CHAPITRE LVII: L'ange blond

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"Je posais mes lèvres sur les siennes pour le faire taire"

***
Sa chevelure blonde s'étalait en étoile sur l'oreiller. Je passais délicatement ma main dedans en grimaçant: elle n'avait plus rien de celle, soyeuse, que je caressais dès que j'en avais l'occasion auparavant. Les cheveux étaient désormais secs et abîmés, signe qu'il les avait totalement délaissés.

J'aurais voulu pleurer devant une telle image, mais je ne pouvais m'y résoudre. Pourtant, j'entendais mon coeur gémir de douleur devant ce spectacle si macabre et irréel. 

Allongé ainsi sur ce lit, Linor semblait mort. Son teint était encore plus pâle que d'habitude, son torse était recouvert de multiples bandages et son expression montrait qu'il était tout sauf apaisé dans son sommeil. Délicatement, je fis glisser ma main du haut de son front jusqu'au bas de son menton, suivant la cicatrice qu'il garderait jusqu'à la fin de sa vie. 

On m'avait affirmé que sa vie n'était plus menacée, que certains soigneurs avaient fait leur possible qu'il ne garde pas trop de séquelles de ce qui s'été passé. Cependant, je n'étais pas dupe. Il garderait le souvenir de chaque coup que cet enflure avait porté, que ce soit physiquement ou mentalement. La torture laisse des dommages irréparables sur ceux qui la subissent. 

Son corps était brûlant de fièvre alors que la température de la pièce était relativement basse. Le soleil brillait encore à l'extérieur, faisant luire la sueur qui s'accumulait sur sa peau. Tout en retirant la couverture qui le recouvrait, je posais ma paume, que je savais froide, sur son front, veillant à ne pas toucher sa blessure. Il laissa échapper un soupir de soulagement.

Bien décidé à ne pas le laissé mourir de chaud, je retirais mes vêtements et vient me coller à lui, lui offrant la froideur de l'Ombre. Son corps sembla se détendre. Je soufflais et profitais de son contact que je n'avais plus ressentit depuis longtemps. Après quelques minutes ainsi, je prévoyais de me lever, sachant pertinemment qu'à un moment les lois de la physique s'abattrait sur nous, rendant ma peau chaude à cause du contact humain et ne lui serait plus d'aucune utilité. 

Je me redressais donc délicatement, sans mouvement brusque afin d'éviter de le réveiller et alors que je m'apprêtais à poser un premier pied sur le sol, une main saisit mon poignet. Je me retournais vivement, croisant le regard mauve de mon ancien amant.

"Kora, murmura-t-il d'une voix éraillé, je...

-Chut, le coupais-je en m'approchant, ne te fatigue pas pour rien.

-Reste avec moi, supplia-t-il.

-Ne t'en fait pas, je ne vais nul part, dis-je d'une voix douce.

-Viens dans mes bras, demanda-t-il.

Je pinçais les lèvres, indécises.

-Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, Linor, tu es blessé. Je ne veux pas aggraver ton cas. 

-Je t'en prie, j'en ai besoin.

Incapable de résister à sa voix suppliante, je m'allongeais de nouveau à ses côtés. Il passa aussitôt sa main sous ma hanche, me collant davantage à lui, comme autrefois. Ma tête se posa d'elle-même sur son épaule, une des rares parties de son corps à ne pas être touché. Il déposa un baiser sur le sommet de mon crâne.

-Si tu savais combien je regrette, déclara-t-il.

Mon coeur se serra.

-Ne parlons pas de ça maintenant, Linor.

Il soupira.

-Il va bien falloir.

-Plus tard, pour l'instant je veux que tu te reposes.

Kora: Dragonnière de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant