Point de vue de Nour :
Dans le vestiaire, c'est l'effusion. Le coach ajuste quelques points tactiques. Le dispositif de jeu est bien rodé. Ce soir, on joue en 4-3-3. Le but ? Favoriser un pressing haut et laisser aux attaquants, suffisamment de créativité et d'énergie pour faire la différence en phase offensive. Autrement dit, c'est mon style de jeu. J'ai rarement été un amateur de défense. Moi, mon truc, c'est le spontané. Ce que je suis capable de faire avec mes deux pieds, résulte sans doute de l'espace que m'offre mes déplacements. Le coach le sait. Pour faire la différence ce soir, il faut me laisser créer les opportunités de marquer. Les derniers réglages se font dans l'urgence, mes coéquipiers le savent, chaque parole du coach a son importance. C'est lui qui décide de la marche à suivre. Si l'un de nous se plante, c'est le collectif tout entier qui va se manger ! Aucune erreur de débutant ne sera acceptée. Concentration, précision, combativité et rigueur sont les maitres mots de la soirée.
Marc, le préparateur physique tourne autour de ma carcasse pour vérifier que tout est en état de marche. Les dirigeants du SCP ne peuvent pas se permettre de m'envoyer sur le terrain, si ils décèlent la moindre anomalie. Il lacère ma cuisse droite pour m'éviter toutes contractures, enroule lui-même ma cheville anciennement blessée dans un strap et manipule avec soin mon talon d'Achille. J'ai l'impression d'être une poupée de chiffon. Mais c'est son rôle. Marc est payé pour s'assurer que mon contrat à plusieurs zéros soit rempli case après case. Je pense même qu'il est à deux doigts de cirer mes pompes !
Le casque vissé sur les oreilles, j'essaye de prendre du recul avec l'agitation de la pièce. Je rentre dans le processus de préparation. Celui où mes hésitations, mes doutes et mes réflexions n'ont pas leur place. Le pire ennemi du football, c'est le mental. Je le sais mieux que quiconque. Alors, je referme ma bulle. Prends de la hauteur, canalise mon appréhension. Ce soir, j'ai tout à prouver. J'ai merdé dans le dernier set. Mon club le sait, mes sponsors aussi et le public m'attend au tournant. Ce match veut dire beaucoup. C'est l'occasion pour le SCP de se racheter pour garantir la place de numéro 1 dans le championnat. Si je foire, si mes coéquipiers foirent, c'est tout un banc de supporters qu'on va envoyer sur la banqueroute. Les bookmarkers sont en place, les paris sont lancés, les sous vont pleuvoir de partout. Alors non, ce soir, gagner, ce n'est pas une option.
Bercé par la musique, je commence à m'habiller. J'enfile mon short, mon maillot, glisse mes protèges tibias le long de mes jambes, tout en enroulant les chaussettes par dessus. Mes crampons sont aiguisés, les lacets fermés, il ne me reste plus qu'à enfiler le survêtement. Je porte fièrement les couleurs du club, celui qui m'a tant fait rêvé gamin. Aujourd'hui, c'est moi l'émissaire de ce groupe. Le plus gros transfert du SCP jamais réalisé. La pression est énorme.
Autour de moi, ça chante, ça prie, ça médite. Ici, invoquer Dieu, ça n'a rien d'anormal. Toutes les religions sont représentées. N'importe quel couleur de peau est tolérée. Peut-être que c'est en partie ça, la magie du football. Dans un vestiaire, il n'y a pas de minorité. Qu'on soit blanc, jaune, noir, peu importe. Personne ne juge. C'est pour ça que j'y ai ma place. En dehors, c'est la jungle. Et on le sait suffisamment, pour apprécier ce genre de trêve.
Au loin, les échos de la foule se font entendre. Ma gorge se serre. Même à travers les murs, je perçois le tumulte de l'extérieur. Est-ce que j'ai peur ? Non. C'est mon job. Ça fait longtemps que j'ai appris à manier mon ballon en faisant abstraction des 50 000 personnes qui m'entourent. Par contre, je ressens l'excitation. Ce sentiment pervers qui noue mes entrailles. Je suis là parce que c'est ma mission. Et je ne comprendrai jamais le culte qu'on me voue sans faille. Alors que justement des failles... j'en ai tellement!
La partie va commencer d'ici quelques minutes. On se lève, tout à tour. On se tape dans l'épaule, on s'encourage, on se lance des regards entendus. C'est en famille, qu'on va franchir les obstacles de ce match. Nos adversaires sont conquérants. Mais notre armée est minutieuse. On sait qu'on peut les dézinguer les uns après les autres.
En file indienne, on attend patiemment le coup d'envoi. Le stade est en fête. Je reste silencieux. Gardant pour moi ces quelques minutes de répit. Plus personne n'est en mesure d'entrer dans mon cercle. J'ai fermé les écoutilles. Mon regard est perdu dans le vide. Mon corps est prêt à l'assaut. Je ne fais même pas l'effort de jeter un coup d'oeil aux caméras qui viennent s'écraser sur mon profil. Je sais que c'est la rançon du succès. Mais je reste infiniment persuadé qu'à trop parler, j'en perds de mon talent. Si j'ai une chose à prouver aujourd'hui, ce sera sur le terrain. Le reste, ça ne m'intéresse pas.
La musique retentit. Tout ce spectacle est orchestré par ces businessmen venus pavaner pour leur suprématie. Si le foot est une question d'oseilles, ça l'est encore plus les soirs de matchs. Musique, entrée des artistes, cocktails, évènements de marques, publicités, médias, sponsorings, et j'en passe. Si ils ont été capables de me payer des millions pour jouer pour le club parisien, c'est qu'ils savent qu'à chacune de mes apparitions sur le terrain, je leur fais engranger des sommes indécentes, juste pour le plaisir de me voir taper dans un ballon. En faisant ce constat, si je m'autorise à feinter la caméra, au final, c'est mon droit.
Je me lance à la suite des mes coéquipiers. On entre sur la pelouse sous la clameur du public. Le stade Parchamps est plein à craquer. Quand j'entends mon nom dans la bouche du speaker, les tribunes s'enflamment. Cette sensation, je m'y ferai jamais complètement. Je lève les mains en l'air pour les remercier. Je sais qu'ils sont capables de m'aimer comme de me détester. Cette relation n'est pas linéaire. Tout dépend de mes résultats.
Bientôt, les acclamations cessent. Ou bien, je ne les entends plus. Concentré sur le coup d'envoi, tout ce qui se passe autour de moi n'existe plus. Nous sommes vingt-deux sur le terrain, sans compter les arbitres. C'est avec eux que je vais devoir argumenter pendant 90 minutes. Ce sport, je le fais d'abord pour moi. Et ensuite, peut-être, pour les autres.
Je prends position devant la cage du gardien de l'équipe adverse. Au loin, je laisse le capitaine de l'équipe du SCP jouer à pile ou face pour savoir quel club prend possession du ballon en premier. Dans ma carrière, j'ai déjà mis des buts dans les trois premières minutes de jeu. J'ai conscience que tout peut arriver très vite. Je trépigne sur place, commence à préparer mon corps à un effort intense. Mon coeur monte en pression aidé par l'adrénaline. Je vérifie que mes chaussures sont bien nouées. Le staff me tend une bouteille d'eau. La dernière gorgée avant de m'élancer dans l'arène.
C'est maintenant que tout se joue.
Le ballon vole dans les aires. La partie a débuté dans les pieds du SCP. Les tribunes du camp adverse chiale à l'injure. Mais je n'en ai rien à foutre. Je suis Nour Senghar. Et quand un ballon s'approche dangereusement de moi, je redouble de combativité. Ce soir, mes passements de jambes vont être cruels. Mes adversaires vont regretter d'avoir fait le déplacement jusqu'à moi.
J'ai pas de pitié. Ils vont s'en rendre compte très vite...
Note de l'auteur :
Un petit tour dans le vestiaire était nécessaire pour tester la température de cette folle soirée qui s'annonce. 🥳
Je vous ai passé les détails de tous les petits coéquipiers de Nour, torses nues. Un peu de tenue !( maintenant que je le dis, franchement, j'aurais pu faire un effort!) 🤷🏽♀️
Comme je sais que vous adorez les pronostics : victoire ou défaite ? 😏
No news de la petite Soisek... mais sans pression, elle revient dans le prochain épisode...
Bisous mes petits chats. 💋
On reste connecté, parce que j'suis inspirée en ce moment et que... sans vouloir vous y obligez (bien évidemment), il se pourrait que le prochain chapitre vous intéresse...
See u !
Em.
Ps : allez, on vote pour les 2K le lecture ! 🤭
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Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |
ChickLitSoisek Mara est journaliste sportive pour un grand quotidien national. Déterminée, calme, mélancolique, elle partage sa vie entre son job et ses quelques amis, une existence normale qui cache souvent des tourments enfuis. Et lorsque le meilleur jou...