Chapitre 44

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Deux semaines se sont écoulées depuis cette soirée avec Kael, et pourtant, cette nuit reste gravée dans mon esprit. Je l'ai découvert sous un nouveau jour et c'était magique.

Tel un vrai gentleman, il m'avait ensuite ramené chez mes parents. Depuis, on continue de se fréquenter de temps en temps en dehors des cours à mon plus grand plaisir.


Le quotidien à l'Académie a repris normalement, rien ne semble vraiment avoir changé. Chaque jour, je m'efforce de suivre les cours, d'affronter les entraînements, et de me montrer à la hauteur des attentes placées en moi. Mais une étrange sensation d'immobilité s'est installée.


Je me sens prise dans une boucle interminable de leçons, de combats, de tests d'aptitudes élémentaires, mais mes performances, elles,  n'évoluent pas autant que je le voudrais. Ou plutôt, autant que les autres voudraient. Je sais que je ne donne pas tout. Une partie de moi reste sur la réserve, hésitant à libérer tout ce que je ressens. C'est comme si quelque chose en moi avait peur de ce que je pourrais découvrir si je me laissais complètement aller.


— "Toujours cette retenue, Everhart," me rappelle mon mentor lors de notre session de ce matin, "Tu as le potentiel, mais tu te brides. Pourquoi?"


Je n'ai jamais de réponse satisfaisante à lui donner.

Comment lui expliquer que cette peur est ancrée en moi, que je crains de perdre le contrôle?

Que chaque fois que je touche à ce feu intérieur, je me vois dépassée par sa force?

Alors à défaut de réussir les exercices de cet élément, j'ai concentré ma frustration sur l'eau. Cet élément qui me donne du fil à retordre depuis le début est devenu un peu plus coopérant depuis que je m'entraine avec Aveline.


Les entraînements avec les autres héritiers et héritières, eux, sont devenus de plus en plus intenses, et le sentiment que tout le monde me regarde comme si j'étais déjà l'Élue ne cesse de grandir. Les chuchotements, les regards, les murmures admiratifs ou envieux – tout cela m'oppresse à chaque fois que je pénètre dans la salle.


Mais je ne comprends pas pourquoi. Je ne suis pas si extraordinaire, pas autant que les autres le pensent.


Aveline, elle, continue de progresser à sa manière. Nous nous retrouvons ce soir pour une petite fête improvisée dans l'un des jardins non loin de l'Académie. L'atmosphère est légère, un contraste avec la tension constante qui règne ces derniers temps. Les attaques des rebelles se font plus fréquentes, et même ici, nous ne pouvons échapper à la réalité qui s'aggrave chaque jour.

Je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil autour de moi, scrutant chaque visage, chaque mouvement, à la recherche d'un signe, n'importe lequel, qui pourrait trahir une menace. Mais ce que je ressens surtout, c'est une tension sourde dans mon ventre, une peur enfouie qui refuse de me quitter malgré les mesures de sécurité renforcées. Et puis, il y a ce sentiment d'isolement, de n'être pas tout à fait à ma place ici, alors que tous semblent si... insouciants.


C'est en cherchant Aveline du regard que je la vois, près d'une fontaine éclairée par des cristaux. Assise sur une table en bois, une coupe de jus étrangement violet à la main, je remarque qu'elle semble plus radieuse que d'habitude. Son sourire est plus large, ses yeux brillants d'une joie qu'elle peine à dissimuler. Je me fraye alors un chemin à travers la nombreuses personnes pour la rejoindre, espérant que sa présence familière apaisera un peu mes nerfs.


— "Tu ne vas pas me croire, Lyra," commence-t-elle avec excitation.


— "Quoi donc?" je lui demande en m'asseyant à côté d'elle.


Les Royaumes OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant