Soisek - dix ans plus tard - | Terminée |

41. Sur le balcon

Attention - Je veux pas spoiler, mais il se passe des choses par ici ! Il faut VOTER et COMMENTER. C'est important pour moi d'avoir votre retour. Surtout sur un chapitre comme celui-ci. 😘

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Il finit lui aussi par s'échouer contre le garde fou. Statiques, nous n'avons pas besoin d'échanger un mot, pour sentir que l'air glacé s'est alourdi subitement. Lui en smoking, moi en robe de soirée, notre passé commun de gosses de banlieue n'a jamais été aussi criant qu'à cet instant présent. On sait tous les deux qu'on revient de loin. Pas des mêmes abysses. Mais c'est pareil.

La dernière bouffée de cette cigarette dégueulasse me crame la gorge. Alors je me sépare du mégot sans grand regret, envoyant la fumée en direction de Rafi. Il ne bouge pas d'un iota. Et pour seule réaction, il extrait d'une poche bien gardée de son costume, un pilon brillement roulé. Mon pêché mignon.

On se regarde pour la première fois dans le blanc des yeux, esquissant un sourire entendu. La flamme de son briquet vient brûler la feuille, libérant une odeur pure d'herbe. Il glisse le spliff entre ses lèvres et expire une brume épaisse qui vient combler le vide entre nous deux. Sa main se tend dans ma direction, le joint calé entre ses doigts. Je me saisie de l'invitation sans réfuter au préalable. Cette taff me permet d'expier toute la tension accumulée depuis le début de cette soirée. En équilibre contre le garde corps, je me laisse aller, ignorant presque la présence de Rafi. Lorsque que je lui repasse le joint, nos peaux se heurtent l'une à l'autre. Et je me rends compte que sa présence n'a rien d'anodine. Le silence pourtant est toujours aussi vaporeux. Je glisse un regard en biais pour observer Rafi. Il m'a toujours autant l'air tracassé. Ses sourcils sont froncés tandis qu'il observe lui aussi, les lumières de la ville. Il doit le sentir, parce que sa tête bifurque vers moi. Et je comprends que ce qu'il a à me dire, pourrait bien changer le cours de choses. Un long frisson me gagne. L'air frais et l'appréhension se mélangent, insufflant un rejet brusque de mon épiderme. Rafi dépose promptement sa veste sur mes épaules nues.

- Il faut que j'te dise la vérité. Murmure t-il.

Mon cœur accélère la cadence. Non, en fait, il s'emballe totalement. Et je peine à trouver un souffle décent devant autant de malaise.

- À propos de la drogue... C'est moi. Crache t-il, calmement. C'était moi depuis le début. Nour n'a rien à voir là-dedans. J'ai manigancé ce trafic au lycée, en pensant m'affranchir de toutes les règles. Et comme tu l'as découvert, j'me suis fait pincer comme un bleu juste après le bac. 

Je voudrais pouvoir lui répondre, mais mes lèvres sont scotchées entre elles. Je tente d'assimiler son aveu avec pragmatisme, sauf que mon cerveau est raide.

- J'sais que t'as enquêté, peut-être même que j'comprends la raison, mais tu te trompes. Tu trouveras rien qui puisse incriminer Nour. Parce que tout est d'ma faute. Rafi tente de faire un pas vers moi. Sa main glisse le long de la balustrade, effleurant l'avant de mon bras. J'suis parti en couilles, juste après ma blessure au genou. J'savais qu'ma carrière venait de mourir avant même d'avoir pu la vivre à fond. Ça m'a fait péter un plomb. J'connaissais des potes à mon reuf qui vendait un dérivé d'une drogue de synthèse sensé être 100 fois plus efficace que d'la morphine. J'avais mal au genou et il arrivait à Nour d'avoir mal au dos. C'était un échange de bon procédé. J'refilai les médocs prescrits par le médecin de Nour, pour un médoc plus performant.

-  C'était quand ça ? Coupai-je.

- J'sais pas. Quelques mois avant notre bac peut-être !

- Et ensuite ?

- J'me suis fait chopper, après que les revendeurs se soient balancés entre eux. J'suis passé d'vant le juge qui a été clément au vue des circonstances. J'me suis barré de Colombes et j'suis parti vivre avec Nour à Toulouse. Histoire de m'faire oublier.