Chapitre 8

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Cela doit bien faire quatre jours que je n'ai pas revu le prince Sebastien et j'en suis ravie. Je me porte à merveille sans sa présence, je joue aux échecs avec Bianca, me promène avec Jasper et tout va pour le mieux.

Mon oncle m'a interdit de sortir de la propriété, il a bien trop peur que je magouille un plan dehors pour le faire évincer. J'aimerais bien mais je ne connais personne qui pourrait m'aider. Malgré les quatre jours de pur bonheur, je dois me dépêcher. Nous sommes vendredi soir et j'embarque pour un nouveau pays dans la nuit de samedi à dimanche.

— Tu peux engager un mercenaire pour tuer ton oncle, intervient Jasper.

Je lui fais les gros yeux. Bianca dans la pièce, il ne faut pas qu'il parle de ça. Ma petite sœur nous observe, la tête posée sur ses mains, l'air pensive. Ses longs cheveux blonds lui arrivent à la taille en de merveilleuses ondulations et ses grands yeux bleus ont l'air... perdus. Elle ressemble trait pour trait à notre mère.

On pourrait presque croire que Jasper et elle ont un lien de parenté : même couleur de cheveux, mêmes yeux. Moi, je ne suis qu'une intruse parmi eux. Mes cheveux bruns tombent en cascade dans mon dos tels des baguettes et j'ai plus hérité des traits de mon père que de ma mère.

— On peut aller chercher les papiers qui prouvent qu'il est vraiment roi, intervient Bianca.

— Déjà fait avec Jasper, soupiré-je. Il est vraiment roi.

Jasper, lui, sait quelque chose que Bianca ne sait pas. J'ai trop peur de lui dire et qu'elle aille tout raconter à notre oncle sans mon accord. Allongée dans mon lit aux côtés de mon ami, je fixe mon plafond dans l'espoir que celui-ci me donne une solution peut-être.

— Et si tu te mariais avec Jasper ? Oncle Ednard ne peut pas te forcer à épouser un homme puisque tu es majeure.

— Bianca, quand tu es roi, tu as tous les droits. Il ordonnerait qu'on me tue, je serais pendue dans la seconde.

Bianca ouvre la bouche comme pour protester mais aucun son ne sort.

— C'est injuste... Je n'ai pas envie que tu partes, moi.

— Moi non plus, murmure Jasper.

— Qu'est-ce qu'on peut faire qui soit à notre portée...

— J'ai une idée ! crie Bianca en se levant de la chaise brusquement. On va faire passer des messages anonymes pour informer les gens de ce qu'il se passe ici. On leur dira que tu devais succéder au trône mais oncle Ednard te l'a volé.

Je reste sceptique et Jasper bondit pour taper la main de ma sœur dans la sienne.

— Ils vont nous retrouver, soufflé-je.

Ils ne m'entendent pas. Ils sont bien trop occupés à préparer leur plan sur papier et je n'existe déjà plus. Ce plan va très mal tourner...

— Je reviens.

Pile au moment où je passe la porte de ma chambre, la cloche retentit. Je descends les escaliers à vive allure puis traverse les couloirs telle une panthère. Je tombe nez à nez avec le roi –ou plutôt le prince–.

— Princesse Eileen, dit-il simplement en s'abaissant.

Je lui fais une rapide révérence avant de repartir, ce pour quoi j'étais venue. Je m'apprête à passer la porte du salon quand il me retient :

— Attendez.

Je me retourne en fronçant les sourcils. Quelque chose a changé. Il paraît plus beau. Ses cheveux sont toujours coiffés en arrière à la perfection mais il s'est changé. Il porte une longue veste bleu marine avec une chemise blanche repassée à la perfection. Il porte des genres de chaussures fines avec un pantalon ample et je le trouve très séduisant aujourd'hui.

— Nous partirons demain soir, au plus tard vers dix-neuf heures car le chemin est long pour arriver à Lucrenda. J'espère que vous avez déjà préparé vos affaires ?

Un sourire forcé se dessine sur mes lèvres et je réplique :

— Bien sûr.

Je mens et c'est une évidence. Il a bien évidemment dû le comprendre puisqu'il esquisse un sourire triste.

— Je suis vraiment navré que ce mariage ne vous convienne pas. Si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais déjà annulé depuis longtemps mais c'est une affaire entre mes parents et votre oncle et je n'y peux rien.

Ses paroles me touchent. Elles font vibrer mon petit cœur au fond de ma poitrine.

— Merci.

— Vous pouvez emportez avec vous tout ce qui vous semble nécessaire, reprend-il. Je ne sais pas encore quand vous aurez l'occasion de revenir dans votre pays.

La tristesse reprend place et j'essaie d'arborer un sourire poli mais cela se transforme en énorme échec. J'ignore pourquoi mais j'ai l'impression que je ne reverrai pas Bianca et Jasper avant un long moment... Qui croit en leur plan de diffuser des messages ? En l'espace d'un jour, je ne fonde plus beaucoup d'espoir.

Les larmes pointent au coin de mes yeux et je les essuie rapidement, nerveuse. Le prince m'a déjà vu pleurer, pas question qu'il me voit de nouveau fondre en larmes.

— J'aimerais vraiment vous aider...

Il avance d'un pas pour saisir ma main et caresser du bout des doigts mes phalanges et j'aimerais dire qu'il n'arrive pas à me calmer mais cela serait mentir. Il me procure du bien comme le ferait Jasper ou Bianca. Je lève la tête et mes yeux croisent les siens.

— Tout ira mieux, je vous le promets.

Je hoche la tête comme pour me convaincre moi-même, même si au fond de moi, je reste persuadée du contraire. Ma vie ne pourrait pas être plus chaotique qu'elle ne l'est déjà.

— Je suis désolée, je dois parler à mon oncle.

— Il est en train de remplir les modalités du mariage, il doit être un peu occupé, répond le prince en lâchant la main.

Je reste quelques secondes à fixer le sol, perdue dans mes pensées. J'ai peur que les seules personnes qui ont jamais été ma famille m'abandonnent à tout jamais une fois partie. J'ai peur ne plus rien représenter pour eux si un jour je reviens ici.

J'aurais beau me dire intérieurement que la relation que j'entretiens avec Jasper est exceptionnelle, malgré nos dix ans d'amitié, une fois la distance installée, plus rien ne pourra nous garder liés.

— Il faut que j'y aille.

Je me détourne du prince pour repartir tout droit vers ma chambre, le cœur en miettes.

J'ai peur de finir seule. J'en suis terrifiée.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant