Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |

25. Une amicale moquerie

Sensationnel, du virtuose, du grand art, du jamais-vu ! Les bouches se délient pour chanter les louanges d'un match qui restera gravé dans les mémoires. Selim dévore son burger en refaisant chaque action geste après geste pour que son auditoire saisisse le génie de l'instant. Comme si Mél, Ugo et moi-même n'avions pas assisté à la scène à ses côtés. Tactique, offensive, petits ponts, feintes, tacles, but et encore but. En plein milieu du burger king, Selim ne se remet pas de ce qu'il a vu.

Ce qu'a provoqué Nour Senghar dans ce stade ce soir, c'est au-delà de l'imaginable.

Et mon esprit critique a beau être aiguisé à son maximum, je n'ai rien de plus à ajouter. C'était magistral. Il était... au summum de son talent !

- Le mec est capable de se défoncer la cheville et de revenir encore plus fort qu'avant ! Je te jure, si c'était pas mon pote, je l'épouserai ...

Tout en mastiquant son double cheese, Selim ne tarit pas d'éloge sur la grandeur de l'attaquant du SCP. Je suis un brin mal à l'aise. Si il savait qu'en réalité, il n'a jamais été moins bon. Il s'est juste forcé à être médiocre. Ce qu'il s'est passé ce soir, ce n'est que la digne représentation de sa suprématie. C'est encore plus rageant d'ailleurs, de le savoir.

Au fond, il n'a pas tord. Quel genre de sportif a suffisamment de brio pour revenir avec une telle impétuosité après une blessure ? Nour Senghar, évidemment.

- Qui est chaud pour un petit after dans les règles, histoire de célébrer cette remontada déjà légendaire ?

On dirait un gosse. Selim est à l'apogée du bonheur. C'est bien un mec. Un bon petit match, de la malbouffe et le voilà au nirvana. J'aimerai bien lui souffler à l'oreille que, de base, c'est quand même le job de Senghar de faire le show. Non pas, qu'il ne nous en a pas mis plein la vue, mais un peu de contenance, ça ne fait jamais de mal. Sauf que je ne suis pas rabat joie de nature. Donc je me tais.

Ugo et Mél s'invitent à rejoindre Selim dans ses célébrations. Pour ma part, je tiens à respecter l'accord tacite que j'ai passé avec moi-même, il y a quelques jours. Me tenir le plus éloigné de ce monde et du sportif qui emplie l'intégral de mes obscures pensées depuis des semaines. Du coup, je décline. Poliment.

- T'as mieux à faire ? S'enquit Selim.

- Euh... non, mais la semaine a été chargée donc...

- Chargée en Tequila ouais !

Ah. Ah. Ah. J'esquisse une moue forcée en guise de réponses.

- Allez, Sek ! Joue pas à la petite Sainte. On sait que tu adooooores les soirées d'après match avec ton petit pote Nour.

Tout le petit monde se met à rire de la remarque de Selim. Seule Mél, se retient de pouffer totalement.

- C'est pas mon pote ! Combien de fois je devrais te le rappeler !

J'aboie cette réflexion avec un peu trop d'agressivité. Pour Selim, ça ne passe évidemment pas inaperçu. Alors, il en rajoute. Parce que ce soir, rien ne l'arrête et qu'il a décidé de me cuisiner dans les règles de l'art.

- Ah ouais ? Sek, je ne comprends pas. Moi quand j'aime pas quelqu'un, je le calcule pas. Toi visiblement, quand t'aimes pas quelqu'un, ça te donne le droit de le mitrailler pendant des heures, juste parce qu'il a le toupet d'être dans la même pièce que toi. Et ça fait des années que ça dure !

- Il fait exactement la même chose. Me défendis-je.

- Oh oui, je sais. Je lui ai fait la même remarque l'autre jour. Je commence à croire que vous entretenez cette petite haine réciproque, juste pour le plaisir.