Chapitre 10

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Je suis terriblement nerveuse. Nerveuse, anxieuse, stressée, je ronge mes ongles. J'ai toujours eu cette mauvaise habitude depuis toute petite et on m'a toujours dit d'arrêter mais je n'en faisais qu'à ma tête.

Le prince m'a annoncé il y a de cela une heure que nous allions arriver dans un peu plus d'une heure. Durant le long trajet en train, j'ai remis ma vie en question au moins trois cent fois avant d'envisager les situations possibles de fuite. Une fois arrivée, je pourrais peut-être m'en aller ? Je veux dire, je suis Eileen de Montancourt, je dois bien avoir de l'argent sur un compte, je pourrais repartir chez moi ?

Oui et après ?

Après, c'est une autre chose. Je me ferais probablement arrêtée dès le pied posé sur Ecclosia et finirais dans un cachot en attendant mon exécution.

— Vous êtes anxieuse ? demande le prince en se tournant vers moi.

— Non.

Je regarde le paysage défiler par la fenêtre. Cela doit bien faire quinze minutes que nous roulons sur une route complètement déserte où ne figurent que d'immenses arbres. Il pleut des cordes, comme d'habitude et observer les gouttes tomber commence peu à peu à me relaxer.

— Comment est-il ? demandé-je soudainement, sans lâcher du regard les gouttes de pluie.

— Ander ?

Je hoche la tête. Ander, son altesse pour moi, c'est du tout au même.

— Assez dur à comprendre, avoue-t-il. Je ne veux pas vous faire de faux espoirs alors je vais vous assurer qu'il ne vous appréciera probablement pas.

— Comment ça ?

— Je ne peux vous le dire. Il est quelqu'un d'assez froid en apparence et il ne vous accordera pas beaucoup d'attention.

Ses propos me laissent sans voix. Comment peut-il me dire ça juste avant d'arriver ? Je me déteste intérieurement d'avoir posé la question. Je n'aurais jamais dû.

— Nous arrivons bientôt. Le palais est assez reculé du monde extérieur c'est pourquoi vous n'avez pas aperçu de flagrant changement de paysage.

Je trouve tout cela beaucoup trop mystérieux. Le palais est loin de tout, la famille royale essaie de se faire discrète et je n'ai entendu parler que très peu du royaume de Lucrenda. Je suis sûre et certaine qu'ils cachent bien plus de secrets qu'ils ne voudraient faire croire.

— Nous sommes arrivés. Attendez ici quelques minutes.

Sur ces mots, il sort précipitamment de la voiture et je vois son ombre s'en aller à travers les bois. La voiture continue sa route un peu plus loin, laissant apparaître de plus en plus le palais qui se dessine bientôt complètement devant moi.

C'est un palais fait entièrement de briques avec un grand escalier centrale en pierre grise menant directement à l'entrée. Deux grosses tours sont faites de part et d'autre du bloc central et il y a d'immenses baies vitrées tout le long du palais. Celui-ci s'implante à merveille dans ce milieu, centré au cœur d'une forêt incroyable.

Le chauffeur m'ouvre alors la portière en tenant un parapluie et je sors m'abriter dessous. J'ai fait un effort pour m'habiller correctement. Ma robe bouffante est assortie à mon corset blanc. Les jupons sont bleus, aux couleurs d'Ecclosia.

— Suivez-moi, Votre Altesse.

Je le suis donc, légèrement trempée avec le vent qui balaie la pluie. À peine suis-je sortie qu'une ribambelle de soldats accourent vers moi, formant une rangée assez large pour me laisser tout de même passer.

— Vous pouvez me le donner, dis-je en désignant le parapluie.

— Votre Altesse, je n'ai pas le droit de...

Je lui coupe la parole en lui prenant le parapluie des mains, l'air sérieuse. J'avance d'un pas souple mais rapide vers l'immense escalier et lève un peu plus haut les yeux.

Au sommet des marches se trouvent un homme et une femme, accompagnée de leurs enfants je suppose. Rapidement, mon cœur se met à battre plus fort dans ma poitrine. Ils restent postés où ils sont, à l'abri sous les parapluies que les gardes tiennent.

J'ignore quoi faire et je reste un moment à l'arrêt. Je suis arrivée à un point où nerveuse n'est pas un mot assez fort pour décrire mon état général.

— Donnez-moi cela.

Je ne l'ai même pas vu venir. Le prince Sebastien me reprend le parapluie des mains, nous protègent ainsi tous les deux puis il me fait signe de le suivre.

— Gardez la tête haute.

J'ignore pourquoi mais c'est à ce moment précis que je commence à ressentir une profonde gratitude. Il vient me sauver à temps quand j'en ai réellement besoin. Nous avançons ensemble et bientôt, nous sommes à quelques mètres de la famille royale. J'ai l'impression de manquer d'oxygène tant le stress est immense.

Je leur fais alors face, l'air sûrement livide. J'ai en face de moi un homme d'un bon mètre quatre vingt-dix portant une couronne sur la tête, une expression neutre au visage. Son crâne est rasé court, ses yeux sombres me fixent comme si je n'étais qu'une moins que rien. Il a une longue barbe et d'épais sourcils, donnant l'impression qu'il est en colère.

— Son Altesse Royale de Montancourt, le roi Dimitri du royaume de Lucrenda, déclare un homme posté aux côtés de la famille royale et qui je devine, être le messager.

Je m'abaisse aussi gracieusement que je le peux même si comparée à eux, je suis une honte. Ils ont revêtu leurs plus beaux vêtements de royauté. Je sens une main se poser dans mon dos et cela suffit à me calmer pendant quelques secondes.

— ...la reine Irena de Lucrenda, la princesse Arynn ainsi que les princes Ander et Julio.

Mon regard se pose respectivement sur chacun des membres. La reine est grande, élancée et d'une beauté ténébreuse. Sa longue chevelure brune lui arrive à la taille et ses yeux noisette m'observent attentivement. Sa fille lui ressemble trait pour trait et j'ignore laquelle je pourrais juger la plus belle. Elles portent toutes les deux de merveilleuses robes, l'une bleue foncé, l'autre doré et qui les mettent en valeur encore plus.

Quand mon regard passe sur Julio, je m'attendais à un homme d'au moins vingt ans mais j'ai face à moi un petit garçon d'environ neuf ans. Gringalet, et très petit en taille, il me fixe de ses grands yeux émerveillés. Je me sens gênée face à tous ces regards qui se posent sur moi.

Puis vient enfin Ander, mon futur époux. Je m'étais imaginée un million de scénarios possibles avant d'arriver finalement ici. Je l'imaginais blond, le regard doux et cette petite étincelle de confiance, comme son frère. Or, j'ai face à moi un homme d'une vingtaine d'années, le regard noir, les sourcils froncés et le tout me déstabilise. Il ressemble à un ours. Un ours enragé.

Il dégage une sorte de négativité qui me met profondément mal à l'aise. La main de Sebastian n'a pas quitté mon dos et je la sens bouger jusqu'à ma taille. J'ignore ce que geste peut bien signifier mais une chose est sûre : j'ai l'impression que ma vie dans ce pays ne sera pas de tout repos.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant