CHAPITRE LXII: ...la solution

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"Il n'y a pas de place pour les sentiments dans une guerre."

***
Appuyée contre le mur, je levai mon regard vers le dragonnier de Lumière. Il semblait dans son élément dans ce palais de cristal. Plus je l'observais et moins je voyais en lui ce que j'avais vu lors de notre première rencontre. Évidemment, il était toujours aussi beau, rien ne semblait pouvoir altérer sa beauté, mais il ne me semblait plus aussi arrogant, plus aussi sur de lui, plus aussi impassible. Cette aventure nous avait tous changés, elle avait repoussé nos limites, fait de nous des personnes différentes, elle avait remodelé notre vision du monde, ma vision du monde.

"Que veux-tu Raphaël ?

Je n'arrivais plus à m'adresser à lui avec haine ou colère, j'avais dépassé ce stade-ci depuis longtemps déjà, mais l'admettre était encore compliqué.

-Je ne sais pas.

Sa voix semblait sous l'emprise du désespoir. Je l'avais vu fort, je l'avais vu faible, je l'avais vu abattu, désarçonné, haineux, joyeux, mais jamais désespéré. Il était de mon point de vue, l'homme le plus optimiste qui puisse exister. Il avait fait en sorte de réunifier des peuples prêts à tout pour s'égorger, il avait assisté à des carnages, il s'était comporté en amis, en ennemis, en prince, en roi. Jamais le peuple de l'Ombre ne se soumettrait à un roi de Lumière, mais si jamais il était contraint de le faire, ce serait pour un homme comme lui. Il faisait parti de ces grands, ces hommes que l'on suivrait jusqu'à la mort. Il était de ceux qui marquent leur temps, qui marquent l'Histoire. Son nom résonnerait encore dans les esprits pendant des siècles comme étant celui qui a sauvé Zedong d'une destruction certaine, si nous parvenions à éviter cette destruction.

Je me décollai du mur en faisant un pas dans sa direction.

-Je te le redemande une dernière fois, qu'est-ce que tu veux ?

Je m'avançais toujours plus, ne laissant entre nous qu'un ridicule espace. Il devait baisser la tête pour pouvoir me regarder dans les yeux, mais cette position ne faisait pas de lui le dominant.

-Beaucoup de choses qui me paraissent inaccessibles, répondit-il finalement.

-Si tu parles de notre quête, sache que celle-ci va bientôt s'achever, et que je donnerai ma vie pour que l'issue en soi favorable pour nous.

Il secoua lentement la tête en reculant d'un pas.

-Si seulement je ne parlais que de notre quête.

Je fronçais les sourcils.

-Je ne comprends pas.

Il ouvrit la bouche mais se ravisa.

-Je...je...tiens.

Il fouilla rapidement dans ses poches et en sorti un petit cahier en cuir noir familier, qu'il me tendit. D'une main hésitante, je le pris. Un léger sourire orna mes lèvres.

-Tu t'es enfin décidé à me le rendre ? Questionnais-je en rigolant.

Il me rendit mon sourire.

-Je pensais au début qu'il ferait un bon moyen de pression, puis je me suis dit que te le confisquer limiterait peut être l'étendue des dégâts que tes pouvoirs peuvent occasionner, mais je me suis vite rendu compte que tu n'avais pas besoin de ça pour arriver à tes fins.

Je regardais d'un oeil étranger ce carnet que j'avais autrefois tant chéri. Il était à moi, il me permettait de toujours être prête à gérer la moindre situation, mais je m'étais vite aperçu qu'il ne faisait pas de moi une dragonnière accomplie. Sans Beor, je n'étais rien. Il était la source de mon pouvoir, celui qui me permettait de disposer de tous ces dons. Le fait de ne plus l'avoir constamment à mes côtés comme à la Citadelle me faisait d'autant plus réaliser qu'il était cette partie de moi que je chérissais le plus. Celle qui me maintenait la tête or de la noirceur dont je regorgeais. Douce ironie que celui qui fasse de moi ce que je suis doit également me préserver de cette nature.

Kora: Dragonnière de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant