#Tome 2 | # Amour 52

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Comment effacer toute cette merde ?

Mercredi 09-01-19

Appartement de Léo, n° 4 sur 2 270 NW Savier St, Portland, OR 97 210, États-Unis

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16 h 30 | Mes plaques tintent, mais, plus dans mes doigts, je les ai abandonnées au profit de la main de Jina qui les frotte avec bien plus de calme et de douceur que je n'arrivais à le faire. Leur intensité diminue en même temps que mon angoisse. Putain, ça faisait longtemps que je n'étais pas partie aussi loin dans cette déchéance entretenue par mon esprit meurtri et torturé.

Le psy de l'armée me disait que c'était normal, que c'était une façon pour mon corps d'expulser tout ce que j'ai vécu en Irak et par mon passé. Qu'il fallait que ça sorte plutôt que de rester en moi et que ça me bouffe telles des hyènes qui s'acharneraient sur les vestiges d'une carcasse.

Au cours de nos nombreuses séances, j'ai dû lui dire et redire ce que j'ai ressenti lorsque Sadek est mort dans mes bras. Quand la chaleur de ce petit corps l'a quitté, tandis que, moi, je m'accrochais à cette vie, qui s'était pourtant évaporée depuis des heures. J'ai pensé que de garder cet être innocent contre mon torse ensanglanté lui permettrait de se cramponner à mon souffle. À part que ça soit moi, que j'ai empêché de sombrer en me maudissant, d'être vivant et pas lui.

Ce sont les gars de mon unité qui me l'ont arraché des bras. J'ai hurlé. Je me suis débattu. J'ai voulu tous les tuer autant qu'ils étaient, aussi bien, les soldats que les prisonniers de guerre.

Je n'en pouvais plus de vivre ou du moins de survivre en côtoyant la mort tous les jours, en me demandant si la prochaine attaque me serait fatale ou me laisserait, handicapé, voire mutilé. J'étais arrivé à un tel état de stress que je ne dormais même plus la nuit. La seule chose qui me faisait tenir était les substances illicites. Que je prenais quand nous étions fournis en came ou bien l'alcool qui coulait à flots lors des soirées. 

Tout était fait pour que nous puissions oublier. Que nous arrêtions de nous poser trop de questions sur ce que nous devions accomplir. Sur le bien-fondé de notre présence, sur tout un tas de choses qui nous échappaient tout en nous polluant la tête, et ça, ce n'était pas bon.

Oh non, ce n'était pas bon du tout de passer nos journées à ruminer en attendant d'intervenir. Ou en priant pour ne pas prendre une balle perdue ou une roquette, alors que nous faisions une patrouille dans la ville. Armés jusqu'aux dents et prêts à faire feu à tout moment. Notre jauge de stress se trouvait à son maximum et tout le temps. Le moindre bruit me faisait réagir. J'aurais pu tirer sur n'importe quoi, ou n'importe qui tant j'en étais arrivé à un point de non-retour dans ma tête.

— Léo... Reviens-moi... Tu ne peux pas vivre avec tout ça sans jamais en parler, souffle-t-elle en emprisonnant ma tête dans ses mains.

— Je sais...

— Tu as vu un psy ?

— Oui pendant plus d'un an, enfin tout le temps que j'ai passé à la base. C'est grâce à lui si j'ai pu décrocher de la coke...

— Le traitement, c'est lui aussi ?

— Oui, même si j'ai considérablement diminué les dosages cette année grâce à l'aide de Miles.

— Entre baisser et arrêter, il y a un monde Léo, me tance-t-elle.

— Je ne l'avais pas planifié. Et puis, j'étais tellement heureux de te retrouver.

Mes bras se resserrent sur son corps. J'ai besoin de l'avoir tout contre moi, de sentir son cœur battre régulièrement, de puiser dans ses forces. D'avoir sa peau nue contre la mienne, qui me réchauffe, et de respirer son odeur suave à m'en faire exploser les poumons.

Un bébé pour Noël | Romance terminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant