Chapitre 11

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Toujours aussi mal à l'aise, je reste plantée comme un piquet, ne sachant que dire. À peine ai-je fait un pas pour me dégourdir les pieds que le petit prince Julio fonce dans mes jambes.

— Bonjour !

Je lui renvoie son sourire, ravie.

— Eileen, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre palais et espérons que vous vous y plairez, déclare officiellement la reine Irina.

J'arbore un sourire chaleureux aux lèvres. La famille se disperse quelque peu et j'aperçois immédiatement le prince Ander et sa sœur rentrer dans le palais. La reine s'approche de moi tandis que Sebastian enlève sa main pour aller rejoindre son père. Je les vois discuter de je-ne-sais-quoi et la reine me prend alors le bras pour m'emmener à l'intérieur.

En passant devant son fils, celui-ci me reprend le parapluie et continue sa discussion comme si de rien n'était.

— La route n'a pas été trop longue ?

— Assez satisfaisante, je dirais. Je ne me suis pas ennuyée tout le long du voyage.

J'essaie de paraître aimable, en tentant de renvoyer une image positive. Elle me sourit de nouveau, d'un sourire qui se veut sincère. J'aime déjà cette femme.

— Si je puis me permettre, j'aime beaucoup votre robe, dis-je.

— Comme c'est adorable !

Elle me fait entrer dans le palais, suivi de peu par son époux et son fils.

— Comme mon fils Sebastian a déjà dû te prévenir, nous avons préféré l'envoyer pour venir te chercher. J'espère que tu n'es pas trop déçue de ne pas avoir pu rencontrer Ander plus tôt. Les domestiques t'ont préparé ta suite qui se trouve dans l'aile gauche du palais. Pour le moment, tu restes dans la même aile que Sebastian et Julio, si tu as un problème tu pourras donc aller les voir directement. Après le mariage, nous te ferons emménager dans la suite d'Ander dans l'aile droite.

Je hoche lentement la tête, bien trop émerveillée devant les tableaux qui me font face. Des portraits du roi et de la reine, des paysages représentant la mer, la forêt, d'autres sont plus abstraits mais tous figurent sur l'immense mur tapissé de doré qui se trouve devant moi.

La reine Irina capte mon regard et sourit.

— Ander en a peint beaucoup. Je l'admire vraiment pour son talent.

Elle reporte son attention sur les œuvres, les yeux emplis de fierté.

— Aussi, la cour devrait arriver d'ici quelques jours, au plus tard la semaine prochaine. Nous avons de nombreux invités qui souhaitent te rencontrer, tu sais ! En attendant, pour éviter de t'ennuyer, tu as un libre accès à tout le palais.

J'acquiesce de nouveau, et laisse mon regard divaguer tout autour. Aux extrémités, il y a deux grands escaliers qui doivent mener certainement à l'aile gauche et droite respective. En face de moi, il y a un long couloir qui débouche sur un jardin d'extérieur que je n'aperçois pas très bien d'ici.

— Bien, je suis navrée mais je vais devoir te laisser. Je suppose qu'Ander peut te mener directement à ta chambre...

Elle se retourne comme pour chercher son fils des yeux et se ravise. Elle me scrute, gênée, puis reprend :

— Il est du genre timide, je m'excuse. Il doit être parti encore je-ne-sais-où. Sebastian va t'accompagner.

Irina interpelle son fils, toujours en pleine discussion avec son père. Les deux finissent leur conversation qui n'a pas l'air très sympathique puisque c'est la première fois que je vois le prince Sebastian agacé.

— Bien sûr que non, je ne suis pas si stupide ! s'offusque-t-il avant de se détourner de son père.

J'ignore de quoi ils ont bien pu parler mais au regard noir que me lance le roi, j'ai la mauvaise impression que mon arrivée n'est pas bien vue par tout le monde. Irina glisse alors quelques mots à son fils qui hoche simplement la tête avant de me faire signe de le suivre.

Un long silence s'installe alors que la reine et le roi s'en vont, me laissant complètement seule avec Sebastian. Il monte les escaliers d'un pas rapide, prenant la parole en même temps :

— Votre suite est sur la gauche. La mienne est sur la droite si vous avez le moindre problème. Avez-vous besoin d'autre chose ?

Il se poste au premier étage, la main gauche sur la rampe, les yeux fixés sur moi, un air impatient au visage. Un détail me revient alors subitement en tête.

— Vous m'avez dit dans la limousine être le fils aîné de votre fratrie. Mais je suis censée épouser celui qui succédera au trône et donc l'aîné.

Je n'ai aucune envie qu'il prenne mes paroles pour une demande en mariage mais ce détail me laisse perplexe.

— Le roi n'est pas mon père. Par conséquent, Ander est le fils légitime qui accédera au trône. D'autres questions ?

J'ai envie de lui demander s'il est marié, ou pourquoi son frère semble si froid, ou...

— Vous n'accéderez donc jamais au trône ?

J'ai simplement répété ce qu'il m'a dit mais hormis ça, tout va pour le mieux.

Idiote.

Il soupire, l'air fatigué.

— Je suis né d'une union illégitime donc oui. Puis-je m'en aller à présent ?

Il semble si froid comparé à d'ordinaire. Dans la limousine il me rassurait, me disant que tout allait bien se passer, il me souriait et semblait vraiment courtois. J'ai l'impression d'avoir un homme totalement différent en face de moi à présent.

— De quoi portait votre conversation avec le roi ?

— Vous êtes bien trop curieuse. Cela ne vous regarde aucunement.

— La curiosité me permet d'en apprendre plus sur vous et votre famille et je pense que c'est un bon début pour m'accomoder à ce nouveau mode de vie, réponds-je du tac au tac.

— Me demander le sujet d'une conversation privée avec quelqu'un ne vous aidera aucunement à vous habituer à ce mariage, Eileen.

Je reste quelques secondes la bouche fermée, ne sachant quoi dire. Il a totalement raison et il le sait et il sait également que je le sais.

— Bien, j'avoue que cela ne me concerne pas. Mais est-ce tant privé pour que vous refusiez de me le dire ? Je sais garder les secrets, je peux vous l'assurer.

Il hausse les épaules, nonchalant.

— Le roi, qui n'est même pas mon père par ailleurs, m'a simplement dit de garder mes distances avec vous.

Il s'adosse un peu plus contre la barrière, laissant ressortir les muscles de son torse.

— Pourquoi ? C'est totalement stupide.

— Vous pourriez être pendue pour avoir dit que les propos du roi sont stupides, vous savez, déclare-t-il brièvement.

Ses yeux me scrutent longuement.

— Je suis une princesse, une presque reine, cela m'étonnerait que cela n'arrive.

Un sourire se dessine sur ses lèvres et il hausse de nouveau les épaules.

— Tout peut arriver, vous savez. Et pour répondre à votre question, il veut s'assurer que vous serez bien destinée à mon frère.

Je reste muette quelques secondes et il reprend de nouveau la parole :

— Quoiqu'il en soit, je suis là si besoin.

— Si je m'ennuie, je pourrais venir vous voir ?

Dans ce palais, j'ai l'impression qu'il est pour l'instant mon seul potentiel ami. Un sourire sincère se dessine sur ses lèvres et il répond :

— Bien sûr, Eileen. Vous pouvez venir me voir pour n'importe quoi.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant