PDV : flashback Nour juillet 2010
Il fait une chaleur écrasante dans la capitale. Pourtant je me sens léger comme une plume. C'est bien la première fois depuis quatre ans. Toulouse vient enfin de me lâcher les baskets et permettre au club de Lyon d'effectuer le rachat de ma clause libératoire. Le mercato estival s'annonce bien. J'ai fait une saison dantesque. Que demander de plus ?
Je me sens enfin libre. Loin de Savage et ses manigances. Bien que depuis quelques temps, il ait disparu des radars. Je soupçonne quelques petits ennuis avec la justice, restés pour l'instant en sous-marin, mais pas impossible que cela éclate au grand jour. C'est le cadet de mes soucis. Ma période à Toulouse ait révolu. Et même si j'ai tout gagné cette saison, je suis content d'enfin prendre mes propres décisions.
Je décide de prendre quelques jours près de ma mère à Paris, avant de filer vers une destination paradisiaque. Un endroit bien loin du tumulte de ces dernières années. Une façon de reprendre mon souffle en quelque sorte.
On est samedi soir et l'équipe de Toulouse vient en masse fêter la fin de saison dans une boite huppée de la capitale. J'hésite longtemps avant de dire oui. Ce n'est pas trop mon truc ce genre de soirée, mais je m'autorise à baisser un peu ma garde et profiter de l'âge que j'ai, pour une fois.
Sur le chemin qui me mène au Rajah, je reçois un coup de téléphone de Selim. Il hésite à me rejoindre mais son stage se trouve à quelques kilomètres en dehors de Paris et le trajet lui semble interminable jusqu'à la boite. Je n'en tiens pas rigueur, on se verra le lendemain. En raccrochant, il me glisse hilare que si j'y tiens réellement, Soisek Mara est également sur Paris. Je sais qu'il plaisante. Mais sa blague anodine ravive chez moi un brasier éteint. Il n'a aucune idée de la puissance de ces mots.
Lorsque j'arrive sur place, je remarque que la boite est blindée. Très vite je reperds mes coéquipiers et leurs invitées. Une flopée de jolies petites meufs. Elles se ressemblent toutes. Mais j'ai l'habitude. C'est ce qu'on attire quand on a le statut de footballeur. Des bombes, aux longues jambes, avec absolument aucune conversation. Ce qui m'arrange pas mal au fond. On n'a pas spécialement besoin de parler de sentiments avec ce genre de filles. Et moi des sentiments, comme c'était prévu, je n'en ressens aucun depuis des années. Très vite, les abeilles viennent butiner. Et avant même que mon regard ne parcourt l'ensemble de la boite, je me sens ensevelit par tout un tas de questions et d'intérêts qui me blasent toujours autant. Je me dis que je paye mes malheurs de cette façon.
Assis sur la banquette du coin VIP, je triture mon téléphone sans arrêt. J'hésite et me ravise instantanément. Les abeilles autour de moi ne me laisse aucun répit. Je décide de me rendre au toilette pour réfléchir un peu. Je me torpille l'esprit depuis le coup de fil de Selim. J'ai envie d'en savoir plus sur la vie de Soisek. Même si je sais que ce n'est pas bien. Il m'arrive quelque fois d'envoyer Pador à la quête de quelques nouvelles d'elle. Je suis son parcours de loin. Depuis six mois, j'ai un peu mis la filature en suspend. Le fait d'apprendre qu'elle avait un mec m'a ruiné toute ma trêve hivernale. J'ai décidé de couper. En fait, j'étais super énervé, mais ma culpabilité me criait que je n'en avais aucun droit. C'est malsain, c'est certain. Alors, j'ai souhaité prendre un peu de recul. Sauf que, ce n'est jamais bien loin de moi. Et quand l'idée frappe mon cerveau, c'est comme si j'étais en boucle. J'ai besoin de savoir ce qu'elle fait.
Ce soir-là, le destin a dû entendre mes mendicités car à peine sorti des chiottes, je suis tombé nez à nez avec elle. J'ai été tellement surpris que je n'ai eu aucune réaction. Mes yeux se sont ancrés dans les siens et parce que ça devenait trop douloureux, j'ai préféré en réchapper. Une grande blonde est venue me sauver de ma torpeur. J'ai pris ça comme un salue. La vérité, c'est que j'étais tellement tétanisé et hors de toute réalité que je n'ai pas su quoi faire d'autre. Quatre ans sans se voir. Et c'est comme ça que je réagis !
Je me sens désarçonné. La minute qui suis, je quitte le club seul en hélant un taxi.
Quatre ans que j'évite tout contact avec elle. Pas par choix mais par nécessité. Je ne sais pas combien de temps je peux me prêter à des oeillades noires. Je sais pourtant que c'est la meilleure façon de faire car je ne souhaite en aucun cas donner un quelconque espoir à cet amour. Elle est ma plus grosse faiblesse. Et je commence à croire que James Savage avait raison. À ce stade de ma carrière, il n'y a pas de place pour les failles. Si je suis parti quatre ans plus tôt, c'était pour qu'on se protège tous les deux. Enfin c'est que je tente de me convaincre. Pour autant, je fais exactement le contraire de ce que je viens de penser quelques minutes plus tôt et déverrouille mon téléphone pour joindre Pador.
Je veux TOUT savoir. Si avant, je me contentais de petites miettes ici et là, je change mon fusil d'épaules.
Où elle habite, qui elle fréquente, est-ce que c'est sérieux, qu'est-ce qu'elle fait de son temps libre ?
Pador s'exécute. Comme à son habitude. Et je reçois toutes les informations dont j'ai besoin la semaine qui suit notre rencontre dans cette boite de malheur.
Elle vient d'accepter un stage à France Football. Première nouvelle. C'est fini avec son mec et un nouveau lui tourne autour. Selon Pador il semblerait qu'elle n'y soit pas indifférente, preuve en est, elle a concédé d'aller boire un verre avec Adrien, Vincent, Jordan ? Peu m'importe, j'lui péterai bien toutes les dents. Elle continue de vivre dans le même appartement près du canal Saint-Martin. A obtenu son année avec brio. Sa mère s'est trouvée un nouveau mec dans le Sud. Mèl est toujours sa meilleure amie. Elle déjeune avec Selim tous les mardis-midis. Et date ce putain de fils de pointe d'Adrien - Jordan me dit Pador - jeudi prochain à 18H au palais Antoine sur la rive gauche.
Est-ce que ça me fait du bien de savoir tout ça ? Pas vraiment...
Mais je l'ai fait pendant dix ans. Et à chaque fois, j'ai répliqué de façon ultra puéril. En guise de réponse, je me suis affiché avec le dernier mannequin en vogue, actrice en devenir et chanteuse populaire. Comme ultime réponse à l'affront que Mara me fait. À savoir : vivre sa vie sans se préoccuper de moi.
Note de l'auteur :
Hello,
Voici le 3e chapitre posté cette semaine.
Yallah !
La bise,
Em.
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Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |
ChickLitSoisek Mara est journaliste sportive pour un grand quotidien national. Déterminée, calme, mélancolique, elle partage sa vie entre son job et ses quelques amis, une existence normale qui cache souvent des tourments enfuis. Et lorsque le meilleur jou...