Le match débute sous les louanges constantes du public. La balle au pied, l'équipe adverse tente de remonter le terrain pour s'approcher de la cage. Mais rien n'y fait, les défenseurs de SCP sont sur le pont. Les passes s'enchainent. Le ballon fait des allers retours sur le terrain. Tantôt au pied des Rennais, tantôt dans ceux du SCP.
Les maillots rouges des Parisiens sont en mouvement autour de leurs opposants. Passe en profondeur du joueur central, Senghar la réceptionne. Le souffle des supporters s'accélère. Il tire. La balle s'élance dans le ciel et finit sa course dans les mains du gardien. La foule s'exclame. Un long râle vient résonner dans l'enceinte du stade. C'est le jeu.
Mon poult s'enflamme. Je sens que cette soirée va être du très grand Nour Senghar. La facilité avec laquelle il semble flotter sur la pelouse rend ce joueur difficile à marquer. Senghar, feinte. Il s'élance à nouveau vers la cage. Affiche un arrêt. Son regard observe son rival qui court derrière lui. C'est maintenant ou jamais. Nour le sait. Ce n'est qu'une question de millième de secondes. Il fixe le ballon des yeux et lance son pied gauche de l'intérieur. Le tir est parfaitement cadré. BOUM. La balle atterrit dans les filets. Les cris de joie sont assourdissants. Nour parcourt le terrain en courant, les mains levées vers le ciel. Comme si c'était lui, la providence. Et il l'est. Son nom est scandé comme une incantation maléfique. Senghar a marqué ! Senghar est roi !
Je ne bouge pas. Je ne prête même pas attention à l'hystérie collective. Selim se lève, trépigne des pieds, applaudie la beauté du geste. Et moi, je reste stoïque, effacée. Ce que je vois me laisse de marbre. Parce que mes yeux sont focalisés sur la silhouette du héros. J'analyse sa réaction, comme une experte en gestuelle. Son arrogance est à son apogée.
La mi-temps sonne le glas de la première période. SCP mène 1-0 face à Rennes. La frénésie ne semble pas vouloir redescendre. Je suffoque, l'air me manque. Selim propose une tournée. Dans mon état, l'idée me semble être brillante. Je descends les marches des tribunes. Selim me devance de quelques mètres. Je repère quelques journalistes. On dirait des membres d'une confrérie. Tous la même dégaine de chasseurs de scoop. Je crois que je leur ressemble plus que ce que je ne crois. J'ai envie de rire.
Martin Valez me scrute depuis que je me suis levée de mon siège. Je le sais, parce que c'est le premier regard que j'ai croisé en me faufilant parmi la foule. Son visage s'illumine quand je lui donne ce qu'il cherche : mon attention. Je fais mine de paraître surprise. La vérité, c'est que je ne le suis pas. Martin est de la même veine que Selim. Pour lui, chaque match du SCP est un cadeau de Dieu. Quoi de plus normal alors, que de le croiser ici ? Lui en revanche, semble se demander ce que je fous là.
Martin Valez est un bel homme, la trentaine. Un journaliste chevronné, un brin prétentieux. Mais son travail est plutôt remarquable, si je me réfère au nombre d'articles sulfureux portant son nom. Selim et Martin ont une aversion commune l'un pour l'autre. Ils se détestent. Parce qu'ils jouent dans la même cours et que j'assimile ça à un combat de coq. J'en plaisante souvent. C'est puéril, un homme !
Alors évidemment, quand Selim remarque les regards entendus de son rival, il préfère me laisser gérer seule. Déguerpissant près de la buvette pour combler sa soif. Je n'ai pas envie de parler. Dans un autre contexte peut-être. Mais pas ce soir. Je fais signe à Martin que le devoir m'appelle. Mais c'est sans compter sur le fait que c'est un investigateur tenace.
- Tu comptais passer devant moi et ne pas me saluer ? Demande t-il, faussement boudeur.
- Désolée, je suis un peu pressée. Arguai-je.
- Si SCP gagne 2-0, tu m'offres un verre après le match pour te faire pardonner ?
C'est qu'il a l'air sérieux en plus !
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Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |
ChickLitSoisek Mara est journaliste sportive pour un grand quotidien national. Déterminée, calme, mélancolique, elle partage sa vie entre son job et ses quelques amis, une existence normale qui cache souvent des tourments enfuis. Et lorsque le meilleur jou...