42. Dans ses draps

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- Y'a des mecs très influents qui sont au courant du trafic de came au lycée et qui menace de révéler toute l'affaire. Et pour l'instant... J'ai pas encore trouvé le moyen de les maîtriser. Mais faut qu'tu restes en dehors de ça. C'est tout ce que t'as à retenir.

Il a chuchoté sa sentence suffisamment fort pour que Rafi et Selim entendent. Je les observe derrière lui, opiner du chef en signe d'accord. Moi, j'ai le sentiment que l'on ne s'est pas encore tout dit. Mais c'est un début. L'ombre qui passe dans les yeux de Nour me le confirme. Si j'analyse les moindres gestes de trois acolytes, je peux facilement percevoir la crainte d'être démasqué totalement. Je fais un pas en arrière. Et j'interpelle vivement Selim qui demeure silencieux depuis trop longtemps.

- Tu confirmes ?

Après un moment de blanc et un long soupir, Selim remue la tête en signe d'affirmation.

- Oui. 

Mes pensées sont brouillées. Je ne trouve plus rien à répondre. Peut-être qu'ils ont raison au fond. Ça ne me regarde pas.

Alors pourquoi ai-je le sentiment d'y être si intiment mêlé ?

Je les distingue un à un, le regard froid et inquisiteur. Je tends la veste soigneusement posée sur mes épaules à Rafi. Lâche un juron. Et regagne la porte d'un pas calculé, en ne manquant pas de la faire claquer sur mon passage. Le bruit aiguë vient fendre l'air brutalement.

Une fois à l'intérieur, je me dirige vers les vestiaires. Dans ma tête, c'est limpide. Je prends mes affaires et je me casse d'ici sans demander mon reste. J'ai besoin de faire le vide. Par quelque chose. Mais je suis naïve de penser qu'on me fouterait la paix après mon aventure sur le balcon. Une voix m'appelle du haut des escaliers. Je saisie instantanément de qui il s'agit. Mais sans me retourner, j'active la jeune responsable de la penderie pour qu'elle me donne mon manteau au plus vite. C'est stupide, au fond. Car une fois dehors, je devrais attendre qu'un taxi veuille bien s'occuper de ma course. J'ai tord de penser que je peux lui échapper aussi facilement.

J'ai arrêté de réfléchir à la minute où j'ai compris que ça ne servirait à rien. Alors, j'ajuste mon manteau sur mes épaules gelées et j'attends qu'il me rejoigne. Il dévale les escaliers deux à deux. Bousculant au passage, des âmes torchées qui discutent en plein milieu. Il dénote dans cette mise en scène. Sa peau sombre irradie au rythme des lumières artificielles du grand lustre du théâtre. Je ne vois que lui. Il ne cherche que moi.

Quand il s'approche enfin, je prends une décision des plus séculaires. Je sais qu'il finira par me guider dans ses filets. Et je n'ai pas l'intention d'y résister.

Sans un mot, sa main se pose dans mon dos nu, relevant ainsi les pans de mon fourreau. Il me presse de quitter les lieux à sa manière. Sur le parvis du théâtre, des dizaines de voitures sont alignées. Il suffit qu'il en hèle l'une d'entre elles, pour qu'un chauffeur s'empresse d'ouvrir les portières passagers. Je reconnais le conducteur attitré du mini-van aux vitres teintées. Celui qui s'occupe des déplacements de Senghar depuis qu'il est membre du club parisien. Je m'engouffre à l'intérieur, profitant de l'espace pour me coller à l'autre extrémité de la banquette. Senghar me suit. Sa main s'appuie le long de ma cuisse. Ce contact m'électrise. Je ne fais rien pour la dégager. Quand la voiture démarre, je laisse mes yeux vagabonder au gré du paysage. Lui me fixe. Attendant une réaction de ma part, qui ne viendra pas. Je n'émets pas le moindre bruit, ni le moindre geste. Ses doigts dansent le long du tissu de ma robe. Un touché délicat. Comme si il inspectait lui-même, l'œuvre qu'il a façonné au travers de ce cadeau. Il me l'a offert après tout. Je savais au fond de moi à quoi m'attendre.

Nous arrivons au bout de quelques minutes devant un immeuble qui m'est familier, pour y avoir été une fois, il n'y pas si longtemps. Je pourrais décider de ne pas sortir du véhicule, mais je n'en fais rien. Les yeux de Nour me scrutent. Il attend une approbation de ma part, je la lui donne en hochant de la tête.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant