39. "À ce soir"

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De nos jours

Je me suis replongée dans cette histoire, sans y être vraiment préparé. C'est venu parce que j'étais entrain de retracer le fil de ce dérapage. Comment en étais-je arrivée à me méfier de tout et de tout le monde, tout le temps ? Pourquoi est-ce que j'étais incapable de ne pas voir le mal partout autour de moi ? Et la raison s'est imposée comme une triste évidence. Mon père s'était tiré un beau jour alors que rien ne le présageait. Nour avait fait pire. Et Selim, s'est mis à me mentir. Et ce n'est pas dans ces habitudes. Il y a des gens pour qui enrober la vérité au risque de la fausser complètement est un art à part entière. Nour fait parti de ces gens. Pas Selim. Il ne trompe personne, ne berne personne. Pour lui, la sincérité c'est le ciment d'une relation, peu importe la nature de celle-ci. Il ne me ment jamais. Même si la réalité est moche au point de ne pas avoir envie de la dire à voix haute. Je nage dans un océan de non-sens. Et ça m'a fait réfléchir toute la nuit. À en devenir cinglée ! Parce que lancer des paris hypothétiques sur des évènements probables ou non, c'est comme essayer de capturer une bulle de savon. Aussitôt qu'on touche au but, BOUM, la bulle éclate. Il ne reste plus qu'une sensation fugace au bout des doigts. Et c'est ce que j'ai comme sensation. Celle de ne pas avoir su relier les éléments entre eux.  Et j'en suis venue à la conclusion, qu'il était très certainement probable que la vérité que je cherche tant et si bien à déterrer, n'arrange personne autour de moi. Que quoi que je fasse, il n'y a pas de réalité qui soulage.  Et c'est bien pour ça qu'on m'en éloigne chaque jour un petit peu plus. En faussant les pistes, en rajoutant des obstacles ici et là, toujours avec une discrétion qui force le respect. Mais quel genre de petit secret mérite d'être si méticuleusement claquemuré ?

Et je me demande si je suis suicidaire au point d'avoir envie de ranimer ce qu'il y a de pire chez les gens que je suis supposée aimer. Et je crois que la réponse est oui.

**

Ce matin, c'est le grand jour. Après des semaines à courir derrière la fantastique équipe de Handball Féminin, il est temps de retrouver mes quartiers dans le 4e arrondissement de Paris. Ça fait longtemps que je n'ai pas fichu un pied dans l'effervescence de la rédaction. Je me rends compte que j'aurais dû me renseigner en amont avant de débarquer d'outre tombe, la fleur au fusil. À l'intérieur, le bordel auquel j'assiste est indescriptible. L'immense openspace s'est transformé en un débarras créatif d'un nouveau genre. Plus aucun bureau n'est praticable. Tous sont recouverts de tissus, de boites en carton, de petits sachets logotés par une célèbre enseigne de luxe. Des dizaines de sbires s'activent comme des dératés, bousculant l'ordre établi, enlevant la douce révolte qui flotte d'habitude dans l'atmosphère. Je marque un temps d'arrêt. Horrifiée par le spectacle qui se déroule sous mes yeux. Soudain je réalise qu'aujourd'hui, n'est pas un jour comme un autre. Chez Team +, cette journée sonne comme la réussite de toute une année à cravacher sans répit pour donner le meilleur de l'info. Pour les salariés, comme les invités, l'événement à venir revête le costume du succès. Comment ai-je pu oublier ça ?

- Bienvenue parmi nous, Mara.

Yuri se dresse derrière moi. Un sourire narquois collé au visage, comme souvent. Les bras croisés contre sa poitrine, il observe avec autant de curiosité que moi, le désordre se mouvoir sous nos yeux. Il semble étonnement calme pour quelqu'un qui connaît des excès de colère parfois disproportionnés.

- Je ne savais pas si je pouvais compter sur toi aujourd'hui. Gronde-t-il.

Blasée, je fais demi-tour pour lui tourner complètement le dos.

- J'étais sur le terrain pour le boulot, pas dans un hôtel/spa aux Seychelles. Crachai-je.

- Détends-toi, Mara.  T'es sur la défensive avant même qu'on ait commencé les hostilités. Et puis, cet article est excellent... au passage.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant