Émues.

906 91 2
                                    

Le voir là dans les bras de sa mère, pleurant mon départ fictif, me fit réaliser quelque-chose que je savais mais que je ne voulais pas m'avouer à moi-même. Il pleurait parce qu'il croyait que j'allais l'abandonner.
-Mberry pardonne moi, dit il en s'approchant de moi. Pardonne moi pour tout.
Je voulais me délecter de sa souffrance. Mais rien n'y fit. J'étais aussi brisée de le voir dans cet état.
-Je n'ai rien à te pardonner. Tu as fait ce que tu as pensé être juste. C'est ton enfant, tu as le droit de réagir comme tu l'as fait. Je ne t'...
-baal ma Mberry. Je.....
-Non Cheikh. Ne continue plus. Que ferai -je de tes excuses. ?Arriveront-elles  à effacer cette image de la tête des enfants, où tu portais main à leur mère. ? Ou penses-tu que moi aussi je l'oublierai en un clin d'œil comme si de rien n'était ? Je t'ai pardonné parce que cela est nécessaire pour notre vie en famille.
Ces larmes avaient atteint mon cœur comme un jet de vin. Je sortis brusquement de la chambre et allai dans la notre. Si je restais une minute de plus, les larmes auraient eu raison de moi.
Pourquoi quand je veux être heureuse, il y a toujours quelque chose pour troubler mon bonheur? Le charmaillement de deux oiseaux sur le bord de la fenêtre me plongea encore plus dans mon état. Mêmes les oiseaux vivaient une vie paisible pendant que moi........
Le bruit de la porte me fit sursauter. C'était mon grand père.
-Désolée je ne t'avais pas entendu arriver.
-C'est normal. Je me déplace avec tact contrairement à vous les jeunes.
Je souris timidement. Mon grand père, il avait une dent contre la jeunesse. Il nous pense pas dutout patient, sage et réfléchi.
-Borom ker( chef de famille) , qu'est ce qu'il y a cette fois-ci?, demandai-je d'un ton plaisant afin de lui cacher mon amertume.
-Kay fii, dit il en tapotant sur le lit, me disant de venir s'asseoir près de lui.
Il était trop sérieux, j'obtempérai donc.
-Ton mari a payé ta dot.
Il l'avait sorti d'une telle manière que je n'arrivais pas à croire. Je me disais que c'était une blague de sa part. Parce que...
Ma dot?
-Euh grand père, je n'ai pas bien saisi ce que..
-Ne me dis pas que ton père a dépensé toute cette fortune pour ton éducation et que tu ne saches ce que signifie une dot.
Je le connaissais pour son côté rabat- joie mais je ne relevai pas.
-Tu seras donc dotée. Cette fois -ci tout se passera dans les règles de l'art, comme la tradition l'exige.
-Je vais être dotée et je suis la seule à ne pas être au courant. Bravo.
La nervosité prenait le dessus sur moi. Je voudrais que mon grand père soit plus clair. Je voudrais entendre de sa bouche qu'il s'agissait de Cheikh. Mais de qui d'autre s'agirait -il si ce n'est pas lui?
-Il a nous fait la demande avant ce tragique événement de disparition de sa fille. Et maintenant j'ai comme l'impression qu'il n'est plus aussi sûr de lui. Il a peut être peur que tu le rejettes.
-Moi, je...
-Jeune fille, quand je parle, merci de ne pas m'interrompre. Ça me rebute.
Je baissai honteusement la tête. Ce vieux n'avait pas dutout froid aux yeux quand il s'agit de remonter les bretelles aux autres.
-Alors je disais, j'ai remarqué qu'il se retractait. Vous avez sûrement eu un problème. Alors petite fille laisse moi te poser une question. Comment entre vois tu souvent la vie à deux ? Pour toi est-ce seulement du bonheur, de la joie, tout se passe comme sur des roulettes, il y a tout le temps des éclats de rire? Mais c'est impossible. La vie à deux c'est une histoire de concession. Vous auriez toujours de différentes tensions parce que vous avez eu différentes éducations, vous n'avez pas la même façon de réagir face aux situations.
Il fit une pause et ôta sa paire de lunettes.
-Je ne sais pas ce que tu cherches jeune femme. Tu as un homme qui t'aime à qui tu as donné deux magnifiques enfants, que tu aimes aussi, qui est responsable et peut subvenir à tes besoins. Tu as encore besoin qu'Allah descende et te dise que c'est lui qu'il a choisi pour toi.  Il faut parfois faire preuve de perspicacité. N'es tu pas fatiguée avec toutes ces épreuves que tu as subies? N'as tu pas envie d'avoir un moment de répit, d'avoir ta famille à toi, ton mari à toi. ? Ou tu penses être bien seule. ? Mais c'est normal, les jeunes femmes d'aujourd'hui quand elles sont indépendantes, elles pensent ne plus avoir besoin d'un homme dans leur vie. Ton mari, c'est ton reflet, il vient ajouter une touche à cette féminité que tu as.
Je pleurai silencieusement. Ma vie n'a  pas dutout été d'un repos.
-Acceptes-tu la dot de ce Mr?. Je ne veux pas avoir la honte et ne veut pas l'infliger à ces honorables personnes.
Je me jetai à son cou.
-Bien sûr que je le veux.
Il souffla de soulagement et tapota le bas du dos.
-Ba beneen Yoon, inch'Allah( à la prochaine si Dieu le veut)
Il se leva et me regarda tendrement.
-Ton père serait fier de toi.
Cela fit doubler mes pleurs. J'aurais tant aimé qu'il soit là avec moi.
Il me fit un bisou sur la nuque. Je crus voir une boule de larme se former du coin de son œil mais il le reprima aussitôt. J'admirais sa force.
Il me dit que leur voiture était prête et qu'ils reviendraient pour la dot.
Le temps de me rendre sous la douche me débarbouiller il était déjà sorti de la chambre. Du balcon du haut je les observai. Cheikh était à genoux devant mon grand père qui le benissait en wolof. Ma grand mère félicitait la mère de Cheikh tandis que maman et tonton Abdou se serraient forteusement les mains. Au fond de moi je savais que j'avais pris la meilleure décision qui soit.

SHIELDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant