Avant de satisfaire ma vendetta, il fallait que je règle deux, trois détails insignifiants au demeurant mais définitivement essentiels pour mener à bien ma mission. Yuri exigeait la première partie de mon papier le soir même. Pas de quoi me laisser le temps de faire un aller-retour à Colombes dans la journée. Surtout que je n'avais pas beaucoup avancer ces derniers jours. D'autant qu'il me fallait rédiger toute une partie sur les notes que j'avais pris auprès de Mathieu Dalot, le médecin de l'équipe. Bref, le boulot à engranger restait colossal. Mais mon impertinente impatience, elle, ne pouvait se résoudre à attendre le lendemain pour savoir ce que Aristote cherchait à me dire. Le footing de la veille m'avait remis les idées en place.Je savais que je croiserai Selim, dans les dédales des couloirs de Team +. Et seul, lui, disposait d'un engin motorisé. Autrement dit, la meilleure solution pour arriver à mon point A sans perdre de temps - le même que je n'avais pas.
C'est aussi pour cette raison que j'avais décidé de me rendre en personne à la rédaction, alors que je boycottais celle-ci depuis des semaines. Manque de recul, négligence, colère, vacuité, peu importe. Bref, j'étais entrain de commettre des erreurs. Mais voilà, j'avais décidé d'entraîner Selim, avec moi. Parce que son expertise m'était précieuse dans le domaine des investigations et que lui seul, serait assez malin pour m'aider à lever le voile sur quelques unes de mes interrogations. Et il n'a pas sourcillé une seule seconde quand je lui ai demandé de m'accompagner à Colombes.
—
La voiture de Selim quitte la ville pour pénétrer sur le periph, étonnamment calme pour une fin d'après-midi. Mon meilleur ami, beaucoup plus taiseux qu'à l'accoutumé, ne pose que très peu de questions sur le voyage que nous sommes entrain de faire.
- Tu ne me demandes pas pourquoi on va à Colombes ? Risquai-je.
La voiture file à allure normale sur la trois voie qui encercle la capitale. Colombes n'est qu'à une quarantaine de kilomètres plus à l'Ouest. Selim semble connaître le trajet comme sa poche, parce qu'il ne commet aucun écart malgré les embranchements sinueux.
- Je sais juste que ce n'est pas la première fois que tu y vas ces derniers temps... c'est marrant quand on pense que tu détestes cet endroit. Claironne t-il, tout en tapant ses doigts contre le cuir de son volant.
Ses lèvres se pincent machinalement. Réflexe typique d'une frustration qui peine à trouver le chemin de la sortie. J'avais vu juste. Il se doute de quelque chose et ça ne date pas d'hier. Mais quoi ? Ma visite chez Aristote ou dans le squat malfamé de Pador - ou les deux ? Pas le choix, pour en avoir le cœur net, je me risque au bluff.
- Oh, et comment tu l'as su ?
Je ne sais évidement pas de quoi je parle, ni même dans quoi je m'aventure, mais Selim n'y prête pas attention. Et ça me rassure.
- Tu sais, ce type Pador à qui tu as filé des billets pour le match du SCP en échange d'infos ?
J'opine du chef.
- Ce même Pador qui bourré l'autre soir, lors d'une petite soirée play chez Rafi - m'a confessé vos petits arrangements douteux. Inutile de te dire que je n'en croyais pas un mot, jusqu'à ce qu'il me montre les fameux billets. Qu'est-ce que tu pouvais bien lui vouloir pour te ramener à Colombes, au quartier de la Palissade, et toute seule en plus?
Sa dernière phrase sonne comme un bruit de casseroles qu'on cogne entre elles. C'est le moment de lui toucher deux mots quant à certains soupçons que j'apprivoise depuis des semaines. Que sait-il exactement ? Et quel est son degré d'implication - amical et professionnel - pour digérer les nébuleuses en même temps que les miennes ?
VOUS LISEZ
Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |
ChickLitSoisek Mara est journaliste sportive pour un grand quotidien national. Déterminée, calme, mélancolique, elle partage sa vie entre son job et ses quelques amis, une existence normale qui cache souvent des tourments enfuis. Et lorsque le meilleur jou...