Chapitre 64

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On m'a jetée en prison. Je crois que c'est une cellule souterraine et à part une petite fenêtre avec des barreaux, il n'y a rien d'autre. La porte s'est lourdement fermée derrière moi lorsque l'on m'a envoyée ici. Alors cela doit bien faire une heure que je suis assise par terre, les jambes recroquevillés, ma tête autour de mes bras. Je renifle, mon nez coule et mes yeux me piquent. Je suis fatiguée et j'ai faim.

Mon estomac crie famine depuis longtemps et je commence vraiment à avoir mal. Il fait froid ici en plus, j'ai peur. L'air frais se dégage de par-dessus la porte et depuis bientôt quelques minutes, j'entends des petits couinenements. Je n'ai jamais eu vraiment peur des rats mais c'est loin d'être sympathique. Et si l'on venait me tuer directement dans ma cellule avant la cérémonie ? Et si je mourrais d'une crise cardiaque sans avoir pu exprimé mon dernier souhait ? C'est fou comme on pourrait refaire un monde avec des si.

Alors en attendant, je fredonne des notes qui sonnent laides et fausses. J'aimerais que mon chant soit entendu dans le monde entier et plus particulièrement par Ecclosia, j'aimerais tellement pouvoir faire quelque chose mais je suis coincée ici. Ander n'est pas là, n'est pas venu et je sais qu'il ne viendra pas. Alors j'attends. J'attends patiemment mon sort. J'attends qu'un ange me délivre ou que l'on vienne directement me tuer, je ne sais pas.

Quand j'étais plus petite, on disait toujours que j'étais d'une fragilité aberrante. Le problème, c'est que je n'ai jamais été faite pour prendre des décisions ou me battre. Sur le moment, les idées sont là et parfois l'envie est si forte que je me laisse aller mais je n'ai jamais été réellement prise dans un combat. Quand oncle Ednard a annoncé mon futur mariage, je me suis indignée mais au final, où suis-je maintenant ? Je voulais être à la tête d'un pays alors que je n'ai même pas le profil pour être reine. Oncle Ednard a eu raison.

Ça me fait mal de dire cela, parce que je sais que c'est lui qui signe mon arrêt de mort. Je ne reverrai pas Bianca, je crois que c'est la chose qui me déchire le plus le cœur. Elle a déjà perdu nos parents et je sais qu'elle en souffre plus que moi et qu'elle n'a toujours pas fait son deuil, mais si ma perte se rajoute... J'ai peur qu'elle craque. Je suis terrifiée au fond de moi qu'elle ne tienne pas. Elle se comportait déjà bizarrement en ce moment et je le sens, je le sens au plus profond de moi qu'elle va flancher. Qu'elle me rejoindra bientôt.

C'est étrange de se rendre compte que la vie ne tient qu'à un fil lorsque l'on est au bord du gouffre. J'ignore ce qui est le plus terrifiant entre se dire que je ne reverrai jamais la lumière du jour, que je ne pourrai plus jamais serrer mes proches dans mes bras ou bien entre le fait que j'abandonne tous ceux que je chéris derrière moi.

J'ai peur de mourir. J'ai peur de fermer les yeux à tout jamais, de ne plus pouvoir les rouvrir, j'ai toujours eu peur de ce que je ne connais pas, j'ai peur de ne plus être, de ne plus ressentir, de ne plus être capable d'aimer. J'ai peur de ne plus pouvoir donner, de ne plus pouvoir recevoir, j'ai peur de ne plus pouvoir rire, chanter et danser, j'ai peur de ne plus pouvoir sentir la pluie sur ma peau, la chaleur du soleil tapant sur ma tête, l'odeur des tartines grillées le matin lorsque je me réveille. J'ai peur de finir dans le néant, oubliée de tous. Je suis terrifiée à l'idée de ne devenir qu'un souvenir.

Je renifle plus fort et les larmes commencent à pointer aux coins de mes yeux. Ma poitrine se comprime à chaque minute qui s'écoule et je me retiens de pleurer. Alors j'attends, encore et encore.

Le ciel devient sombre, les étoiles apparaissent, s'émerveillent, la lune me chuchote que tout ira bien puis elles disparaissent, lentement mais sûrement. L'aurore se pointe, le ciel devient clair, gris, blanc puis rose puis une multitude de couleurs et je me mets à penser que je n'ai pas pu profiter à fond de ma vie. Je me mets à penser que je suis trop jeune pour mourir, que j'ai encore tant de choses à accomplir. Je me mets à rêver, nourrissant mes songes de cet espoir qui intoxique mon cœur.

Et puis le ciel redevient bleu, le soleil scintille et vient m'éblouir et moi, je me mets à le contempler encore et encore, à m'en crever les yeux. Je n'ai même pas dormi, j'ai à peine somnolé, j'ai voulu rester vivante un tant soit peu, j'ai voulu continuer d'exister.

Mes mains agrippent les barreaux et je me mets à penser que le temps est drôlement long. J'ai l'impression de devenir folle à chaque seconde qui passe. J'ai envie de pleurer. J'ai faim. Soif. On ne m'a pas nourrie, je vais donc mourir sans avoir pu savourer une dernière fois le goût de la nourriture ? J'aurais voulu manger du pain, avec du chocolat –beaucoup de chocolat– et des gâteaux, plein de gâteaux. Je veux boire, m'empiffrer, juste une dernière fois.

Je tourne en rond dans la pièce. Je marche, pour ne pas oublier que je suis toujours là. J'ai beau être éteinte de l'intérieur, je me mets à sourire en me remémorant des souvenirs joyeux. Ander, mes parents, Bianca, Julio, Jasper... Ils ont rendu ma vie un peu meilleure. Ils ont contribué à mon bonheur.

— Eileen !

Je deviens folle, j'entends des voix. Je perds pieds peut-être. Mais non, lorsque je relève la tête, je découvre que le loquet de la petite fenêtre de la porte est ouverte. Deux yeux sont braqués sur moi et je me précipite vers la porte, un sentiment nouveau naissant en moi.

La paire d'yeux braqués sur moi n'est autre que celle de la reine. Je reste quelque peu figée dans l'incompréhension alors que de là où je me trouve, je peux lire en elle un semblant de compassion.

— Eileen, tu ne dois pas abandonner.

Et juste à cette phrase, les larmes dévalent mes joues telles une rivière. Je ne sanglote même pas, je relâche la pression comme à mon habitude.

La reine Irena ordonne alors que l'on ouvre la porte et je me mets à penser que sa petite visite ici sera sûrement rapportée par les gardes. Elle rentre alors dans la cellule, vêtue d'une magnifique robe rouge et en une seconde à peine, elle vient me serrer dans ses bras.

Je reste quelque peu hébétée, gênée. Elle me serre longuement, doucement et sa main caresse mon dos.

— N'abandonne jamais, sûrement pas dans des moments comme celui-ci, me chuchote-t-elle assez bas pour que moi seule l'entende. Tu auras toujours quelque part une étoile qui veille sur toi, une amie, un réconfort et le plus important, une alliée.

Un silence s'écoule et elle me tient toujours contre elle, telle la mère que je n'ai jamais eu. Elle rajoute d'un ton doux :

— Tu dois continuer de te battre, pas seulement pour Ander mais pour ta vie, Eileen. Tu mérites de vivre et d'accomplir des choses. Tu mérites de faire tes preuves.

Elle recule légèrement, me regarde avec une tendresse que je ne comprends pas. D'où sort-elle ? Pourquoi est-elle venue me dire cela ?

Elle tend alors le bras, coupant court à mes interrogations et me confie un petit poignard, si fin que je pourrais facilement le cacher sous la manche de mon haut.

— Fais-en bon usage. J'espère que tu trouveras le courage en toi suffisant pour vaincre ta peur.

Et après un petit sourire, elle s'en va. La porte se referme derrière moi, derrière cette ange venue tout droit me sauver.

Aucun adieu. Seulement un au revoir accompagné d'un poignard.



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heyyy

J'espère que ce chapitre vous a plu, c'est plus du descriptif mais j'ai bien aimé l'écrire

Les prochains chaps sortiront aujourd'hui normalement

Bizz bizz

💓

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant