Chapitre 63

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On me lie les mains avec des menottes et je reste confuse alors que Rewind me fixe, hébété. Il ne dit rien sur le moment et les gardes commencent à avancer. Le garde, portant l'uniforme de Lucrenda m'informe :

— Vous serez retenue ici le temps de votre jugement à Ecclosia. La sentence sera prononcée d'ici quelques jours et l'on viendra vous rapatrier dans votre pays.

— Quel crime ai-je commis au juste ? m'indigné-je.

Les dizaines de gardent regardent devant eux, suivant les ordres. Je sais ce que j'ai soi-disant commis et je sais également que je ne m'en sortirai pas de si tôt. Je connais déjà toutes les réponses à ma question, je connais déjà la fin de cette histoire alors qu'elle n'est pas terminée. Le point final de ma vie n'a pas encore été mis que je sais déjà tout.

— Trahison envers Ecclosia, répond le même garde. Tentative de meurtre contre votre propre oncle.

Je m'étouffe tant toute cette situation est impossible à penser. Alors, une voix puissante résonne derrière nous :

— Vous n'avez pas le droit de faire cela !

Je tourne un peu la tête pour voir que Rewind nous suit, aussi indigné que nous. Sa sœur commence à se relever peu à peu et il fait de grands enjambées vers nous dans l'espoir, peut-être, de faire changer les choses.

— Votre Altesse Royale, je suis navré mais vous êtes hors-propos, vous ne pouvez intervenir.

Rewind me fixe et s'arrête, l'air béat, estomaqué et je souffle assez fort pour qu'il m'entende :

— Prends soin de Bianca si je ne reviens pas.

Et j'ai l'intime conviction que je ne reviendrai pas. Mon cœur se serre à chaque pas que je fais, Bianca l'a bien dit, je risque la mort. Mon oncle n'hésitera pas une seule seconde à me faire assassiner. Mes parents n'auraient jamais souhaité cela. Mon peuple ne souhaite peut-être pas cela.

On m'escorte alors dans les couloirs et le trajet me paraît long, trop long. Le bruit des grosses bottes des gardes résonnent sur le sol et ils tiennent fermement leurs épées contre eux, la tête relevé, le visage sérieux. J'ignore où je vais, j'ignore ce que je vais faire, j'ignore tout de ma destinée mais je connais la dernière phrase de mon livre.

Je mourrai sans avoir pu contempler les étoiles une dernière fois, je mourrai sans avoir pu dire à Ander combien je l'aime, je mourrai sans me connaître réellement, je mourrai en n'ayant jamais pu dire à Bianca combien elle m'est chère, je mourrai telle la spectatrice de ma propre vie.

Je relève alors la tête lorsque deux immenses portes s'ouvrent. On me tient fermement par les bras et je suis jetée à l'intérieur d'une pièce qui se découvre être la salle de réunion du roi. Celui-ci et sa femme sont postés un peu plus loin, assis sur leurs sièges et Ander ainsi que Sebastien se font face. Le premier tourne la tête lorsqu'il me voit et ne fait rien. Aucun mouvement. Aucun geste. Aucun regard de soutien. Et je redoute le pire.

— Déposez-la ici, annonce le roi en désignant le sol.

Je suis poussée contre le sol et en manque d'équilibre, je tombe à genoux. Je ne me relève pas, je n'ai plus la force de rien, je n'ai même plus le courage de vivre. De voir qu'Ander fait l'impassible me ronge de l'intérieur.

— Sortez.

Les gardes s'en vont et je regarde tour à tour chaque personne qui me fait face. La reine est la seule personne la plus chaleureuse dans cette pièce, la seule personne qui m'apporte un peu de soutien. Sebastien me regarde avec un air moqueur au visage et le roi avec un visage dur.

— Ton oncle vient de m'envoyer une lettre. Il va se déplacer en personne à Lucrenda et veut que ton exécution se déroule en place publique, devant la foule. Comme un grand évènement.

— Je trouve que c'est une excellente idée, rajoute Sebastien.

Je ne dis rien. Les larmes ne tombent pas, elles ont disparu depuis bien longtemps. Mon regard est seulement posé sur Ander, Ander qui m'ignore. Ander qui se gratte nerveusement le poignet, Ander qui remet ses cheveux correctement, Ander qui déglutit.

Il me rend folle.

— Tu as quelque chose à dire pour ta défense ? Ander vient juste de m'annoncer qu'il acceptait de se marier avec Cecilia, n'est-ce pas une bonne idée ?

Un sourire de mépris s'installe sur les lèvres de Sa Majesté. Il a gagné, il veut que je le vois. Il veut me voir pleurer, crier de rage, hurler contre le monde entier. Et je reste silencieuse, je ne dis rien.

— Parle ! s'écrie le roi.

Je relève la tête, mes cheveux tombant lâchement sur ma poitrine. Cette poitrine qui il y a quelques heures à peine était embrassée. Ce corps qui il y a quelques heures se consumait.

Alors je me mets à douter, à croire, à imaginer toutes les théories possibles. Je m'empoisonne les veines avec ce fichu espoir qui me ronge de l'intérieur. L'espoir qu'Ander ait un plan, l'espoir qu'il ne m'ait pas abandonnée, l'espoir qu'il joue actuellement un rôle en ce moment même. Je me mets à espérer parce qu'au final, il ne me reste plus que cela. C'est le seul moyen pour moi de rester en vie, un tant soit peu.

— Je n'ai rien à dire, affirmé-je d'une voix bien distincte. Je suis heureuse pour lui s'il doit épouser Cecilia.

Par cela, je lui dis non seulement que la partie n'est pas terminée mais je serai également toujours là et qu'il ne m'aura pas.

C'est à ce moment qu'Ander relève la tête, me regarde quelques instants et ses yeux parlent pour lui. Il n'a pas besoin d'exprimer un mot, une phrase ou même de m'expliquer, juste à l'expression de son visage, je comprends tout.

Le roi semble un peu confus puis marmonne dans sa barbe avant de hausser les épaules.

— Soit, qu'on la jette en prison. L'exécution est pour demain.

— C'est tout ? s'exclame Sebastien, furieux.

J'éclate de rire et toute la pièce se fige. Ils se tournent vers moi alors que je continue de rire. Que je meurs demain ou plus tard, je m'en fiche, au moins j'aurais pu m'amuser une dernière fois. Bien que cela ne soit pas vraiment de l'amusement. Je relâche la pression, je refuse de pleurer.

— Qu'est-ce que tu veux de plus ? s'agace le roi.

— C'est une traîtresse et elle sera juste tuée demain ? Par quel moyen d'ailleurs ?

— Piqûre, elle est de sang royal. Sa mort doit rester noble peu importe le crime qu'elle a commis.

Sebastien soupire, l'air contrarié. Ander et sa mère échangent un regard et moi, je reste là.

La fin est proche. Je retrouverai bientôt la liberté.






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reeee

j'espère que ce chap vous a plu, comme d'habitude n'hésitez pas à commenter et à voter !

je poserai le prochain un peu plus tard :)

Bizz bizz

💓

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant