57. Let's break my heart again

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J'entre dans l'immense hall, la musique s'échappe du séjour. L'odeur qui emplit l'appartement est douce et sucrée. Quelque chose doit cuir au four lentement. Un arôme réconfortant de fin de journée. Je dépose mes affaires au pied du large fauteuil qui trône près de la porte d'entrée et j'entreprends de m'aventurer vers le salon. Quand je contourne l'immense sas, je le vois assis dans son large canapé, les yeux rivés vers son téléphone. Il ne m'a pas entendu. Je m'approche à pas de souris de lui, toujours en l'observant sans honte. Il a retiré son éternel casquette et semble revenir de chez le coiffeur. Sa coupe de cheveux est impeccable, comme souvent. Il a aussi taillé de près sa barbe naissante. Il a retiré son éternel survêtement, pour enfiler un ensemble beige en lin qui contraste avec le grain de sa peau. Sa large montre étincelle à son poignet. Il passe sa langue plusieurs fois sur sa bouche. Lorsqu'enfin il remarque ma présence, sa bouche s'étire en un sourire spectaculaire qu'il ne m'a pas offert depuis de très nombreuses années. Mon coeur se réchauffe violemment. Je suis extrêmement troublée. Au point de ne pas savoir quoi faire de mon regard, de mes mains, de mon corps tout entier.

Il s'approche de moi et pose ses doigts sous mon menton pour déposer sur mes lèvres l'un de ces baisers dont n'importe qui est en droit de rêver. J'ai l'impression que je vais tourner de l'oeil. C'est très étrange de jouer au petit couple parfait en sa présence.

- Salut. Me souffle t-il.

Il s'enfuit à la hâte vers la cuisine pour revenir quelques secondes plus tard avec une bouteille de champagne et deux coupes. L'air triomphant, il dispose sa quête sur la table basse et m'invite à le rejoindre sur le canapé.

- Qu'est-ce qu'on fête ? Je ne peux m'empêcher de poser la question.

Et tandis qu'il fait sauter le bouchon de la bouteille et sert le tout dans nos coupes vides, il semble rire de la situation.

- Absolument rien. Plaisante t-il.

Il me tend ma coupe que je saisis hésitante. Je me sens relativement perdue dans cette soudaine relation que je n'arrive pas à définir. Je ne sais pas si j'en ressens nécessairement le besoin ou si c'est une façon de me rassurer mais... j'ai du mal à totalement lâcher prise en sa présence. Ce qui n'a pas l'air d'être son cas.

- Bertha, ma cuisinière a bossé toute l'après-midi pour qu'on puisse se régaler ce soir. Est-ce que tu sens cette odeur ?

Sa voix est joyeuse. Détachée. Je n'ai pas le souvenir de l'avoir un jour vu aussi enjoué. Comme un enfant, il semble réellement se réjouir de m'avoir pour invitée. Je ricane bêtement à l'évocation de Bertha, sa cuisinière. Qui dans la vraie vie a une cuisinière si ce n'est Nour Senghar et ses millions ? La situation me parait surréaliste depuis quelques semaines, cette soirée est le point d'orgue. Je ne dis rien et me contente de sourire à l'objet de mes tourments depuis mon adolescence. Le champagne me monte légèrement aux joues. Une sensation agréable qui me fait me détendre au fur et à mesure.

Je détaille son visage, la perfection de ses traits... encore et encore. Son air juvénile ne le quitte pas. Il a toujours été malicieux. Arrogant. Froid et délicat à la fois. Une grâce innée l'anime à chacun de ses gestes. J'ai toujours su pourquoi j'en étais tombée éperdument amoureuse. Il n'y a jamais eu aucun doute là-dessus. Cette sensation est tellement galvanisante. Se laisser envahir par le feu dès lors qu'il pose ses yeux sur moi... C'est grisant et dangereux comme n'importe quelle chose addictive par ailleurs.

Sa paume vient caresser ma joue avec tendresse. Il me sourit. Flamboyant. Son autre main se glisse dans la poche de son pantalon. L'objet dont il se saisit produit un bruit métallique. Je n'y prête pas spécialement attention jusqu'à ce qu'il brandisse une paire de clé sous mon nez. Je ne suis pas certaine de comprendre et je l'interroge du regard longuement.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant