Chapitre 4

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Le bruit familier d'un coup contre la porte me sort de ma lecture. C'est Nia qui vient me chercher pour le petit déjeuner.


— " On descend ?", me demande-t-elle une fois la tête passée au travers de la porte comme chaque matin.


— "J'arrive Nia" lui répondis-je en souriant.


Cela fait maintenant 9 ans que Nia et moi vivons ici. Nous ne partageons malheureusement pas la même chambre. Cela est peut-être pour le mieux, nous parlerions sûrement trop.


Si vous deviez la rencontrer, je suis sûre que vous noteriez en premier sa personnalité pétillante et son sourire qui illumine partout où elle passe. Puis, vous verriez sûrement qu'elle est légèrement plus petite que moi, mais compense sa taille par une énergie débordante et une curiosité insatiable. Ses cheveux, d'un noir profond, sont souvent en désordre, tombant en boucles épaisse autour de son visage. Ses yeux, d'un vert éclatant, sont toujours pleins de malice et d'émerveillement, captivant tous ceux qui croisent son regard.


Nia est la seule vraie amie que je me sois faite durant toutes ces années. Elle partage mon amour pour la lecture et possède une imagination débordante. Et elle passerait volontiers toutes ses matinées avec moi dans la bibliothèque si elle n'appréciait pas autant de pouvoir dormir encore un peu plus longtemps. Concernant son style vestimentaire, elle porte aujourd'hui, comme nous toutes, un haut gris et un pantalon sombre, à la différence près qu'elle y a ajouté une ceinture rose assortie à son nouveau collier et ses boucles d'oreilles. Je n'ai jamais accordé une grande importance à quelconque bijoux, mais Nia, elle, elle en possède dans chaque tons pour apporter un peu de couleur dans cet endroit ennuyeux.

Malgré la morosité de l'orphelinat, Nia reste optimiste et rêveuse en toute circonstance.


Je souris en observant les détails des petits papillons roses qui se balancent de ses oreilles.

Je referme le livre en prenant soin d'y insérer une bande de papier usée trouvée plus tôt dans le bureau pour y marquer ma page.


Je me lève et range la chaise sur laquelle j'étais assise depuis bientôt une heure. Je prends ma veste que j'avais apportée en cas de courant d'air et rejoint Nia sur le palier. Je prends soin de bien refermer la lourde porte derrière moi et la suit en descendant les marches. Une fois en bas, nous allons nous asseoir comme à notre habitude sur la table du fond. Pendant que nous discutons, Mme Thistlebrook passe avec son chariot pour nous servir le petit déjeuner. Ce matin, nous avons droit à une sorte de bouillie de céréales avec un morceau de brioche. Une morceau qui semble bien trop vieux pour être ingérée. Me retenant de faire un commentaire, je remercie Mme Thistlebrook et commence à manger. Cette femme travaille ici depuis que Nia et moi avons 10 ans. Au fil des années, elle semble s'être affectionnée de nos personnes et nous apporte un peu de chaleur lorsque nous la croisons. Toujours le sourire aux lèvres, elle essaye tant bien que mal de rendre cet endroit un peu plus joyeux.


Une fois ce repas difficilement avalé, nous remontons avec le reste des filles vers nos chambres respectives. Nous prenons nos affaires pour la journée puis nous nous dirigeons vers le lycée.


— "Tu penses qu'Eliott sera là aujourd'hui?" me demande Nia sur le chemin, le regard perdu dans ses pensées.


Eliott est un des élèves de notre classe. Et Nia à développer des sentiments pour lui dès qu'il a franchi le pas de la porte de notre classe cette année. Grand, élancé, les cheveux châtains, sa personnalité reculée et discrète contraste avec celle de mon amie. Mais bon, vous savez ce qu'on dit, les contraires s'attirent.


— "Je pense, oui. Cela fait trois jours qu'il est malade, il doit sûrement aller mieux", lui répondis-je un peu dubitative.


Elle hoche la tête puis nous entrons l'une à la suite dans l'enceinte du lycée. Nous traversons la cour et allons nous asseoir sur les bancs près des arbres. Je passe ma main sur la trace de nos deux initials que nous avons marqués il y a de ça quelques années. Des traces qui sonnent, encore aujourd'hui, comme une promesse. La promesse que tout ira bien, qu'on s'en sortira. Ensemble.


Lyra..


J'ignore la voix et continue d'écouter ma meilleure amie me parler d'Eliott.


Baisse toi


Elle pourrait me parler des heures de ce garçon alors même qu'elle n'arrive pas à l'approcher.


Lyra, Baisse toi


Eliott porte ça, Eliott l'a regardé comme ça, Eliott a fait ça, je ne me lasse pas de tout ce qu'elle me raconte sur lui. J'attends cependant avec impatience le jour où elle aura le courage d'aller lui parler.


Lyra, baisse toi maintenant !


Et comme poussée par une force extérieure, je finis donc par me baisser, faisant mine de lacer mes chaussures.


Au même moment, un ballon d'une puissance étonnante me passe au-dessus de la tête, me ratant de quelques centimètres. Je regarde dans la direction de l'abrutis qui a pu le lancer et tombe sur le groupe d'imbéciles qui s'amusent sans cesse à nous déranger, nous les filles de l'orphelinat. Une fois encore, cette voix m'a évité un moment désagréable.


A oui car je ne vous ai pas dit? 

J'entend une voix, une voix féminine qui semble sans cesse me tirer d'embarras. 

Une voix que je ne contrôle pas. 

J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une partie de moi, comme une voix intérieure. 

Mais non. 

Celle-là est bien plus forte et à des opinions bien précises qu'elle ne se cache pas de me partager. 

Une voix qui me fait faire des choses que je n'explique pas. 

Une voix que j'entend depuis la mort de mes parents et qui ne m'a jamais quitté depuis. 

Les Royaumes OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant