CHAPITRE LI: Eau

8.2K 823 13
                                    

"Toujours donner sa chance aux persévérants"

***
Kami était née d'une famille de la grande bourgeoisie de Liraqua. Elle avait grandit entourée de dragonniers, dans cette cité située au bord de la mer nersacaise. À l'image de tous les enfants, elle rêvait de devenir dragonnière, seulement un problème se posait. Kami était cadette de la lignée des Latagui et le plus âgé était de trois années son aîné. En effet, étant le premier enfant, Eyal deviendrait dragonnier de l'Eau, et c'est pour cela qu'il était la fierté de ses parents, d'autant plus qu'il était un homme.

Lorsque Kami avait eu l'âge de comprendre, qu'elle ne pourrait jamais connaître le bonheur de posséder, elle aussi, un dragon, une haine farouche et sauvage envers son frère était née. Il savait à quel point elle souhaitait posséder sa propre bête et pourtant, il ne cessait de lui rabâcher que jamais cela ne lui arriverait, car c'était son destin, à lui. Remuant toujours plus intensément le couteau dans la plaie, Eyal ne se doutait pas de ce que les dieux avaient décidé.

La jeune fille aux yeux azures n'eut donc de cesse de s'entraîner, encore et encore, afin de devenir, non pas ce qu'elle voulait être, mais ce que ses parents voulaient qu'elle soit: une guerrière exceptionnelle. Cependant, jamais la flamme de l'espoir ne s'était éteinte en elle.

Et pendant toutes ses années où Kami travaillait dur, son frère lui, restait passif et profitait des plaisirs que la vie pouvait lui offrir à cet âge, jusqu'à ce que le jour tant attendu arrive.

Un soleil radieux courait haut dans le ciel ce jour là. Eyal était habillé du costume traditionnel des dragonniers et il patientait nerveusement devant l'immense table où été réunit tous les oeufs de dragons prêt à choisir leurs dragonniers. Des jeunes de son âge, garçons comme filles, s'avancèrent avant lui, chacun repartant avec un petit reptile d'une nuance de bleu dans les mains, et un sourire aux lèvres.

Lorsque ce fut son tour, Eyal s'avança. Toute nervosité semblait avoir disparu, et il paraissait prêt à affronter son destin. Kami, elle, était impassible, aucun sentiment ne transparaissait. Elle ne souhaitait plus s'ouvrir à quiconque depuis qu'elle avait appris que jamais elle ne pourrait librement chevaucher au vent. Ses cheveux aux reflets roux étaient sévèrement relevé en une coiffure stricte. On ne lui donnait pas huit ans, mais bien plus. Son regard aigue-marine regardait attentivement son aîné, mais ne laissait transpirer aucune affection à son égard.

Le jeune homme erra de longues minutes à travers les différents bijoux bleus. Le temps s'éternisa et l'assemblé se lassa. Il fut donc décidé qu'Eyal tenterait se chance de nouveau dans peu de temps. Kami se souvient encore de cet éclair de déception qui était furtivement passé dans le regard de ses parents, mais également de son envie de sourire. Pas un sourire compatissant, mais bien un sourire méprisant afin de transmettre à son frère toute la haine qu'elle lui destinait.

Eyal revint une fois, deux fois, trois fois, dix fois, quinze fois, tellement de fois que plus personne ne comptait, plus personne sauf Kami, qui à chaque fois qu'elle échouait dans ce qu'elle entreprenait, pensait à ce nombre et se motivait à nouveau immédiatement. Kami accompagnait également son frère à chaque cérémonie, tandis que ses parents, eux, n'osaient plus sortir de chez eux, accablé par le poids de la honte.

La jeune fille ne pouvait empêcher un sourire suffisant de se former à chaque fois que son grand frère revenait bredouille. Lui, perdait peu à peu sa patience, et commençait à devenir violent et colérique. Il ne pouvait plus supporter la déception dans les yeux de ses parents et cette suffisance dans le regard de sa cadette. Un jour alors qu'il essuyait un nouvel échec, il ne pu s'empêcher d'exprimer sa colère envers sa soeur. Pourquoi viens-tu toujours me voir ? lui avait-il crié. Simplement pour te voir t'enfoncer un peu plus chaque jour dans ta défaite, lui avait-elle répondu. Puis elle était partit, toujours ce sourire suffisant au coin des lèvres.

Seulement, elle ne se doutait pas que quelqu'un les avait entendu, et que cette même personne l'observait, elle, depuis longtemps, plus précisément, à chaque fois qu'elle était venu en ce lieu. Alors, sa surprise fut grande lorsque cet homme vint l'aborder la fois suivante. Il était grand avec des cheveux noirs si longs qu'elle aurait pu en être jalouse. Son regard ne possédait aucune nuance de bleu, ce qui l'étonna de prime abord. Peu de personne ici avait la chance et le privilège d'avoir des yeux d'une autre couleur que le bleu. Elle était donc restée fixée à ce regard orangé, avant de se reprendre et de l'interroger sur la raison de son apostrophe. Pendant que Kami observait son frère, l'homme lui appris qu'il était dragonnier pour la Numba, élite de Liraqua. Elle ne semblait pas impressionné et c'est ce qui conforta l'homme dans son choix. Vas-y, lui avait-il dit. Elle s'était excusé pour son manque de compréhension, et lui avait demandé de répéter. Il avait alors dirigé son regard vers les oeufs et avait à nouveau dit: vas-y. Elle lui avait fait comprendre qu'il faisait erreur car elle n'était pas l'aîné et que le gêne ne pouvait alors lui avoir été transmis, tout cela avec un goût âpre et amer dans la bouche. Il n'avait rien ajouté de plus qu'un simple vas-y.

Autorisée à franchir ces barrières qu'on lui avait toujours interdit de dépasser, elle fit un pas vers les sphères bleues qu'elle convoitait depuis si longtemps. Cependant, avant de s'avancer en terrain inconnue, elle prit le temps de s'arrêter et de demander: Pourquoi ?

Toujours donner sa chance aux persévérants.

Cette phrase de Shaï, son mentor, résonnait en ce moment même dans sa tête. Elle continuait d'observer Linor, aux prises avec les gardes du Macle, en se disant qu'il méritait lui aussi sa chance. Dès leur atterrissage sur les dalles carrelées du palais de Luxia, une troupe de soldats les attendait, comme déjà prévenu de l'arrivé d'un criminel. La dragonne n'avait pas essayé de s'interposer lorsque les gardes avaient brutalement saisit son maître par les épaules pour l'emmener dans ce qu'elle présumait être le cachot. La belle Sira semblait constamment anéantit, sans volonté propre, elle n'avait aucun goût à la vie, à l'instar de son dragonnier. Cependant, lui, ne semblait décidé à croupir pendant une durée indéterminée dans une cellule de la cité sculptée. Il se débattait férocement, criant à qui voulait bien l'entendre que ça ne se passerait pas comme cela, qu'il se vengerait, ainsi qu'une belle flopée de noms d'oiseaux, tous plus magnifiques les uns que les autres.

Kami trouvait cela injuste.

Il paraissait évident que Linor n'était plus totalement sain d'esprit. Il avait accepté de vendre définitivement son âme à un dragonnier de l'Eau, doublé d'un Oublié. Il n'était en sécurité nul part, même derrière les barreaux. La dragonnière de l'Eau aurait voulu s'interposer mais les risques de représailles étaient trop élevés. Le jeu n'en valait pas la chandelle. Surtout pour un dragonnier de l'Ombre. Elle refoulait donc tant bien que mal sa compassion envers l'homme aux yeux mauves.

La dragonne grise se fit elle aussi escorter par deux bêtes couleurs perle. Cependant, elle n'opposa aucune résistance et suivit calmement, sans aucun rugissement ou grondement, les deux dragons de Lumière.

Kami se doutait que si Anakora avait été là, les choses se seraient déroulées bien différemment. Elle aurait essayé de défendre son ami -ou peut importe ce qu'il représentait pour elle- et aurait très certainement déclenché une catastrophe en essayant. La dragonnière de l'Eau sourit à cette pensée. Anakora était une personne exceptionnelle, même si elle n'oserait jamais l'avouer de vive voix. Malgré ses aires de femme violente, méchante et un brin sadique, il était évident qu'elle restait une personne de confiance, loyale et prête à tout pour ceux à qui elle tient. Et évidemment, Anakora était puissante. Kami s'entraînait depuis qu'elle était en âge de la faire. Chaque jour, elle veillait à s'endurcir et devenir meilleure, mais elle était réaliste, et savait que même après tout les entrainements qu'elle avait suivit et tous ceux qu'elle suivrait, elle n'atteindrait jamais le niveau de la dragonnière de l'Ombre, car Anakora, à l'image de Raphaël, était un être d'exception, un être comme il n'en né que très rarement, un être au monde pour changer les choses.

Seulement, aujourd'hui, la dragonnière restait portée disparue et nul n'avait idée de ce qui avait bien pu lui arriver, et ça, Kami comme le reste du groupe, avait du mal à le digérer. Après toutes les épreuves qu'ils ont dû affronter pour arriver ici, il avait fallu que quelque chose lui arrive si près du but.

Kami tourna en même temps que Jurnieks sa tête vers l'horizon. Le soleil était maintenant totalement levé et éclairait les diamants disposés un peu partout dans la ville. Les montagnes de Ihlow se dessinaient au loin. Kami adressa une prière à Anakora, qu'elle souhaitait saine et sauve.

Reviens-nous vite.
-----------------------
Fin du chapitre 51
En vous remerciant d'avoir lu.


Kora: Dragonnière de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant