CHAPITRE 01

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LOLITA.


« Regarde comment la douleur n'existe pas dans le ciel. »

Je vois cette larme perler sur ma joue quand je me répète cette phrase que  me répétait mon frère Federico quand tout semblait insurmontable.

Du revers de la main, j'essuie cette petite goutte de souffrance comme si elle n'avait jamais existé.

Comme si rien ne s'était passé.

Comme si je ne sentais plus ses mains sur mon corps ou son haleine chaude contre mon oreille. Le goût de la trahison sur ma langue.

La douleur. La colère. Le désespoir.

Ce soir, je m'envolerais comme si je n'avais pas glissé ce poison dans son verre. Mon cœur tambourine douloureusement dans ma poitrine, une partie de moi est rongé par le regret et l'autre ressent une satisfaction presque sadique de savoir qu'il ne recommencera plus jamais.

Ma tante, Esmeralda ignorait tout, des mots pervers que son mari proférait à mon égard, aux attouchements qu'il m'infligeait quand elle partait au travail. Elle ne pouvait pas voir ma peau virer au bleu, ou voir mes yeux rougis par les  larmes.  Ma tante ne pouvait pas savoir que son mari était un monstre avec moi.

Je me répète en boucle que je ne suis pas coupable de ce qui s'est passé.  Il est le seul et unique coupable de la situation dans laquelle il nous a plongé. En rendant ma vie misérable et en mettant un terme à la sienne.

Le verre devait bien déborder un jour, après tant d'années, je suis arrivée à saturation, à un point de non retour où désormais je ne suis rien d'autre qu'une meurtrière. Un peu d'arsenic dans son verre et je sais qu'il ne me touchera plus jamais.

Je passe ma paume tremblante sur mon visage qui devient de plus en plus humide à cause de mes pleurs qui s'intensifient, tout mon corps est prit de spasmes, une envie de vomir me prend à mesure que je prends conscience de mon acte.

Mon Dieu, qu'est ce que j'ai fait ?

Je me lève brusquement et commence à faire les cent pas dans ma chambre, les murs semblent se rapprocher de moi, je me sens prisonnière de mon propre corps et je commence à suffoquer, au point où je tire le col de mon pyjama qui commence à m'étrangler.

J'ai besoin d'air.

Sans hésitation mes pas me mènent à la fenêtre que je fais coulisser. J'ai l'habitude de partir en douce en pleine nuit, pour fuir Ricardo qui s'invite dans mon lit au beau milieu de la nuit quand Esmeralda dors profondément.

Mais c'est finit maintenant.

J'attrape un sweat à capuche, enfile mes converses et il ne m'en faudra pas plus pour partir d'ici.

Mon corps passe par la fenêtre sans difficulté, je me retrouve sur le toit et ressens l'air frais pénétrer mes poumons instantanément. Le sol est à seulement deux mètres de hauteur, alors de mes paumes contre le rebord de la fenêtre je soulève mes hanches et la seconde suivante mes pieds touchent le sol. Je rabats ma capuche sur ma tête, je traîne mes converses sur la pelouse fraîchement tondu par ma tante, un vague souvenir de nous deux jardinant au fond du jardin me revient subitement.

Mon ventre se resserre, c'était il y a longtemps...

Bien longtemps avant que Ricardo ne débarque dans nos vies et n'y impose ses lois. Bien avant qu'il ne batte Esmeralda et qu'il se pense en droit de souiller mon corps. Je relève les yeux après avoir passé une bonne minute à fixer mes pieds traîner contre le goudron. Le centre ville est à seulement deux pâtés de maison et je peux d'ors et déjà entendre la musique festive résonner à travers les rues. Tijuana n'est pas une ville sûre, c'est de la folie pure que de s'amuser à traîner dans les rues au beau milieu de la nuit.

LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant