Les Royaumes Oubliés

Chapitre 57

Je ne sais pas combien de temps je reste inconsciente.

Le monde revient progressivement, comme à travers un voile de brouillard. Un battement douloureux résonne dans ma tête, et le premier réflexe que j'ai est de porter la main à mon crâne.

Le contact d'un liquide chaud et poisseux me fait grimacer.

Du sang.

Je retire ma main, mes doigts tremblants, et l'observe un instant comme si ce n'était pas vraiment moi. Comme si cela appartenait à quelqu'un d'autre.

Je force mes yeux à se concentrer sur ce qui m'entoure. Le sol est froid sous moi, jonché de débris et de traces de combat. Je suis toujours allongée. Des silhouettes se déplacent autour de moi, mais tout semble lointain, comme un rêve dont je peine à émerger. Je cligne des yeux, essayant de rassembler mes pensées. Puis, lentement, je comprends.

Les renforts sont arrivés.

Je soupire de soulagement.

Mon regard balaye alors la scène. Ce sont nos mentors, les Maîtres des Éléments, les professeurs de l'Académie. Leurs présences imposantes dominent le champ de bataille, leurs pouvoirs illuminant la scène. L'un d'eux, Maître Alden, se tient non loin, les bras tendus, des éclairs se déversant de ses paumes pour repousser les rebelles. Ils prennent le dessus, et je les regarde forcer les ennemis à battre en retraite, à reculer.

Lentement, mon corps protestant à chaque mouvement, je tente de me lever. Ma tête tourne, et je manque de m'effondrer à nouveau.

Je ferme les yeux, espérant chasser ce vertige paralysant.

Soudain, une main apparaît devant moi, solide et rassurante. Je l'attrape instinctivement, sans réfléchir. La prise est ferme, mais elle me tire avec une étrange douceur. Une fois sur mes pieds, vacillante, je lève la tête et mon regard croise celui de Finn.

Mon cœur, déjà affaibli, semble s'arrêter complètement. Son visage. Ce n'est pas un visage d'espoir ou de soulagement. Non. Il y a dans ses yeux une tristesse que je ne lui ai jamais vue, un abîme de regret qui me frappe en plein cœur. Il ne dit rien, mais ses yeux parlent pour lui, me hurlent une vérité que je ne veux pas entendre.

Ma main tremble et se détache brutalement de la sienne, comme si son toucher m'avait brûlée.

— "Non...", murmuré-je, le souffle coupé.

Non.

Ça ne peut pas être ça.

Dites moi que ce n'est pas ce que je crois.

Je lutte pour rassembler mes pensées, pour repousser l'idée insupportable qui germe dans mon esprit. Pas lui. Pas Finn.

Soudain, alors que les rebelles disparaissent progressivement, se fondant dans l'ombre comme des fantômes, un cri rauque éclate à travers le champ de bataille.

Un cri lancé dans notre direction:

— "Dépêche-toi ! On bouge de là !"

Les mots résonnent dans l'air, mais c'est le silence qui me frappe. Un silence lourd, suffocant. Je fixe Finn, interdite, mon esprit refusant de combler le vide entre nous. Il reste là, immobile, puis il baisse les yeux, sa voix à peine audible :

— "Je suis désolé..."

Ces mots me frappent comme une gifle.

Et avant que je puisse dire quoi que ce soit, avant que je puisse comprendre pleinement, il tourne les talons et rejoint le groupe des rebelles. Il prend le cristal qu'on lui tend. Je le regarde, impuissante, alors qu'il disparaît dans un éclat de lumière. Étant donné l'interdiction des sauts, ils ont dû concevoir une nouvelle pierre capable de franchir les barrières. Un frisson me parcourt le dos.