Chapitre 28

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— De quel droit vous permettez-vous de rentrer dans ma demeure ! s'exclame oncle Ednard.

Ander relève la tête tandis que Lord Herndon recule, comme perturbé. Le ton condescendant qu'emploie mon oncle m'horripile. Le prince passe la main dans ses cheveux et reporte son attention sur moi. Ses yeux expriment un sentiment que je n'arrive pas à identifier. Il pivote vers mon oncle et déclare d'un ton glacial :

— Vous trouvez cela normal, vous ? De la frapper jusqu'au sang ?

Et un silence gênant s'installe dans la pièce. Je porte ma main au visage pour la je-ne-sais combientième de fois et découvre qu'en effet, je saigne. Lord Herndon m'aurait frappée aussi violemment que cela ?

Ander s'approche de moi, me tend sa main que j'agrippe fermement et passe un bras autour de ma taille.

— Pour qui vous prenez-vous ? De quel droit oseriez-vous emmener ma nièce loin de sa maison ?

J'en profite et niche ma tête dans son cou légèrement mouillé. Je remarque que ses cheveux sont trempés ainsi que tous ses vêtements et il me suffit de rendre l'oreille pour réaliser qu'il pleut des torrents dehors. Sa main presse mon corps contre le sien et il répond d'une voix toujours aussi massacrante :

— Depuis que je suis le prince du royaume de Lucrenda et par ailleurs son futur époux, je pense avoir tous les droits. Vous en revanche, vous n'en êtes pas moins un vieillard désabusé et inintéressant.

J'ai envie de le serrer dans mes bras pour toujours. De rester là, ses mains encerclant ma taille, son odeur flottante jusqu'à mes narines. J'ai peur qu'il disparaisse et qu'au final, tout ne soit qu'un rêve. Peut-être que le coup sur ma tête m'a fait voir une autre réalité, celle que je désirerais être réelle.

Non, ce n'est pas possible. La peau d'Ander est aussi froide et douce que d'ordinaire et lorsqu'il m'emmène en-dehors de la pièce, je comprends que je ne rêve pas. Je jette un dernier coup d'œil derrière moi et j'apercevrais presque la mâchoire tombante d'oncle Ednard. Lord Herndon ne comprend rien et je doute que ses capacités intellectuelles lui permettent de comprendre quoique ce soit de toute manière.

Bianca nous suit de près alors que nous sortons dehors sous la pluie battante. Il a beau pleuvoir, il fait assez chaud, même lourd je dirais.

Bianca se tourne vers moi, les mains sur les hanches, désignant Ander d'un coup de tête :

— Tu m'expliques ?

En quelques secondes à peine nous sommes trempées et je suis certaine que le peu de mascara que j'ai appliqué a déjà coulé. Ma robe me paraît plus lourde et Ander reste près de moi, l'air préoccupé.

— Je croyais que tu étais censée épouser le roi ! Et pas besoin d'être aveugle pour voir que cet homme n'est pas le même qu'il y a une semaine et demi.

Je soupire. J'aurais dû lui dire dès le début, j'ai commis une erreur. J'ai osé tout raconter à Jasper et même pas à ma sœur.

— Écoute, Bianca...

Le problème avec ma petite sœur, c'est qu'elle est très rancunière, même trop. Alors pour qu'elle me pardonne, il faudra attendre des décennies.

Ander intervient pour couper court à la polémique :

— Écoutez, on devrait peut-être se mettre à l'abri parce qu'auquel cas vous n'auriez toutes les deux pas remarqué, il pleut.

Je le dévisage en fonçant les sourcils.

— Cette intervention était inutile, remarqué-je.

Et il me fusille du regard.

— Je ne viens pas avec vous, marmonne Bianca. Je repars à l'intérieur.

— Il n'en est pas question ! m'exclamé-je en lui attrapant vivement le bras. Si tu retournes à l'intérieur, je ne pourrais plus rien pour toi. J'ai conscience de t'avoir menti mais mets ta rancœur de côté, Bianca.

Mes propos semblent convaincants puisqu'elle se résigne à nous suivre, tout en tirant la tronche. Enfin, je suis Ander qui se dirige tout droit vers le chemin qui est maintenant boueux. Super. J'avance un peu plus et me poste à ses côtés.

— Comment m'avez-vous trouvée ?

Il hausse les épaules, nonchalant.

— J'ai passé un coup de fil aux employés des écoles et ils n'avaient mystérieusement pas eu don de votre agréable présence.

Sa voix est emplie de sarcasmes et il me lance un regard.

— Il n'a pas été difficile de savoir exactement où vous vous trouviez.

Je relève la tête. Une voiture noire est garée un peu plus loin et je remercie Dieu intérieurement. Heureusement qu'il n'est pas venu en cheval ici. Bianca nous dépasse pour rentrer directement dans la limousine et j'attrape le bras d'Ander avant que nous rentrions. Quelques mètres en retrait derrière la voiture, je demande :

— Pourquoi êtes-vous venu ? Vous saviez bien que je serais avec Sebastien.

— J'étais venu vous sermonner, avoue-t-il, et vous ramener à Lucrenda. Et puis, Sebastien n'est pas là finalement.

Quelques secondes s'écoulent pendant lesquelles nous nous fixons dans le blanc des yeux. Lui, voulant se montrer inatteignable comme à son habitude et moi, reconnaissante de tout ce qu'il a fait pour moi.

— Je ne suis pas idiot, tu sais, souffle-t-il d'un ton bas.

Et sa voix me fend cœur.

— Je sais que tu es venue ici dans l'idée d'interrompre ce mariage.

Je ne réponds pas. Il détourne les yeux comme si je le blessais par mon silence. J'ai envie de le serrer dans mes bras, de lui dire que je suis désolée et que nous pourrions peut-être tous les deux faire des efforts, qu'il y a un espoir pour nous.

Mais ses yeux reviennent sur moi et il ajoute :

— J'annulerai le mariage si cela te tient à cœur. Je convaincrai mon père par une quelconque manière et tu seras libre d'épouser qui tu veux. Sebastien, si cela te chante.

Et il se détourne pour rentrer dans la voiture. Je sens qu'il est blessé, et j'ai l'impression de l'avoir encore plus brisé qu'il ne semble déjà l'être. Mon cœur me hurle d'aller lui crier que non, je ne veux rien annuler mais mon cerveau me ramène sur terre. Je peux trouver mieux. Je ne pourrai jamais trouver mieux. Je n'ai jamais voulu ce mariage initialement. Mais les choses ont changé. Ander s'est toujours montré méchant avec moi. Mais il est différent, il l'est vraiment ! C'est un combat perpétuel entre les deux. J'ai l'impression que je n'arriverai jamais à exprimer clairement ce que je veux. C'est une guerre sans fin et j'ignore si un jour les deux arriveront à se compléter.

Pour le moment, mon cœur bat en retraite.



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Hey hey!

J'espère que vous allez bien ? Et que ce chapitre vous a plu surtout :)

J'avais pensé essayer de soigner un peu plus la présentation de mes chapitres (genre mettre des bannières, des musiques etc...) mais du coup ça me prendrait + de temps et les chapitres ne sortiraient pas aussi rapidement. Je pense soigner tout ça une fois l'histoire terminée.

En attendant, n'hésitez pas à commenter, voter etc. Le prochain chap sortira aujourd'hui, je pense en sortir pas mal vu que j'ai du temps devant moi ^^

Avec les jours de cours par contre, je m'en tiendrai à au moins un chapitre par jour voire 2 mais pas sûr, ça dépend vraiment de si j'arrive à avancer :)

En tout cas, on se retrouve tout à l'heure pour la suite !

Bizz

💓

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant