18. Interlude

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Point de vue de Nour


- J'suis entrain de jouer au con.

Je lâche cette phrase et je sens déjà les remords dans ma voix. Rafi m'observe, imperturbable comme toujours. J'crois qu'il vient de me faire la morale. De m'expliquer que ce n'est pas parce que j'suis Nour Senghar, que je peux traiter les gens comme de la merde. Il a raison... je sais qu'il a raison.

Soisek, c'est compliqué. De toute façon, dès qu'il s'agit d'elle, tout part en vrille. Elle me rendait déjà fou, il y a plus de dix ans. Pourquoi je m'étonne que ce soit encore le cas aujourd'hui ?

Rafi n'a pas fini de lorgner sur mes réactions. Ça me gonfle. Il secoue la tête de droite à gauche. Ça va, j'ai compris.

- Excuse toi ! Crache t-il.

Trop tard. C'est ce à quoi je pense. J'suis déjà allé trop loin. J'ai plus de limites quand Mara fait son apparition dans ma vie. Si j'essaye de canaliser mes excès de zèle en tant normal, mes efforts sont vains quand elle rentre dans la même pièce que moi. Je suis voué à vivre cet éternel fureur qui me fait la tenir loin de moi. J'ai exagéré. Je sais. Mais je ne peux pas me permettre de la laisser tout foutre en l'air maintenant.

Stationné dans le parking du stade Parchamps, assis sur le siège conducteur de ma voiture, je laisse mes genoux remonter contre le volant. La tête contre l'appui-tête, j'ai une migraine de feu. Raf patiente à côté de moi, les yeux rivés dans le vide. J'ai entrainement dans une vingtaine de minutes, mais je n'ai jamais eu aussi peu envie de jouer au football.

- Ça va la cheville ?

Je remercie Rafi de mettre fin à ce silence de mort. Mais sa question ne m'arrange pas non plus.

- J'te dirai ça sur le terrain tout à l'heure.

Avec l'armada de médecins et de kinésithérapeutes que j'ai vu en l'espace de dix jours, j'ai bon espoir que le problème soit réglé. Pourtant j'appréhende le retour. Dans ma ligne de mir, le prochain match de la semaine prochaine. J'sais pas si je suis prêt. J'sais plus si je peux encore donner le meilleur de moi-même. C'est la première fois de ma carrière que je doute autant. Et je déteste ça !

- Frère, fous pas tout en l'air maintenant !

Je ricane. Sa phrase ne pouvait pas tomber plus juste. Je suis effectivement entrain de perdre pied. De mélanger les choses. De manquer de vigilance. De me laisser submerger par des intentions extérieures. De perdre en concentration. De mettre à mal l'objectif de ma vie. Je suis entrain de payer pour le destin que j'ai déjoué des années plus tôt.

On m'a appris le contrôle de mes émotions, à réguler mon stress pour que celui-ci soit imperceptible pour le commun des mortels. La rigueur, la gestion de la pression, le mental d'acier, l'esprit de compétition, tout ça, c'est mon job. Faire rêver les gens, leur offrir des victoires, briller pour un club, entretenir cette notoriété pour faire le bien autour de moi, ça aussi c'est la part de mon contrat. Je suis payé pour être un champion. Alors, ouais, je me rends compte que j'suis entrain de dévier de route. Et ça m'fait flipper !

Pendant que l'on reste muet comme des carpes, l'heure tourne. Et je ressens ce trouble que j'ai depuis longtemps mis au placard. D'habitude serein à l'entrainement, je le suis beaucoup moins ces temps-ci. Et cette foutue cheville me fait un mal de chien. J'sais pas dans quoi je viens de m'embourber. Mais j'ai la conviction que ça craint. Mon téléphone ne cesse de sonner. Mon agent fait le pied de grue suspendu au combiné dans l'attente que je daigne lui répondre. Mais putain, j'ai pas envie. Sa proposition d'interview exclusive pour Team + n'a fait que conforter mon choix. J'en ai rien à foutre d'aller jouer au pantin devant un parterre de journalistes à la con. Et encore moins sous les yeux perçants de Mara.

- Tu vas pas y aller hein ? À ce truc avec Team + ?

Dans le mille Raf.

- Gros, c'est pas à moi de te dire quoi faire ok ? Mais là, je pense que tu peux pas trop te permettre de décliner la proposition.

- Ouaip. Je sais.

C'est ma seule réponse. Toute façon, j'en ai pas d'autres. À ce stade, il ne vaut mieux pas que j'écoute mon instinct. Il est biaisé. Dans le trou. Et me sert à rien.

- Pour Mara, si tu veux, je peux aller lui parler. Ça t'évitera d'enfoncer le clou, t'es un royal connard quand tu t'adresses à elle.

J'ai envie de rétorquer que j'suis un royal connard tout court et surtout quand il s'agit de cette go. Mais il le sait déjà.

- Tu penses calmer le truc ? Je demande.

- J'en sais rien, mais j'peux essayer.

Son clin d'œil m'apaise. J'aurais bien aimé gérer le cas de Soisek en personne, mais force est de constater que j'en suis bien incapable. Raf est plus doué que moi pour calmer les esprits. Lui, il sait ce que c'est les compromis. Moi, j'ai jamais appris. J'en ai jamais fait. Et on me l'a d'ailleurs jamais demandé.

Je descends de ma caisse pour me rendre dans les vestiaires du stade. J'vais faire ce que je sais faire de mieux : jouer au football. En espérant que mon cerveau se mette sur pause le temps de feinter mes coéquipiers sur la pelouse. J'ai besoin de retrouver mes sensations. De focaliser mon esprit sur un seul objectif : foutre ce putain de ballon dans la cage. Point barre.

Mon coach m'a prévenu de la venue de quelques visiteurs accrédités à l'entrainement. Furtivement, je me demande si Mara sera de la partie. Le temps que je capte pourquoi cette question vient assaillir mes pensées, je me raisonne.

Merde, c'est quoi mon problème avec cette meuf ?


Note de l'auteur :

Oulah, qui voilà... un petit Nour Senghar ! Oulah ça va pas ! Oh Oh... 🕵🏽‍♂️

Ok, j'ai craqué.

Mais avouez, quand même, qu'un petit détour dans la tête de NS, ça fait du bien ? Parce que pour moi OUI.  Déjà, fallait qu'on pose les bases, c'est un con certes, mais va falloir qu'on creuse tous(-tes) ensemble pour lui trouver des qualités. Et moi, je crois que je l'aime d'amour. ❤️

Ensuite, Soisek, avait besoin d'un chapitre de repos, parce que l'avant dernier lui a mis une claque. Faut qu'elle processe en silence. Mais elle revient dès le prochain épisode. En TRÈS grande forme !

NB : c'est pas le chapitre avec le vocabulaire le plus élaboré. Mais en même temps, je fais parler un mec, qui se soucie guère de son langage.

Bon, verdict, mes explications vous ont convaincus ? Et ce chapitre, pourrie, ultra pourrie, ou passable ? 🤭

Allez, la bise, mes p'tits pandas. 🐼

Em.

Soisek - dix ans plus tard -  | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant