Les Royaumes Oubliés

Chapitre 21

Le blond ténébreux se tourne vers nous. Je détourne le regard, gênée. Alors que je commence à avancer dans la direction opposée, je heurte quelqu'un de plein fouet.

Kael.

Je le fixe comme si ce n'était pas réel.

— "Tu..tu étais..", je regarde l'endroit où je l'ai vu assis une seconde plus tôt. Soit une dizaine de mètres plus loin. Comment s'est il déplacé si vite? C'est impossible.

— "Et maintenant je suis là" me dit-il le sourire charmeur, "Je t'ai manqué?"

Je sens soudainement le rouge me monter aux joues tandis que j'entend Finn soupirer lourdement.

Sentant ma gêne soudaine, mon voisin de classe intervient.

— "Laisse la tranquille Kael, tu es loin d'être aussi intéressant que tu ne le crois."

À vrai dire, je trouve le jeune homme en face de moi particulièrement intéressant même si je ne l'avouerai jamais. Qu'est ce que je m'imagine après tout. Je l'ai vu côtoyer des filles absolument sublimes, ce genre de garçon ne fréquente pas les personnes comme moi.

Finn m'attrape par le bras et nous nous dirigeons vers la sortie. Je me retourne un instant et croise le regard bleu envoûtant de Kael. Il est vraiment à couper le souffle. Il porte une chemise blanche légèrement ouverte qui dépasse d'un polo et repose sur un pantalon tombant bleu marine. Ses manches sont retroussées et j'aperçois la marque sur son poignet. C'est le même symbole que celui au dos de son pull. Mais oui, c'est évident. Les mots de Finn me reviennent en mémoire.

Il a manifesté son pouvoir.

Il appartient à l'élément Air, nous sommes dans son royaume, c'est sans doute pour cela qu'il utilise ses facultés avec tant d'aisance.

Il manipule l'air, la lumière.

C'est pour ça qu'il est apparu si vite tout à l'heure.

C'est fascinant.

C'est terrifiant.

Finn m'emmène ensuite dans le centre de la ville. Il me dit que nous devons acheter quelques affaires pour préparer ma "rentrée". Les rues sont animées, remplies de boutiques aux enseignes colorées et de stands de marché. Les bâtiments, aux façades blanches et épurées, brillent sous la lumière éclatante d'Aldara. Tout semble irréel, comme sorti d'un conte de fées.

— "On va commencer par les essentiels," dit Finn en me guidant vers ce qui me semble être une boutique d'articles scolaires. "Tu auras besoin de ça pour l'école."

L'intérieur du magasin est vaste et lumineux. Les étagères débordent de fournitures diverses, de cahiers et stylos en tout genre aux objets plus étranges comme des fioles de potions et des cristaux luminescents.

— "Ne t'inquiète pas, tout ça va devenir familier assez vite," ajoute-t-il en souriant.

Alors que nous nous avançons pour régler nos achats, le vendeur s'adresse à Finn.

— "Et bien, M.Carter, on dirait que je vous vois souvent ces derniers temps. Encore une nouvelle recrue?" ajoute-t-il en me pointant d'un doigt tordu.

Finn acquiesce, la mâchoire crispée. La nouvelle recrue? C'est quoi ça encore? Je l'interroge du regard mais il m'ignore.

— "Bien, ça vous fera 560 ventis"

Je tombe des nues. 560? J'espère que la monnaie n'est pas la même que celle sur Terre. Finn se tourne vers moi, je le regarde étonné. Pourquoi me regarde- t-il? Je n'ai pas d'argent, je ne peux pas payer, je n'y avais pas pensé. On ferait mieux de partir... Je reviendrai plus tard avec Elara. Et si le vendeur ne veut pas? Je ne connais pas les règles ici. Y'a t il une prison? Des amendes? 

Alors que je sens la panique monter, le brun à mes côté baisse les yeux vers la poche de son pantalon, l'air fier de lui.

Il sort quelques fines pièces métalliques aux teintes irisées, variant du bleu au blanc selon l'angle de la lumière. Elles sont frappées d'un motif en spirale rappelant les tourbillons d'air et les courants de vent. Il les tend au vieil homme qui nous fait face et nous partons.

Une fois dehors, je le remercie et lui promet de le rembourser.

— "Tu n'as pas besoin de me rembourser Lyra", me répond-il, un sourire en coin.

— "Bien sûr que si, je dois..."

— "L'argent n'a pas la même valeur que sur Telluria" commence-t-il tout en marchant, "Ici, c'est une simple formalité, personne n'est vraiment pauvre. Le Conseil pourvoit aux besoins de chacun. Tant que tu contribues à la société, tu as accès à tout ce dont tu as besoin."

Je reste silencieuse, digérant cette nouvelle information. C'est difficile de concevoir un monde où personne ne manque de rien, où l'argent n'est pas une source constante de stress et de division.

— "Et donc ces Ventis ?" je demande, curieuse. "Ils ne servent vraiment qu'à des formalités ?"

— "Principalement, oui," répond Finn. "Ils sont utilisés pour des échanges quotidiens et pour maintenir une certaine structure dans la société. Mais personne n'est laissé pour compte. La magie et les ressources naturelles du royaume permettent de subvenir à tous les besoins. C'est une des raisons pour lesquelles notre société est aussi stable."

Je hoche la tête, fascinée par cette vision utopique.

— "Quand tu parles de contribuer à la société, y-a t-il des personnes dont ce n'est pas le cas?"

— "Malheureusement, oui."

Il baisse la tête et avant que je n'ai le temps de le questionner davantage, il s'engouffre dans une nouvelle enseigne. J'y rentre à mon tour et doit m'acclimater à la soudaine obscurité.

En voyant ce qui y est exposé, mon cœur manque un battement.

Je ne suis pas prête.

Je ne peux pas.