PDV : flashback Nour août 2006.
- Tu déconnes frère ?
La voix de Rafi vient claquer comme une gifle contre ma joue. Je le regarde de biais. Comme si ce que je venais de dire avait l'air d'être une plaisanterie. Il arpente le vestiaire vide, les deux mains sur la tête, sa jambe à la traine. Je suis assis sur le banc, entrain de fixer mon meilleur pote faire des allers retours sans but. Comme un éclopé qu'il ait après sa blessure au genou.
- Et ton avocat, il fait rien ?
Sa voix trahit son appréhension. D'habitude si calme et maître de lui, il a l'air plus chamboulé qu'à l'accoutumé. Je me dis que mon annonce a du faire l'effet d'une bombe. J'hausse les épaules en guise de réponses. Puis me reprend.
- Ce sont des menaces. Sauf à porter plainte contre Savage pour intimidation et voir un contrat pro me passer sous le nez cette année, je vois pas comment tu veux que je m'en sorte.
Je suis étonnamment philosophe. À la différence de mon entourage, je comprends aisément que je suis coincé dans un merdier par ma faute.
- Des menaces qui ne concernent pas que toi.
Touché.
- Tu crois vraiment qu'il peut mettre son plan à exécution ? Ça devrait lui suffire que tu signes à Toulouse. Essaye de renégocier.
Je soupire résigné.
- J'ai déjà négocié mon contrat. C'est clair comme de l'eau de roche. Je joue à Toulouse dès le mois prochain dans l'équipe 1. C'est la suite que j'avais pas prévu... Et ce ne sont visiblement pas des paroles en l'air. T'aurais vu le dossier qu'il a.
Rafi finit par s'étaler sur le banc à mes côtés. Impuissant. Comme moi.
- Tu vas le laisser faire ?
Ses yeux sont remplis de questions à mon égard. J'aimerai pouvoir lui offrir une réponse adéquate. Mais j'ai bien peur de n'en avoir aucune. Alors comme si c'était nécessaire, il se lève et m'assène un regard lourd de sens.
- Tu n'peux pas faire ça. Y'a aucun pardon après.
Il quitte le vestiaire me laissant seul à mes pensées. Je me sens... anéanti. Vide. Faible. Évidemment que je ne peux pas. J'ai aucun moyen d'en sortir gagnant sur ce coup là. Et ça m'rend fou de mettre laisser berner à ce point.
————-
- Tu as reçu mon petit message Nour ?
La voix de James Savage à l'autre bout du combiné me strie les oreilles.
- Oh allé, on va pas se brouiller pour des gamineries. Tu seras très bien à Toulouse. Tout est prévu pour toi. Les infrastructures, le staff, les coéquipiers. On va passer une bonne année ensemble. Tu verras.
Il est comme à son habitude, enjoué et manipulateur. Sûrement une des raisons qui me fait dire qu'il réussit très bien dans les affaires. Mon sang pourtant ne fait qu'un tour et j'aimerai hurler après lui. Mais je me retiens. Je ne peux pas. Je ne suis absolument pas en position. Je le serais sur le terrain. Quand il aura besoin de moi pour gagner des trophées. Mais pour l'instant, il me tient. Et il le sait.
- Tu verras, tu me remercieras plus tard. Quand on est un futur champion, on n'a pas le temps pour ces choses-là. Vois-le comme une sorte de ... cadeau. Raille t-il.
J'ai envie de prendre tout ce qui me passe sous la main et de l'envoyer dans le mur à commencer par mon téléphone. Mais ces derniers mois m'ont appris que le self-control était ma meilleure arme dans ce monde.
VOUS LISEZ
Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |
ChickLitSoisek Mara est journaliste sportive pour un grand quotidien national. Déterminée, calme, mélancolique, elle partage sa vie entre son job et ses quelques amis, une existence normale qui cache souvent des tourments enfuis. Et lorsque le meilleur jou...