Kora: Dragonnière de l'Ombre

CHAPITRE LII: Ombre

" Si l'Ombre n'est pas que le Mal, il ne faut pas oublier qu'il l'est en grande partie."

***
"Non ! C'est toi qui ne comprends pas !

Je lui jetais mon regard le plus noir.

-Arrête, n'allons pas nous disputer encore, cela n'arrangera rien.

Il rit jaune.

-Je t'en pris, nous ne savons faire que ça; nous disputer.

Je m'avançais de quelques pas dans sa direction.

-Il me semble t'avoir dit d'arrêter.

Il stoppa ses pas.

-Depuis quand essayes-tu de calmer le jeu entre nous ?

Sa question me prit au dépourvu. Comme il était dans mon habitude de le faire quand quelque chose me prenait par surprise, je me refermais.

-Très bien, si c'est de cette manière que tu le prends.

Je me retournais et partit dans la direction opposée à la sienne. Seulement, je ne pus faire qu'un pas avant qu'il n'attrape mon poignet pour me retenir. Je me retrouvais soudainement très proche de lui. Ma main se posa instinctivement sur son torse.

-Lâche-moi Raphaël, tout cela est stérile.

Il laissa échapper un léger soupir.

-Ne me fuis pas.

Je relevais hautainement la tête.

-Je ne fuis pas, j'évite seulement un énième conflit.

Mon regard se verrouilla au sien, et pour la première fois, ce n'était pas une tempête orageuse que je discernais, mais la mélancolie d'un ciel nuageux. Jamais encore, Raphaël n'avait porté un tel regard sur moi, un regard emplie de regrets.

-Ne me regarde pas ainsi, murmurais-je bouleversée.

-Comment est-ce que je te regarde ? Interrogea-t-il sur le même ton que moi.

Je coupais le contact visuel entre nous, mais immédiatement, il releva mon menton pour le renouer.

-Il y a quelque chose que j'ai envie de faire depuis longtemps déjà.

Je fronçais vaguement les sourcils.

-Raphaël, de quoi est-ce que tu...

Je n'eus pas le temps de finir, que ses lèvres se posèrent doucement sur les miennes. Il ne chercha pas à approfondir le baiser, ni à introduire sa langue dans ma bouche. Le contact fut bref, mais il provoqua en moi une myriade de sentiment: un mélange de confusion et de surprise auquel s'ajoutait un brin d'envie.

La pression sur mon poignet se relâcha. Raphaël se recula, le regard coupable.

-Je suis désolé, je n'aurais pas dû. C'est simplement que...

À mon tour, je ne lui laissais pas le temps d'achever sa phrase et pris possession de ses lèvres. Ce baiser ci fut beaucoup moins doux. Il possédait cette sauvagerie et cette ardeur impétueuse qui me correspondait. Je ne ressentis aucune hésitation chez Raphaël, il répondit, lui aussi, sans douceur. À travers ce baiser s'échangeait toute la haine et la colère que nous pouvions, ou plutôt avons pus, ressentir l'un envers l'autre. Le monde aurait bien pu s'écrouler que nous n'aurions pas réagit, car pour la première fois depuis longtemps l'Ombre et la Lumière ne firent qu'un.

Je me sentis soudainement partir en arrière, quelqu'un essayait de me soustraire à l'étreinte des bras du dragonnier de Lumière et je ne m'appréciais pas. Le visage de Raphaël devint peu à peu flou et j'ouvris les yeux.