Leur plan n'a pas marché. Comment je le sais ? Car je suis à présent en train de faire mes valises, sûre et certaine de mon départ. Jasper et Bianca me fixent, le regard empli de désespoir.
— Il doit y avoir une solution.
Je suis furieuse. Furieuse contre moi-même, contre mon oncle et contre le monde entier. Pourquoi cela devrait-il m'arriver ? Pourquoi n'ai-je pas le droit d'avoir une vie simple et banale ?
Parce que tu es une princesse. La vie d'une princesse n'est jamais simple.
— Il est exactement dix-sept heures trente, j'embarque dans plus d'une heure pour un autre pays et d'ici six deux heures de train, je serai à plus de deux mille kilomètres de vous. Vous croyez vraiment qu'il y a une solution pour me sortir de là ?
Le tonnerre gronde sur mes propos. Je tente de rester calme, en vain. C'est la rage au ventre et les poumons compressés par la douleur que je jette mes vêtements en boule dans ma valise. Peut-être que ça fera un gros tas et que je serai obligée de transporter cinq valises, mais au moins, j'ennuierais bien celui qui portera mes affaires !
— Fugons ! s'emporte Jasper.
— La fugue est la dernière solution que j'envisagerais. Je préfère à la limite du limite épouser un inconnu que mourir pendue.
— L'autre fois, tu as dit que tu... commence Bianca en levant l'index.
— Oui, bon ce n'est pas pareil aussi, grommelé-je.
Je boucle ma seconde valise, toujours aussi frustrée. Je m'apprête à entamer la troisième quand Bianca râle.
— Tu aurais pu tout mettre en deux valises maximum ! Laisse-moi faire.
Elle tire les valises jusqu'à elle puis sort tous les vêtements que j'avais jeté sous mon regard horrifié.
— Tu es en train de tout mettre en désordre !
— Bien sûr que non, je suis en train de ranger ! Tu ne sais même pas plier des vêtements.
J'avoue que le rangement, ce n'est pas trop ma tasse de thé. Jasper nous regarde tour à tour, amusé. Ma petite sœur entreprend alors de plier un à un chaque vêtements pour former de belles piles. Si je ne connaissais pas la destination –ou bien si c'était une destination qui me ferait plaisir–, j'aurais hâte de partir.
Bianca boucle alors la première valise en mettant la moitié de la seconde à l'intérieur et esquisse un sourire satisfait. Ses yeux commencent à briller lorsqu'elle range tout le contenu de la deuxième et Jasper se lève du lit pour aller regarder dehors.
— Le portail est ouvert, je crois que la limousine est déjà là.
— Quand le roi va te voir débarquer avec deux valises, il va être surpris. Il doit sûrement penser que tu en prendrais plus !
J'arrive à lire dans les yeux de Bianca une certaine excitation. Elle a l'air heureuse, heureuse de me voir prendre un nouveau départ, heureuse de me voir prendre une grande destinée. Je la comprends, elle aimerait être à ma place, épouser un roi et devenir reine, c'est ce qu'elle aimerait au plus profond de son cœur.
— Fini !
J'essaie de sourire mais c'est raté, encore une fois.
— Je vais descendre tes valises, intervient Jasper.
— On va t'aider.
J'attrape mon sac à dos que je glisse sur mon épaule puis une de mes valises. Jasper prend la plus grosse et Bianca nous suit en prenant mon autre sac à dos. Nous descendons les escaliers et mon regard s'attarde un peu trop longtemps sur le portrait de mes parents accroché devant la rampe d'escalier de l'autre côté du mur.
Ils ne représentent plus rien désormais.
Je continue de descendre les marches jusqu'à rejoindre l'entrée principale. Je dépose mon sac à dos contre le mur, suivie de ma valise. Jasper et Bianca m'imitent puis reculent.
— Vous auriez pu m'appeler, princesse, je vous aurais aidé, lance une voix derrière nous.
Je me retourne en sursautant. Le prince Sebastien nous fait face, le regard rivé sur Jasper. Ce dernier ne sait pas trop comment se comporter et Bianca le tire par la manche pour l'inviter à faire une révérence.
— Votre Majesté, déclare Bianca avec un sourire timide.
Le prince reste totalement neutre face à ce terme qui ne le désigne même pas et prend doucement la main de ma sœur pour la baiser.
— Je suis ravie de faire votre connaissance, princesse Bianca.
Il ne prend même pas la peine de nous appeler avec le nom qu'il devrait, c'est-à-dire "Votre Altesse Royale". Mais bon, je suppose qu'en temps que pseudo-roi, il peut tout se permettre.
— Et vous êtes ? il se tourne vers mon ami.
— Jasper.
Pas de nom, Jasper, tu commences mal. Les deux se regardent mutuellement, l'un d'un regard aimable, l'autre le fusillant littéralement sur place. Et si le prince comprenait que j'avais tout raconté à mon meilleur ami ? Il ne semble pas le moins dérangé par l'attitude de Jasper et lui offre un sourire chaleureux.
— Ravi également, Jasper.
— De même, Votre Majesté, reprend-il en essayant de se contenir.
— Êtes-vous prête, Eileen ?
Je fais non de la tête et c'est vrai, je ne suis pas prête. Il hoche la tête puis regarde tout à tour Bianca et Jasper.
— Bien, je vais vous laisser faire vos adieux.
Il s'éloigne et change de pièce, me laissant seule avec eux. Bianca se tourne vers moi, des étincelles dans les yeux.
— Il est canon ! Et dire que tu vas l'épouser...
Ce n'est même pas lui que je vais épouser, mais cela, elle l'ignore...
Je lève les yeux au ciel avant de me diriger vers la porte. Je l'ouvre en grand et vois qu'il pleut des trombes d'eau. Bianca se rue vers moi et me sert alors dans ses bras.
— Tu vas tellement me manquer, Eileen.
— Toi aussi, petite sœur, soufflé-je, le cœur serré.
Les larmes me montent aux yeux mais je les ignore et me reprends. Il faut que j'arrête de pleurer, ni le prince, ni sa famille, ni mon oncle ne méritent mes larmes. Je sens Jasper derrière moi poser sa main sur mon épaule.
— Je vous promets que je reviendrai. J'espère, le plus tôt possible.
J'ai beau faire une promesse, je suis terrifiée de ne, peut-être, jamais la tenir...
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𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 1
RomanceDans un monde où l'amour ne se choisit pas, où les décisions ne vous appartiennent pas et où les choses vous sont imposées vit Eileen De Montancourt. Princesse depuis sa naissance, du haut de ses dix-neuf ans, la jeune femme est destinée à succéder...