Chapitre 27

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Je monte les marches du perron, tenant ma robe à deux mains et suivie de Bianca. Je suis à peine rentrée que des exclamations en tout genre sortent du salon sur ma droite. Traînant ma petite sœur par la manche, je me dirige tout droit vers cette pièce, le cœur lourd. J'ai peur de ce que je vais découvrir.

Je ne comprends pas comment oncle Ednard a pu se montrer aussi cruel avec Bianca. Il fait honte à notre famille et à mes parents pour vendre ses nièces ainsi. Je me rappelle que mes parents disaient beaucoup de bien de leurs parents et grands-parents, comme quoi ils avaient été autorisés à choisir eux-mêmes l'amour de leur vie. Et oncle Ednard n'a apparemment pas hérité de leurs gènes.

En passant la porte, je m'arrête nette. Mon oncle, un verre à la main, est tourné vers un homme assez épais, en surpoids. Sa peau est assez foncée et ses cheveux noirs coupés courts. Il tient son verre en riant aux éclats et lorsque les deux remarquent notre présence, ils coupent leur discussion. Oncle Ednard ne semble pas surpris et son ami s'exclame d'une voix rocailleuse :

— Bianca, ma petite, viens ici ! Viens... oh...

Il bredouille des mots, complètement disjoncté. Ses yeux sont injectés de sang et il fait vraiment peur à voir. Bianca ne bouge pas. Sa main se crispe dans la mienne et je les fusille tous les deux du regard.

— Vous n'avez pas honte ?

C'est la première chose qui me vient à l'esprit. Je n'aimerais pas à cinquante ans, être aussi dépravée qu'ils le sont actuellement. Éméché, oncle Ednard se lève et un sourire moqueur s'étire sur ses lèvres rougies par la boisson.

— Honte de quoi ? De se faire plaisir ?

Il porte son verre à sa bouche, l'air heureux. Je savais pertinemment qu'il était un gros égoïste imbu de lui-même, à l'enterrement de mes parents il était le premier à sourire. Il savait d'avance tout ce qu'il nous ferait subir et je suis sûre qu'il en jubilait intérieurement.

— Se faire plaisir ? Tu as vendu ta nièce à un ivrogne incapable de s'exprimer convenablement !

L'émotion me saisit à la gorge. J'ai l'impression de n'être qu'un moucheron misérable face à eux.

— Lord Herndon est un très bon parti, il a plusieurs compagnies de pétrole dans le monde. Bianca sera comblée !

Je lâche ma petite sœur et m'approche de lui, furieuse. Le menaçant de mon index, je lui réplique d'un ton bas :

— Tu fais honte à ma famille, honte aux Montancourt et j'espère que tu le sais. Je ne te considère même pas comme mon oncle, tu as vu ce que tu lui as fait ? Tu crois que c'est normal de frapper sa nièce ? Tu te caches derrière "c'est un bon parti" juste pour accroître ta richesse, tu me dégoûtes !

Et oncle Ednard rit aux éclats, suivi de Lord Herndon. Je les dévisage et franchement, j'ai envie de vomir en les voyant.

— Être des vieux croûtons défigurés par les rides ne vous permet pas de ruiner nos vies.

Et les rires cessent. Oncle Ednard, cependant, garde un sourire amusé aux lèvres.

— Tu me fais doucement rire, Eileen. Tu es bien comme ta mère, têtue mais d'une fragilité aberrante. Tu voudrais sauver le monde de tes mains mais tu comprendras un jour que j'ai fait cela pour votre bien à tous les deux. Aux dernières nouvelles, le roi de Lucrenda est un excellent parti et Lord Herndon également.

J'éclate de rire et cela le déstabilise. Bianca non plus ne comprend pas et je sens son regard peser sur mon dos.

— Si tu t'étais renseigné un peu plus, tu aurais appris que tu ne m'as pas promise au roi de Lucrenda mais au prince héritier.

Il hausse les épaules.

— Peu m'importe, tu sais. Dans les deux cas, je t'ai donné un bon époux et tu n'en as que faire. Même pas de remerciements.

— Et Bianca, alors ? Tu trouves ça normal de la donner comme de la chair à pâté à un vieux comme lui ?

Et le vieux se lève. Il fait bien deux têtes plus que moi et lorsqu'il s'approche, les yeux noirs, je recule. Bianca est carrément sortie de la pièce tant elle a peur mais moi, je reste là. Je soutiens son regard lorsqu'il lance, beuglant comme un animal :

— Tu m'racontes quoi, petite ?

Il est l'exemple parfait de l'homme devenu noble. Non pas que cela soit dérangeant s'il était un peu plus intelligent mais on lui a donné trop de pouvoir. Un pouvoir qui lui permet d'accéder à ma sœur.

— Je refuse que Bianca vous épouse.

— Trop tard, Eileen. Les papiers ont été signés ce matin ! jubile mon oncle.

Il lance un regard plein de fierté sur la table basse et j'esquive le gros balourd pour aller directement prendre ces papiers. Oncle Ednard n'est pas assez vif parce que en quelques enjambées, je me réfugie au fond du salon et déchire les papiers en morceaux avant de les jeter au feu.

Oncle Ednard me regarde, outré de mon audace.

— Espèce de petite...

Il s'approche de moi mais je saisis ma robe et le contourne. À cause de sa vieillesse, il ne me rattrape pas. Je dois par contre affronter Lord Herndon qui tente de m'attraper par le bras. Sa poigne de fer se referme autour de moi mais je lui griffe les avants-bras et il pousse un cri. Il ne me lâche pas pour autant et je me débats, terrifiée.

Bianca entre alors dans la pièce et s'écrie :

— Eileen, il y a quelqu'un dehors !

Je prie intérieurement pour que cela soit Sebastien venu à ma rescousse. Je l'espère de tout cœur. Je n'ai pas le temps de répondre parce que la main de Lord Herndon s'abat sur ma joue et cela me fait voler à plusieurs mètres derrière lui. Mon oncle se tient derrière et il lance :

— De mon temps, les femmes auraient été heureuse de se marier. Vous êtes pitoyables, toi comme ta sœur, tout comme l'étaient vos parents.

Lord Herndon me saisit de nouveau et il me fait cette fois décoller du sol. Essoufflée et avec la douleur fulgurante qui me saisit à la tête, je n'arrive pas à me défendre. Je tends le bras comme une pauvre fille dans le but de le frapper au visage, en vain.

Et alors que je m'attends à ce qu'il me frappe de nouveau, je retombe au sol lourdement lorsqu'il me lâche. Étalée sur le sol, je gémis en portant la main à mon visage. La douleur me saisit comme une lance en plein cœur et je me retourne pour voir ce qui vient de se passer.

De dos, une silhouette d'homme se dessine. Je pense en premier lieu qu'il s'agit de Sebastien mais non. Encore mieux.

Ander est là.




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Heyy

J'ai sacrifié mon sommeil pour écrire (mais j'avais trop d'inspi je me devais de tout écrire 😂)

J'espère que le chapitre vous a plu, comme d'habitude vous connaissez la routine !

Les deux prochains chapitres sortiront demain (et il y en aura sûrement plus si j'arrive à bien avancer)

Bizz

💓

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant