur son petit visage, je me suis promis d'être un grand frère exemplaire. D'être là pour elle, peu importe les conséquences.
Alors je veux bien croire que j'ai fait des erreurs, que j'ai pu la faire souffrir ou prendre les mauvaises décisions, mais pas au point de mériter une balle presque mortelle et recouverte d'une envie de vengeance terrifiante. Qu'ai-je bien pu faire ? Quelle a été ma faute impardonnable ? Pourquoi s'est-elle brusquement mise à me haïr ? De nombreuses autres questions se bousculent dans ma boîte crânienne, mais elles sont interrompues par les deux poings fermés de Savannah qui s'abattent violemment sur mon torse. Une puissante décharge électrique me traverse l'épaule droite et m'arrache un gémissement douloureux sans que ça ne la chagrine le moins du monde. Elle frappe ma cage thoracique de toutes ses forces, encore et encore, en hurlant à en perdre haleine. Tant et si bien que ses joues virent au rouge, alors que des vagues de détresses semblent tenter de les noyer et d'absorber le peu d'oxygène qu'elle arrivait encore à attraper.
Plus elle s'acharne sur moi, plus la douleur monte en puissance et plus mes lamentations s'intensifient. Pourtant, je ne bouge pas, je ne réagis pas, je la laisse s'en prendre à moi comme si je l'autorisais me punir de toute la souffrance que j'ai bien pu lui causer. Comme si, inconsciemment, je me sentais coupable de tout ce qu'elle a bien pu vivre et qui a pu la faire devenir aussi cruelle. Une ombre se dresse soudain entre mon assaillante et moi et, sans que je n'aie le temps de comprendre quoi que ce soit, ma sœur se retrouve solidement maintenue par la poigne de fer de West. Celui-ci serre les dents, mais reste complètement stoïque face à la réaction pour le moins violente de Savannah. Elle se débat, lui ordonne de la lâcher, s'énerve encore un peu plus, sans pour autant réussir à faire bouger mon coéquipier d'un millimètre.
― J'ai toujours essayé d'être parfaite sur tous les fronts : d'être la fille parfaite, la sœur parfaite, la nièce parfaite, l'écolière parfaite, mais ça n'a jamais été suffisant. Je n'ai jamais pu m'intégrer où que ce soit et encore moins dans ta putain de famille qui n'en a vraiment été une que sur le papier ! Ils ont toujours détesté ce que j'étais, ce que je faisais, ce que j'aimais et ils me l'ont toujours fait payer ! Avec les réflexions, les moqueries, les insultes et les coups, j'ai bien compris que je serais jamais à la hauteur, alors je les ai laissés faire et j'ai fermé ma gueule. Parce que je pensais que je méritais d'être punie, que je méritais qu'ils me traitent comme si j'étais une moins-que-rien ! Je me disais que s'ils voyaient que je faisais des efforts, ils allaient finir par m'aimer, mais j'étais juste trop jeune, trop naïve...
Sa voix déraille et m'attrape directement à la gorge, mais elle ne laisse pas ses failles transparaître bien longtemps. Il lui suffit de ravaler ses larmes pour se ressaisir, alors que de mon côté, j'ai tellement de mal à accuser le coup que j'ose à peine soutenir son regard.
― Et puis finalement, j'avais fini par trouver une personne qui m'apaisait. Une personne qui me poussait à me faire confiance et à être moi-même. Je me sentais importante avec elle, je me sentais aimée, je me sentais acceptée et je savais que ça durerait pas, tu sais. Je savais que notre famille allait tout faire foirer, mais j'aurais jamais cru que ce serait toi qui détruirais tout. Je t'aurais jamais cru capable de me trahir, pas toi. Papa et maman me l'ont dit la dernière fois qu'ils étaient chez toi et j'arrive pas à comprendre, Wayne... J'arrive pas à comprendre pourquoi t'as fait ça ! Comment t'as pu tout balancer sur Cassie ? Comment t'as pu mêler les parents à mon couple quand tu savais à quel point cette fille me sauvait ? Elle me sauvait d'eux, elle me sauvait de moi et toi, t'as tout foutu en l'air, sans oublier d'aller la voir pour lui dire de plus jamais m'adresser la parole, bien sûr ! Et après ça, t'as encore le culot de me demander ce qui a bien pu me changer ! Mais réfléchis, putain ! A quel moment est-ce que je suis partie en vrille ? Hein ?
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N'aie Pas Peur
AksiNelson Mandela a dit que le courage n'était pas dénué de peur, mais composé de notre aptitude à la surmonter. Je ne crois pas qu'il ait raison. Je n'ai pas vaincu ma peur, je ne suis pas passé au-dessus des tremblements qui ravageaient mon corps. J...