Kora: Dragonnière de l'Ombre

CHAPITRE XXXVIII: Folga

''Ils sont toujours là''

***
C'était sous un ciel étoilé que nous étions arrivés à Folga. La nuit était froide, le ciel dégagé et la lune pleine. Le voyage avait été long, pénible et ennuyeux. Mes quelques jours de convalescence m'avaient offert une dose d'énergie débordante. Je me sentais prête à affronter le monde et j'avais pourtant passé plus d'heure que je ne pourrais compter sur le dos de Beor à attendre une confrontation qui n'était jamais arrivée. Je souhaitais combattre, je n'allais pas être déçu.

De notre point de vue aérien, nous avions put voir l'aride et redouté désert de Calobra s'étendre à l'horizon. Je n'avais jamais eu à supporter des températures aussi chaudes en journée et aussi froide la nuit. Je comprenais désormais pourquoi seuls les dragonniers du peuple du Feu pouvaient se permettre de vivre dans un milieu au condition si extrême. Ne craignant pas la chaleur, ils vivent normalement le jour, et ayant naturellement le sang chaud, la nuit ne leurs est pas dangereuse. Ils possèdent une sorte de don semblable à celui des reptiles, qui leurs permet de régulariser la température de leurs sangs et donc de leurs corps. J'avais pris le temps de bien écouter tout ce que Jeod pouvait m'enseigner sur ses semblables afin de ne pas me retrouver totalement sans défense devant eux.

Je n'avais encore jamais observé un paysage aussi dénué de nature. Les arbres, tout comme les animaux, se faisaient rare. Cet environnement me paraissait hostile et inapproprié pour accueillir des vies humaines.

Le sol sec avait bruyamment craqué sous les poids conséquents de nos bêtes lorsque nous nous étions posés. Le paysage étant dénudé de tout arbre, nos bêtes n'avaient nulle part où se cacher. Mais, selon Jeod, cela semblait inutile puisque les habitant -en plus d'être des dragonniers- avaient -je ne sais comment- étaient prévenus de notre prochaine arrivée. Folga était l'allégorie même de l'expression « trou perdu ». Un petit village d'une cinquantaine de maison toutes plus difformes les unes que les autres afin de pouvoir offrir un minimum de place pour les quelques reptiles géants vivant avec eux. Le bourg était le seul lieu éclairé à des kilomètres à la ronde. Chaque coin de rue, chaque place, chaque habitation étaient entourés d'un halo de lumière orange.

J'avais rapidement revêtu une longue cape noire avant de franchir les portes du village. Celle-ci me protégeait un minimum du froid et me donnait un air angoissant qui repousserait sûrement les personnes trop entreprenantes. Beor ainsi que Basca, Opez le dragon de Kegt et Elpa celui de Erlano étaient restés en retrait tandis que Zarovka, Ignis et Jurnieks nous avaient accompagné.

J'eus une très mauvaise impression en entrant dans ce bourgade. Tout d'abord, aucun garde ne surveillait l'entrée. Même dans les villages perdus de Zeta qui sont les endroits les plus difficiles d'accès de tout Zedong, chaque porte est gardée de manière à empêcher tout individu non autorisé à pénétrer dans la ville à entrer. Ensuite, même en nous enfonçant davantage dans le village, nous ne croisâmes pas une seule âme qui vive. Certes nous étions arrivés à une heure assez avancé de la nuit mais il y a toujours, même dans des lieux aussi écarté du monde, des hommes trop sots, qui boivent jusqu'à n'en plus pouvoir, qui trainent dans les rues, une putain au bras et un verre dans chaque main. Alors quand nous arrivâmes devant ce qui semblait être la taverne de ce patelin et, que le calme régna encore comme il le faisait depuis notre arrivée, je fus absolument certaine que quelque chose n'allait pas. Mais c'était tellement plus que cela.

Je fis silencieusement apparaître mes lames. Je me préparais mentalement à toute éventualité.

''Anakora range ça, m'intima Jeod, que vont-ils pensé de toi si tu entres armé jusqu'au dent dans leur village ?

D'un geste de la main je lui ordonnais de se taire. Je cherchais des yeux le moindre indice qui pourrait nous éclairer sur la situation. Le sol fait de sable était, à l'image des façades abracadabrantesques, classique pour un tel lieu. Tout paraissait normal hormis le silence pesant. De terribles ombres dansaient partout où il était possible pour elle de se projeter. Pour la première fois de ma vie, je trouvais un ballet d'ombre inquiétant. Elle ne possédait pas cette beauté que je pouvais voir d'ordinaire, cette douce fraicheur qu'il leur permettait de prendre les plus sublimes formes de la nature. Celle-ci étaient froides, sombres et se contentaient de simplement suivre le rythme imposé par ces basiques flammes oranges. Je n'entendais pas leurs chants si particuliers, ceux qui me berçaient le soir quand j'étais enfant. Dans l'instant présent, elles murmuraient. Pas de doux murmures, non, elles murmuraient le danger, le mal et la mort. Je tendais l'oreille, me rapprochant d'une ruelle sombre pour mieux entendre, mes compagnons sur mes talons. J'entendais désormais et cela ne me plaisait pas.