Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |

8. Le revers de la médaille

            

Sur le chemin pour me rendre à la rédaction de Team +, je m'arrête au kiosque situé à côté de chez moi. Mon article de la veille a bien été publié. En première page. La fierté que je ressens sur l'instant, regonfle le soupçon de confiance que j'avais perdu lors de la conférence de presse. 

Je ne me rappelle pas m'être endormie hier soir. Ce que je sais, en revanche, c'est le temps que ça m'a pris pour chasser de mon esprit la noirceur des traits de Senghar. Mon article avait été un défouloir. À minuit pétante, il était envoyé dans la boite mail de Yuri. Il avait du le juger satisfaisant à en croire la une de Team + ce matin.

Les yeux rivés sur la couverture du journal, je souris bêtement. Je m'avance pour acheter un exemplaire. Mon regard bifurque vers le comptoir où un homme d'une cinquantaine d'années m'attend pour empocher la monnaie. Seulement, je suis rapidement freiné dans ma course. La Une d'un Tabloïd posé à côté de la caisse me nargue. Difficile de passer à côté sans y prêter de l'importance. Je connais que trop bien la personne sur la photo de couverture. Beaucoup moins les deux sirènes qui lui servent de compagnie. Senghar fait les gros titres. J'ai la nausée.

Sans réfléchir, j'attrape le torchon et paye mon due.

Le cœur battant, je contemple mes achats. Au beau milieu de la rue, je feuillette les pages du magazine people. C'est la première fois que j'y prête de l'attention. Je me suis gardée pendant longtemps de mettre mon nez là-dedans. Par protection sûrement. Je manque d'arracher les pages du livret tant mon appréhension est à son apogée. C'est sans compter sur la sonnerie de mon téléphone qui coupe mon élan coléreux.

Tout en continuant mon petit manège, je glisse mon cellulaire sous mon oreille. Oubliant de vérifier l'émetteur de l'appel.

- Allo ?

- Sek, c'est Selim. C'est quoi cet article ? Me dit-il, la voix rieuse.

Perdue dans la contemplation d'une photo répugnante, j'oublie de quoi Selim veut me parler.

- La Une de Team +. Tu sais ton article, sur le match de hier soir. Ça va Sek ?

Soudain, je referme le magazine. J'en ai trop vu. Tout en le glissant sous le bras, je continue ma course à grande enjambée.

- Oui, excuse moi. Je suis entrain de me rendre à la rédaction du journal et c'est un peu la cohue dans la rue. Tu disais ?

- Tu as été un peu ... virulente dans tes propos. Ça s'est mal passé la conf ?

- Si par mal passé, tu veux dire que Senghar a royalement occulté ma question... en effet, ça s'est plutôt mal passé.

Offusquée par mes propres propos, je manque de m'empaler un cycliste en traversant le trottoir. À l'autre bout du combiné, Selim paraît amusé de la situation.

- Il a fait ça ? Me dit-il mi- étonné, mi- moqueur.

- Selim, tu connais ton pote mieux que moi. Ça n'a rien de surprenant. Dis-je, sur un ton lasse et plein de condescendance.

- Ça méritait un article du genre, si je comprends bien.

- Oh ça va, il s'en remettra !

- Il m'a déjà appelé ce matin et crois-moi Sek, il n'était pas très content ! Continue t-il, cette fois-ci complètement hilare.

Tout en traversant le boulevard Bourdon, je prends la direction de la rue de l'Arsenal où se situe les locaux de Team +. Préoccupée, je laisse Selim se gausser de la causticité de mes propos sur le match du SCP. Il ne s'arrête plus de rire au téléphone. Honnêtement, je ne vois pas ce qu'il y a de si drôle. Si Senghar était moins détestable, on n'en serait pas là.