On est parti me chercher environ quelques heures après le départ de la reine. Arynn est venue me voir également, elle m'a donné de quoi manger le temps que l'on vienne me prendre. Je suis restée longtemps assise par terre, si bien que j'en ai maintenant mal aux fesses alors quand les deux gardez ont ouvert la porte pour me saisir, j'ai eu du mal à me relever.
Et me voici maintenant dans une pièce, un bureau il me semble où la lumière du soleil m'aveugle les yeux. Tout est clair ici que j'en ai mal à la tête. Un bureau trône en plein milieu et un large fauteuil est installé derrière. Les fenêtres sont grandes, les rideaux très Lucrenda et j'avance quelque peu vers un miroir accroché contre le mur droit.
Je suis à peine postée devant que je ne me reconnais même pas. De toute ma vie, je n'ai jamais eu les cernes aussi bleutées –même en ayant effectué de nombreuses nuits blanches avec Jasper je n'obtenais pas le même résultat– et mes joues sont pâles. Mon visage entier est blanc, effarant, même pas reconnaissable. Mes cheveux bruns sont emmêlés, mon haut sale et je pousse un soupir.
Je n'ai jamais été vraiment gênée de par mon apparence, même si durant mon adolescence quelques complexes se sont installés chez moi. Jusqu'ici, je n'ai pas réellement fait attention à ce que je renvoyais, bien que dans ma famille on m'ait appris à paraître impeccable en toutes circonstances.
Mais aujourd'hui, je me fais peur à moi-même. J'imagine que c'est parce que je réalise seulement maintenant pleinement la fin qui approche.
La porte s'ouvre alors d'un coup net. Je relève la tête et je crois flancher en apercevant ce visage si familier devant moi. Des cheveux blonds, un visage d'enfant et une musculature parfaitement dessinée.
— Eileen !
Jasper, en deux grandes enjambées, me rejoint et me serre dans ses bras. Je reste bredouille, ne sachant pas comment réagir et un millier de questions fusent dans ma tête en même temps qu'un soulagement imperceptible me parvient.
Je tente d'articuler des mots mais rien ne vient. Il s'écarte, me regarde longuement, l'émotion pris dans son regard et il me serre de nouveau dans ses bras, cette fois-ci ne me lâchant plus. Je crois que sa visite n'aurait pas pu mieux tomber, il m'a tellement manqué et je ne l'ai même pas contacté une seule fois depuis des mois.
— Tu m'as manqué, souffle-t-il, tellement.
Je m'écarte de lui et tout à coup, les mots semblent avoir réapparu dans ma tête.
— Mais qu'est-ce que tu fais là ? m'exclamé-je.
— Je suis autorisé à venir te voir une dernière fois avant...
Il ne termine pas sa phrase et je le vois au bord des larmes. J'ai envie d'effacer sa souffrance de mes doigts mais je ne peux rien faire, je suis contrainte de l'observer. Il passe une main dans ses cheveux et m'avoue alors :
— Je t'ai envoyé des dizaines de lettres. Elles ne te sont jamais parvenues et je viens de l'apprendre seulement maintenant. Alors j'ai voulu voir Bianca mais ton oncle m'a interdit de l'approcher, je... je...
Il se perd dans ses pensées et rajoute à toute vitesse :
— Je croyais que tu ne voulais plus me parler, Eileen. Alors j'ai juste voulu te laisser tranquille pendant un moment, je me suis dis que tu reviendrais et je pensais que tu avais reçu mes lettres !
Je ne comprends pas. Pourquoi n'ai-je rien reçu ? Mon cerveau fuse à mille à l'heure mais c'est le trou noir dans mon esprit. Aurait-on intercepté ses lettres ? Dans quel but, qui voudrait faire cela ?
Jasper coupe court à mes interrogations et répond en voyant mon visage confus :
— Eileen, aucune lettre n'est passée à Lucrenda. En bas, c'est la cohue, les gens crient ton nom et te font passer pour un être odieux, tu aurais brisé le couple du prince.
Je fronce les sourcils alors que mon visage se décompose. Je me décompose. Mon monde se décompose.
Jasper me prend par le bras et me mène à la fenêtre. Je baisse la tête pour voir une horde de gens, le poing brandit en l'air, criant n'importe quoi. Je ne saurais dire combien ils sont, peut-être une centaine, peut-être des milliers mais la chose dont je suis sûre, c'est qu'ils sont là pour moi. Pour me voir mourir. Pour assister à la mort de la princesse d'Ecclosia, héritière au trône.
— J'ai parlé à Arynn, la princesse de...
— Je sais qui elle est, l'interrompé-je.
— Le roi aurait tout organisé. Il aurait parlé en ton nom, aurait inventé des excuses et des choses faussées. Il dit des rumeurs que les gens propagent et le peuple de Lucrenda te déteste actuellement. Les rumeurs vont même jusqu'à s'étendre à Ecclosia et... Eileen, tout est perdu.
Je tente de rester calme mais mon cœur bourdonne. Mes poumons se remplissent d'air alors que je demande :
— Quelle genre de rumeurs ?
— Tu te serais immiscée entre le prince Ander et la princesse Cecilia. Tu aurais aussi tenté d'assassiner ton oncle, les gens sont devenus fous, Eileen...
Je ne réagis pas. Je suis complètement à la ramasse. La porte s'ouvre brusquement : c'est Bianca accompagnée de deux gardes, suivie de Rewind. Jasper prend ma main et c'est les larmes aux yeux qu'il déclare :
— Je suis sincèrement désolé, Eileen. J'aimerais tellement pouvoir t'aider, j'aimerais tellement pouvoir faire quelque chose mais le monde entier est contre nous.
Et quand le monde entier est contre nous, deux options se dessinent. L'une serait d'abandonner, à quoi bon se battre si l'on sait déjà la fin d'avance. Et l'autre est de créer sa propre armée, de faire respecter ses convictions et valeurs quoiqu'il en coûte. Quitte à mourir, autant mourir avec sa dignité.
Les gardes s'approchent pour saisir Jasper et je m'arrête. Pause sur image. Je vais mourir, je suis vouée à la mort, je suis supposée redevenir poussière. Ce moment est inévitable, tout comme chaque mort dans le monde et sur terre. Peut-être que j'aurais une chance de me sauver ou peut-être que lorsque je descendrai, on me jettera des tomates en pleine figure. Peut-être que tout va bientôt s'arrêter.
N'abandonne pas, Eileen. Pas seulement pour Ander mais pour ta vie.
— Il me faut un arc, Jasper. Je ne sais pas quand ni comment mais j'en aurai besoin à un moment donné. Et tu devras être là pour m'aider.
Les gardes saisissent mon ami qui me regarde, figé dans l'incompréhension et avant de disparaître derrière la porte, ses yeux se mettent à briller d'une lueur d'espoir, celle que je puisse survivre et que tout redevienne à la normale. La même lueur d'espoir qui jusqu'ici, me noyait les veines.
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heeyyJ'espère que ce chap vous a plu, on retrouve Jasper après des siècles d'absence 💀 Bon fallait bien le faire revivre à un moment donné je suppose
comme d'habitude, n'hésitez pas à commenter et à voter ça fait toujours plaisir et ça motive :)
le prochain chap sortira ce soir je pense, j'avance pas mal dans l'écriture et je vous posterai sûrement tout au fur et à mesure
Bizz bizz
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𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1
RomanceDans un monde où l'amour ne se choisit pas, où les décisions ne vous appartiennent pas et où les choses vous sont imposées vit Eileen De Montancourt. Princesse depuis sa naissance, du haut de ses dix-neuf ans, la jeune femme est destinée à succéder...