CHAPITRE XXXVI: Frieden

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''Mais toi à part te demander si le soleil brillera sur les tours de cristal de ta ville aujourd'hui, qu'est ce que tu te demandes ?''

***
Dire que j'étais surpris serait un euphémisme. La qualité qu'est l'honnêteté est souvent rechercher chez une personne, chez Anakora, cette qualité a plutôt tendance à se transformer en défaut. Le nombre de fois où ses répliques m'ont laissé sans voix est bien plus élevé que ce que les autres le pensent. Sa parole a le mérite d'être franche, elle veut ma mort, et ce n'est pas sa détermination qui démontrera le contraire. La flamme que je vois briller dans l'océan de pierre précieuse que sont ses yeux me fascine autant qu'elle m'effraie. Elle ira jusqu'au bout et cela me fait peur parce que je sais désormais à quel point elle peut être dangereuse.

-Pourquoi ? Demandais-je inutilement.

Elle souffla.

-Je te l'ai déjà dit Raphaël, ''pourquoi'' ce n'est pas une question, dit-elle en référence à notre moment seuls à Assoupi.

Je souris imperceptiblement à ce souvenir. Il datait d'il y a peu mais me semblait pourtant si loin. Il s'était passé tellement de choses depuis, que ce banale moment de confidence était passé à la trappe.

Le fait de l'entendre prononcé mon prénom me fit me sentir bizarre. Si auparavant mon nom dans sa bouche était craché de manière haineuse, je trouvais cette fois-ci qu'il faisait ressortir sa lassitude. Celle de devoir répéter la même chose ? Je ne pense pas. Peut être est-elle alors dû au fait que nos conversations se terminent toujours en combats ? Ou alors à cette haine qu'elle se croit obliger de ressentir à mon égard ? Peu importe la raison, je suis las aussi. Las de voir crier, frapper, combattre, pour obtenir son respect, son accord, son opinion ou encore pour savoir ce qu'elle pense. Las de devoir considéré comme une ennemie celle que je devrais considérée comme une alliée. Las de ne pas pouvoir avoir confiance en elle, en sa bête, en ses pouvoirs et ses convictions. Las de cette guerre qui a poussé nos deux peuples à se dissoudre, se diviser, s'affronter, s'entre-tuer, pour au final se détester. Il serait difficile de dire que je ne comprends pas ce qu'elle ressent, ce qu'elle éprouve, que le fait que son peuple ai été exterminés par les miens la mette en colère et lui fasse ressentir cette haine envers moi et mes semblables. Oui, je peux affirmer que je comprends et en tant que futur roi je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour l'aider à atténuer cette haine. Seulement elle ne semble pas du même avis.

-Pourquoi une paix durable entre nos deux peuples n'est elle décemment pas possible ? L'interrogeais-je.

Ses yeux smaragdin se noyèrent dans les miens orageux. Vert sur gris. Gris sur vert. Cette flamme de haine que j'avais vu illuminer son regard tout à l'heure semblait s'être essoufflé, elle ne faisait que me regardait mais j'avais l'impression qu'elle essayait de me dire tellement de chose.

-C'est impossible car nous sommes ennemis Raphaël, dit-elle d'une voix chevrotante.

-Nous ne l'avons pas toujours été, dis-je en me rapprochant d'elle.

Elle semblait déstabilisée par ma remarque.

-Vous avez tué des milliers des miens, répondit-elle.

-Et vous avez tué des milliers des nôtres, dis-je tout près de la dragonnière.

Notre proximité ne semblait pas la perturber, elle leva la tête afin qu'elle puisse me regarder dans les yeux. Ceux-ci exprimaient un léger doute.

-Je t'assure, repris-je, si on additionne les morts des peuples Élémentaires, elles sont égales voir même plus nombreuses que les vôtres.

Son expression faciale changea radicalement à la fin de ma phrase, passant du doute à la colère. Elle posa son index sur mon torse pour m'inciter à reculer.

-Peut-être qu'il y a eu autant de mort de votre côté, cracha-t-elle, mais au moins vous, vous vivez à la lumière du jour, pas cloîtré entre quatre murs toute votre vie, au moins vous, vous êtes assuré de l'avenir de vos peuples, de leurs descendances et leurs puissance. Moi, cela fait bientôt sept ans qu'en me réveillant chaque matin je me demande si le jour qui viendra sera le dernier de mon peuple, si celui-ci aura assez de nourriture pour survivre, assez de naissance pour pouvoir prédire un lendemain, assez de naissance de dragon pour le défendre ! Mais toi à part te demander si le soleil brillera sur les tours de cristal de ta ville aujourd'hui, qu'est ce que tu te demandes ? Hein ?!

Son visage ne laissait exprimer que sa colère, ses yeux s'embrumaient sans pour autant que des larmes ne s'en échappe, ses cheveux volait derrière elle a cause de la force du vent. Il n'y avait aucun doute possible. Anakora était bien la plus belle femme que j'avais rencontré.
Ne me voyant pas répondre, elle me tourna le dos et partit en direction du chemin emprunté pour venir jusqu'ici. Je la vis s'arrêter à l'entente de ma phrase.

-Si un Zedong en paix est encore imaginable.

Elle sembla réfléchir quelques secondes mais elle secoua finalement la tête et reprit sa route. N'ayant pas finit, je m'élançais à sa poursuite et attrapa délicatement son poignet pour la forcer à s'arrêter. Le contraste entre sa peau froide et la mienne chaude me surprit tout autant qu'elle. Elle essaya de se dégager mais je la retins fermement pour l'obliger à m'écouter.

-Tu as dit ce que tu avais a dire tout à l'heure, maintenant, c'est mon tour. Tu as promis de tout faire pour me tuer ? Maintenant c'est à moi de te faire une promesse. Jusqu'à ce que nos chemins se séparent, je vais tout faire pour te convaincre.

Elle voulut parler mais je l'en empêcher:

-Non écoute moi jusqu'au bout ! Je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour te convaincre que tu as tord de penser qu'une paix n'est pas envisageable. Je vais tout faire pour te montrer que nos deux peuples peuvent travailler ensemble pour servir une même cause. Je vais tellement te persuader que cette haine que tu ressens pour moi et mes congénères doit désormais cesser qu'a la fin de cette quête, tu ne souhaiteras même plus m'ôtter la vie, finissais-je.

Elle parut quelques secondes surprise par ma tirade. Un faible, très faible sourire apparut sur ses lèvres. Elle se rapprocha de moi jusqu'à ce que ses fameuses lèvres rencontrent mon oreille.

-Et bien dans ce cas, je te souhaite bonne chance, murmura-t-elle.

Elle me lança un dernier regard avant que je ne la lâche et qu'elle rejoigne les autres dragonniers, suivi de sa bête.
Je restais quelques secondes ainsi, repensant à ce qu'elle venait de faire, à ce que nous venions de dire l'un et l'autre, respirant l'air encore frais du matin.

Réalises-tu ce que tu viens de faire ?

Je me retournais, tout sourire, vers ma dragonne. J'avançais de quelques pas afin d'être plus proche d'elle. Je passais affectueusement ma main dans ses écailles blanches.

-Je me suis tellement inquiété pour toi, lui confiais-je.

Et moi alors ? Cela fait plusieurs jours que je regarde, impuissante, ton corps brûlé et immobile, les seules choses me prouvant que tu vis encore étant le faible son de ton coeur qui bat et celui anarchique de ta respiration !

Une énorme goutte s'abattue sur le sommet de mon crâne. Je relevais rapidement ma tête et la vision que j'eus me broya le coeur. Les yeux roses de ma belle emplient de larmes.

-Ne pleurs pas, lui murmurais-je, je suis là.

Elle grogna fortement en reculant.

J'ai cru qu'ils t'avaient tué ! Qu'ils m'avaient enlevé ma seule raison de vivre !

Elle rugit bruyamment.

-Je vais bien dorénavant, ils ne nous feront plus aucun mal.

Je n'en suis pas aussi sur que toi.

-Ne t'en fait pas, tout va bien se passer maintenant Zarovka.''

Je l'espère Raphaël, je l'espère.
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Fin du chapitre 36
En vous remerciant d'avoir lu.

Kora: Dragonnière de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant