Chapitre 4

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Je reprends mes esprits et la première chose que je vois est le visage de mon oncle penché sur moi. Je me redresse vivement et regarde autour de moi. Le roi de Lucrenda est toujours debout, adossé au mur, les bras croisés et il ne cesse de me dévisager.

— J'ai fait une crise de panique.

Je n'avais pas l'intention de le dire à voix haute mais les mots sont sortis comme ça. J'essuie rapidement la sueur qui coule sur mes tempes avant de me remettre debout.

— Tu étais probablement nerveuse d'avoir vu pour la première fois ton futur époux ! ricane oncle Ednard d'une voix mielleuse, dévoilant ses dents jaunes au passage.

Je le fusille de mes yeux. Pour qui se prend-il ? Mon regard croise celui du roi quelques secondes et c'est moi qui flanche en première. Je me demande ce qu'il doit bien penser de moi. Je ne dois être qu'une potiche boueuse à ses yeux, incapable de rester plus de cinq minutes debout.

— Où sont les gardes ? demandé-je.

— Je leur ai demandé de partir pour que l'on soit plus au calme.

Je hoche la tête. Il est temps pour moi de partir.

— Je suis désolée mais je vais devoir m'apprêter.

J'essaie de m'enfuir mais oncle Ednard me retient :

— C'est très impoli ce que tu fais.

Est-ce que je m'en soucie le moins du monde ?

Absolument pas.

— Laissez-la, résonne une voix dans la pièce.

Mon cœur loupe un battement quand je me rends compte qu'il vient de parler. Il vient de parler de moi. Et ce n'est pas n'importe qui puisque c'est celui que je vais épouser. Mon Dieu, je n'ai pas envie de me marier... Je ne suis encore qu'une enfant, je n'ai aucune grâce ni élégance, je...

Je me défais de la poigne du vieux bridé et m'avance vers lui, un tant soit peu nerveuse. Je me baisse plus gracieusement que la première fois et souffle :

— Veuillez m'excuser.

Je n'ai aucun compte à rendre en y pensant. Peut-être à ce maudit roi mais je n'ai pas l'intention de faire part du moindre de mes faits et gestes à mon oncle.

À peine suis-je sortie de la pièce que je reprends une bouffée d'oxygène. J'avais clairement l'impression d'étouffer dans cette pièce et encore plus en présence de ces hommes. Je monte quatre à quatre les escaliers et ne fais pas attention à la porte qui claque derrière moi. Alors que je rejoins ma chambre, Bianca sort de la sienne et me questionne :

— Il se passe quoi en bas ? Et pourquoi oncle Ednard m'a interdit de descendre ?

Et en plus ce fou a interdit à ma petite sœur de venir saluer les invités ? Elle a dix-sept ans, est presque majeure et il la prend encore pour une enfant.

— Le roi est arrivé, réponds-je simplement.

— Je croyais qu'il arrivait bien plus tard... Il y a un dîner ce soir, n'est-ce pas ?

— Oui, prépare-toi d'ailleurs.

Elle referme la porte derrière elle et je fais de même. Je pousse un énorme soupir en me jetant sur mon lit, complètement à bout. Je ne sais pas quoi penser. Je viens de le rencontrer.

J'ai rencontré mon futur époux. Il est roi aussi. Et diablement sexy.

C'est vrai qu'il est agréable à regarder mais il ne faut pas non plus dire que c'est un canon !

Si, c'en est un. Clairement.

Je maudis cette voix dans ma tête. Il faut vraiment que je me resaisisse. Pile au moment où je me remets debout, on vient toquer à ma porte. Je traverse la pièce et ouvre de quelques centimètres la porte.

Je relève les yeux vers les siens et me fige.

— Je...

— Me laisseriez-vous entrer ?

Ma chambre est en désordre et il y encore Pimpim, mon doudou sur mon lit et pas question que vous le voyiez !

— Non.

Et comme une idiote, j'ouvre grand la porte. On dit souvent que le geste doit joindre la parole, mais alors je suis complètement à côté de la plaque.

Enterrée sous la plaque à ce niveau-là.

En rougissant de honte, je me reprends :

— J'étais pensive, je suis désolée.

Alors qu'il entre dans ma chambre et que je referme la porte derrière moi, je réalise que je suis dans une situation où je ne sais absolument pas comment me comporter. D'ordinaire, je suis plutôt assurée et sûre de moi mais là, j'ai l'esprit ailleurs et j'ai peur de faire une bêtise.

Ne sachant que faire, je le fixe alors qu'il inspecte ma chambre et je le vois me juger. Une chambre, c'est assez intime et cela dévoile pas mal de choses sur une personne et je ne connais cette homme que depuis exactement dix minutes.

— Mes condoléances pour vos parents.

— Merci.

Inutile de faire la fille endeuillée, ses yeux me scrutent à la recherche d'une quelconque douleur qu'il ne trouvera pas. Je suis un mur de briques incassable et il ne le sait pas encore.

— Vous sentez-vous mieux après le... malaise que vous avez fait ?

Il est clair et net que je ne le connais pas et je me doute que ce trop-plein de gentillesse n'est que la façade d'un homme que je ne connais pas encore. Les gens gentils ont toujours des choses à cacher. J'en ai la preuve avec mon oncle qui se la joue gentil devant les personnalités publiques pour au final n'être qu'un rat d'égout avec sa propre famille.

— Ça va mieux, merci.

Je le détaille comme il le fait pour moi. Il a probablement entre vingt et vingt-cinq ans. Ses cheveux bruns sont rejetés avec désinvolture en arrière et sa peau est aussi lisse que du réglisse. Ses yeux marron croisent les miens à plusieurs reprises et on a beau se regarder comme ça, comme deux idiots, je n'ai pas l'impression que lui comme moi en apprenons plus sur l'autre.

— Bien, je vais vous laisser à présent.

Je lui ouvre la porte et il sort de ma chambre sans un mot de plus. Je pense secrètement que c'est un psychopathe. Il est effrayant, il fait peur et il est vraiment étrange.

Je me rassois sur mon lit et une brillante idée me vient soudainement à l'esprit. S'il me m'apprécie pas, il n'y aura pas de mariage, pas vrai ?

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant