CHAPITRE XLII: Il était question d'amour

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"Le jour écarte la nuit,
Et la nuit qui tombe
Écarte le jour qui luit
D'une triste ombre."
***
Le bleu. J'ai toujours particulièrement haït cette couleur. Elle ose représenter le rêve dans ce monde de cauchemars où nous vivons, elle ose signifier la sagesse sur cette terre en lutte permanente, elle ose personnifier la paix dans un monde rythmé par la guerre, elle ose symboliser la vérité dans cette communauté où le mensonge est roi, elle ose s'établir dans les yeux des gens lorsqu'ils ne sont plus maître d'eux même. Le parfait exemple étant Linor.

Il s'était immobilisé, son corps était tendu, on aurait pu le croire mort si son souffle régulier ne s'échappait pas de ses minces lèvres rosées. Cela faisait plusieurs heures qu'il était ainsi. Durant ce laps de temps, les tensions avaient eu le temps de s'apaiser. Raphaël s'était calmé et avait demandé mainte explication, il n'en avait pas eu une seule. J'étais bêtement restée devant le corps de cet homme qui avait eu une si grande place dans mon coeur, incapable d'exécuter le moindre mouvement.

Une seule pensée courrait dans mon esprit alors que ma main dansait entre ses cheveux blonds: Comment avait-il pu en arriver là ?

J'avais vite compris ce qui était arrivé à Linor. Un dragonnier de l'Eau peut posséder une personne grâce à un sortilège durant un court laps de temps et seulement s'il se trouve à proximité. Cependant, un sortilège de Possession qui s'utilise à volonté et à n'importe qu'elle distance peut être jeté seulement si la personne qui la subit est d'accord. Ce sont généralement des personnes qui trouvent leur vie trop misérable et qui préfère se vendre plutôt que d'affronter la difficulté ou encore des victimes de chantage. En revanche, je sais que ce sortilège a également été interdit par les Élémentaires, jugé contraire à la liberté dont devrait jouir l'Homme. Comme si leur moule social et leur monarchies écrasantes n'étaient pas, elles, contraire à cette liberté.

J'observais, comme hypnotisé, cette hideuse marque qui hornait sa main. Un torrent d'émotion bouillonnait en moi sans que je ne puisse vraiment en ressentir une seule. La colère, la rage, la tristesse, l'incompréhension mais aussi la peur. Une peur profonde, viscérale.

''Ce doit être une personne importante.

Surprise, je me tournais brusquement.

-Pourquoi dis-tu cela ? Demandais-je au dragonnier de Feu.

Il fit glisser deux de ses doigts le long de ses joues, mimant ainsi des sillons de larme. Fermant les yeux, je compris qu'ils étaient imbibés d'eau. Je ne cherchai même pas à les essuyer. Je me souviens des paroles de Sean. Elles disaient que dans certains moments la tristesse était telle, qu'il fallait la laisser éclater. Je n'y croyais pas, je n'y ai jamais cru et pourtant je me trouvais face à elle aujourd'hui, désarmé comme je ne l'avais jamais été devant personne auparavant. Et sans prévenir, sans un mot, sans un bruit, elle éclata.

En un cri silencieux, elle se libéra. Mes larmes vinrent salir le visage d'ange de Linor, humidifier le sable sec du désert, illustrer la souffrance que cette situation me faisait vivre. Je n'avais qu'une envie à cet instant précis; laisser mon chagrin me perdre. Je ne voulais rien de plus que me noyer dans mon océan de larmes. Pourquoi diable avais-je accepté cette aventure ? Que m'apportait-elle si ce n'est la souffrance et le goût de la pitié ? Je n'avais jamais souhaité cette compassion, cette altruisme, non, je n'avais rien voulut de tout cela. Où était passé la femme fatale que rien ne pouvait impressionner ? Elle était restée sur les rives de ce lac, avec sa haine profonde envers un dragonnier de Lumière.

De frêles bras vinrent m'enserrer les épaules.

Elle était restée entre les bras d'un dragonnier de Feu lors d'une valse.

Kora: Dragonnière de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant