32. Juillet 2010

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Mes foulées fracassent le bitume. Mon pouls s'accélère. Mes poumons prennent feu. Je déambule à travers les passants telle une fusée. Je suis en combustion. Mon corps entier crie contre cette chaleur invasive, ce pétage de plombs que je n'avais pas vu venir.

Je cours si fort, que mon genou menace de craquer sous la violence des coups. Des gouttes de sueur perlent le long de mon front. Je suis à bout de souffle, mais je ne lâcherai pas.

Je traverse le pont de la concorde, éclairé par des lumières éparses. La nuit s'enfonce dans les ténèbres, aussi vite que je fuse à travers la ville. J'ai la rage au bout des lèvres. La colère que je ressens à réveiller le volcan éteint. Et je ne sais toujours pas à qui j'en veux le plus ? À moi, ou à lui ?

À la sueur, se mélangent des larmes furieuses, désireuses de se frayer un chemin à travers mon visage. Je ne sais pas pourquoi je pleure. J'en connais rarement la raison, à dire vrai. Je chiale comme une môme en plein chagrin puéril. Et je n'ai aucune moyen d'y remédier.

À quelques pas du jardin des Tuileries, je ralentis la cadence. Je grogne. Un son caverneux, proche de l'hystérie. Mes jambes cessent leur course vers un objectif qui n'est pas atteignable. Je suis statique, le buste penchée vers l'avant, les mains posées sur mes cuisses. Je reprends ma respiration, plusieurs fois. Essayant de faire taire les palpitations affolées de mon cœur en berne.

Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

Doria et Marie avaient raison. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans toute la presse à ragots. J'ai voulu en avoir le cœur net. C'est en tapant son nom sur un célèbre moteur de recherche, que l'inéluctable s'est produit. Il fait les gros titres de torchons depuis deux jours. Il y a même quelques photos volées qui ont été prises à la sortie d'un restaurant à New-York. Dans la nuit, on reconnaît à peine les traits familiers de Senghar. Mais la superbe blonde, plantureuse, d'1m80, quant à elle, scintille même sur un cliché bon marché. Elle agrippe de ses ongles manucurés à la perfection, le bras, de celui que j'ai un jour considéré autrement qu'un simple joueur de football. Et à chaque fois que je me remémore cette image, mon ventre se tord, inexplicablement.

Je ris jaune. Je me demande combien de temps encore, je vais me laisser malmener par les amourettes sans lendemain de Senghar. Je redoute chaque année, l'instant où la rumeur enfle et que la liaison supposée est confirmée par un tas de photos prises sur le vif. Mais aujourd'hui, c'est différent. Les années filent et ça fait presque plus mal à chaque fois. Parce que je vis avec la peur, qu'un jour, l'histoire délivrée sur le papier glacé, soit la bonne.

Juillet 2010

J'ai 21 ans. Un été vide en perspective. Mon mémoire terminé. Je n'ai qu'à profiter de la chaleur moite de la capitale, tout en rangeant des archives dans la bibliothèque municipale du 18ème arrondissement. Bien loin des vacances de rêves promues sur carte postale ! Le sable brûlant de la côte me manque. Mais maman n'est pas dispo. Depuis qu'elle et son nouveau mec sillonnent les vagues en voilier, moi, je n'ai qu'à bien me tenir dans les affres pollués de la ville. Ce n'est pas que je lui en veux... mais depuis qu'elle a déménagé près de Nice, on se voit rarement. C'est tout juste si elle m'a félicité pour avoir obtenu mon année avec une note tout à fait honorable aux examens. Elle vis la grande vie sur la côte, et je me demande avec quel argent. Pas le notre, c'est une certitude.

Les copains ont déserté Paris. Mel et Ugo sont partis jouer les saisonniers au Cap Ferret et Selim a décroché un stage dans un grand groupe télévisuel. Quant à moi, je ne fais que repousser l'heure de ce fameux stage. Parmi les différentes demandes que j'ai pu faire, une seule a été acceptée. Et ce n'est pas celle qui m'arrange le plus. Alors sans changer mes habitudes profondément ancrées depuis quelque temps, je joue à l'autruche. Le cou consciencieusement enfuit sous terre. Bien que flattée par l'intérêt que me porte la rédaction du magazine en question, je ne sais pas si je peux accepter l'offre. Si j'ai postulé, c'est parce que je croyais que le reste de mes demandes allaient voir le jour. Or, le sort continue de s'acharner avec une ironie malveillante. Et France Football magazine, c'est bien le dernier endroit où j'ai envie de faire mes gammes...pour une raison qui m'est tout à faire propre.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant