35. La dose de trop

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La sonnerie retentit au moment où je m'y attends le moins. Plongée la tête dans l'oreiller, cet affront matinal est un supplice comme on n'en fait plus. J'ai du trouver le sommeil il y a à peine quelques heures. Résultante d'une nuit à cravacher sur mon papier. Alors cette petite visite, que ce soit le facteur, la voisine ou l'homme de ma vie, tombe mal. Voire très mal.

La porte pourtant, se met à trembler sous l'impulsion de frappes bien désagréables. Et de l'autre côté de celle-ci, j'entends la voix pressante de Selim.

Il est 8h pétante, qu'est-ce qu'il me veut ? On lui a pourtant appris les principes simples de l'amitié : parler après 10h le matin et de préférence avec un café. Ne me déranger qu'en cas d'extrême urgence : un résultat de match aberrant, un scandal sportif outrageux et éventuellement une rupture. Je doute que la dernière option soit de mise. Pour ça, encore faudrait-il s'attacher à quelqu'un.

Je m'arrache littéralement du matelas, pour traîner ce qu'il reste de mon corps à cette heure-ci. La porte s'ouvre découvrant un Selim, habillé, douché, sentant l'after-shave et le parfum musqué. On a clairement pas passé la même soirée lui et moi. Sa fraîcheur fait écho à ma mine flétrie et cireuse. Ses traits semblent néanmoins soucieux, traversés par une ride profonde sur le milieu de son front. Il ne passe même pas le pas de la porte, m'obligeant à me tenir prostré en pyjama dans l'encadrement.

- Sek, le nom du médoc c'était du DICODIN.

Je ne sais pas si c'est moi qui n'ait pas fini ma nuit ou Selim qui pète un plomb, mais je ne vois pas de quoi il me parle. Ni même pourquoi je suis dérangée à cette heure-ci pour un nom de médicament. J'espère qu'il ne va pas m'offrir l'intégrale de la posologie associée. Mon regard doit en dire long.

- Le nom du médicament que Senghar prenait contre ses douleurs, s'appelait du DICODIN.

Mon cerveau rembobine la cassette, tentant de comprendre ce que vient foutre cette information dans la bouche de Selim et pourquoi il parait si nerveux à son évocation.

- Il couplait parfois la prise avec de la morphine. Enfin, je crois.

Mes yeux prennent l'aspect de deux billes rondes. Complètement hors-jeu, je suis. Perdue entre deux grands trous noirs dans la farce immense qu'est cette putain de vie.

- Pourquoi tu me dis tout ça ?

- Parce que j'y ai pensé toute la soirée, après avoir vu Ari. Et je...je me suis souvenu de la boite de médocs qui trainait parfois dans son sac de sport. C'était la même que celle que mon père avait sur sa table de nuit, avant qu'il ne...disparaisse.

- Et pour la morphine ? Demandai-je, en croisant les bras, l'air plus sévère que je ne le suis réellement.

- J'peux pas le certifier à 100%.

Le jour vient de se lever pour moi et déjà le ton est donné. Selim, très vite, disparaît dans les escaliers de mon immeuble, prétextant une réunion aux aurores à la rédaction. Et la matinée passe, alourdie par son supposé flash. Je suis restée chez moi, croyant mettre toutes les chances de mon coté pour finir la première partie de mon article sur l'équipe féminine de handball. Sauf que j'ai l'esprit ailleurs et que cette histoire de médoc ne me quitte plus.

Le soir, j'oublie presque que j'ai rendez-vous avec Mathieu Dalot pour le premier match de préparation de l'équipe en vue des mondiaux. Je suis à côté de mes pompes et c'est à peine si j'arrive à l'heure. Me glissant dans les gradins du gymnase à pas de souris, pensant être discrète. Le médecin de l'équipe me zieute l'air amusé, me faufiler parmi les gens, prête à leur marcher dessus pour gagner ma place. Je ne suis absolument aucune action de la première mi-temps. Je pourrais tout aussi bien assister à une représentation de patinage artistique, que je ne m'en rendrais pas compte. En réalité, je suis obsédée par le déroulé de cette journée et par ce que j'ai déclenché malgré moi.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant