CHAPITRE 38 :

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LOLITA



C'est comme si j'étais de retour à la case départ.

Quand nous avons franchit la porte de la propriété de Tijuana, là où tout a commencé, c'était comme si nous étions revenus à la case départ.

Tout le monde est à fleur de peau après ce qui s'est passé cette nuit, après ce qui est arrivé à Karina...

Je n'arrive pas à croire que tout ait basculé aussi vite, hier encore Karina et Juan nous annoncait la promesse d'un futur heureux.

Mais dans ce monde, tout ne bascule t'il pas toujours ?

L'avenir n'est il pas censé demeuré toujours incertain ?

Mon cœur se serre, peut être que nous espérons tous secrètement que les choses pourraient changer un jour, que nous aussi nous aurions droit à notre paix.

C'est ce que Juan a dû croire jusqu'à cette nuit. Des cognements retentissent contre la porte, me sortant de mes pensées obscures. Je déglutis avant de me diriger vers la porte de ce qui avait l'habitude d'être ma chambre autrefois. Ma main sur la poignée, j'ouvre la porte, Diego se tient dans l'encadrement, l'expression qu'arbore son visage n'affiche rien de bon.

J'ouvre grand la porte pour le laisser entrer, Diego s'assoit sur le bord du lit, les mains entrelacées entre ses cuisses.

— Il faut qu'on parle. M'annonce t'il d'un ton grave.
Instinctivement, mon rythme cardiaque s'intensifie mais j'opine avant de prendre place à côté de lui.

— Je t'écoute.

Il relève la tête pour plonger ses yeux dans les miens, je sens ses doigts chauds s'enrouler autour des miens.

Son regard est lourd de sens, et le silence est bourré de non dits. Il n'a pas besoin d'ouvrir la bouche pour prononcer ces mots.

Je sais déjà.

— Federico...tu vas le tuer, c'est ça ?

Diego baisse les yeux comme unique réponse. Je mords l'intérieur de ma joue jusqu'à sentir le goût métallique se déposer sur ma langue. Je délie nos doigts avant de me lever et de me diriger à la fenêtre, les bras croisés sur ma poitrine.

— Tu ne dis rien ? Prononce Diego dans mon dos.

— Qu'est ce que tu veux que je dise ?

— « Non, ne tue pas mon frère. » Un truc dans le genre.

Je soupire, puis me tourne pour le regarder.

— Est ce que ça changerait quelque chose ? Où c'est simplement pour ta bonne conscience que tu me poses la question ?

— Je n'ai pas de bonne conscience Lolita, je ne peux plus continuer comme ça. Federico doit payer pour tout ce qu'il a fait.

— Mais c'est mon frère Diego !

Ma voix se brise, au fond je savais que ce jour arriverait. Je savais que mon frère finirait par franchir la limite de la patience de Diego, et j'ai aussi conscience que si pendant tout ce temps Diego n'a pas agit, c'est pour moi.

Federico ne s'arrêtera pas avant d'avoir anéanti Diego. Je souffre de cette situation, mais je ne suis pas la seule à souffrir dans cette histoire. Des gens sont morts, Juan a perdu la femme qu'il aimait, tout ça par ma faute.

— Tout est à cause de moi.

Diego soupire longuement avant d'avancer vers moi, sa main caresse ma joue, puis cale ma tête contre son torse dans une longue étreinte réconfortante.

— Rien de tout ça n'est de ta faute, tu es juste née dans le mauvais monde.

Née dans le mauvais monde...

Dans ses bras je trouve le réconfort nécessaire pour apaiser la douleur qui assiège mon cœur, et je réalise qu'aujourd'hui la pire chose qui pourrait m'arriver, c'est de le perdre.

— Tout va bien se passer, je te le promets. Chuchote t'il contre mon crâne.

Je hoche la tête, puis de nouveaux cognements retentissent contre la porte, coupant court à notre étreinte.

— Ouais ! S'écrit Diego alors que je m'éloigne de lui.
La porte s'ouvre sur un de ces hommes, les autres nous ont rejoins ce matin.

— Chef, il y a un colis suspect devant l'entrée.

— Qui l'a déposé ? Demande Diego sèchement.

— Un gamin. Rétorque l'homme debout dans l'encadrement de la porte.

Diego quitte la pièce, je le suis de près jusqu'à l'extérieur où plusieurs hommes armés sont déjà.

— C'est encore un coup de Federico tu crois ? Lui demande Juan en arrivant.

— Sûrement, ce salopard ne veut plus me lâcher.

Debout devant la boîte en carton, Diego ordonne à l'un des hommes de l'ouvrir.

— Et si c'est une bombe ? S'inquiète Juan.

— Alors j'espère que vous courrez vite.

L'homme sort une lame de cutter avant de trancher d'un coup sec le scotch qui reliait les deux parties du colis. Mon cœur bat vite, je retiens mon souffle quand la boîte en carton est ouverte.

La scène d'horreur qui se dessine sous mes yeux provoque une remontée d'acide dans ma trachée. Figée, je parviens juste à détourner mon regard sur Diego, le dégout se dessine sur ses traits. Je n'ai aucun mot pour décrire ce que je ressens à cet instant.

Ce qui est en train de se passer est indescriptible.

Le cri de douleur de Juan perce le silence de la bulle insonorisée dans laquelle j'étais plongée.

Il tombe, les genoux contre le sol face à cette boîte où repose la tête décapitée de Karina. Ses yeux sont encore ouverts, révulsés dans ces orbites, témoignant de la peur qu'elle a ressenti avant de mourir. Mon sang se glace, puis mon regard croise celui de Diego.

Karina n'est pas morte dans l'incendie cette nuit, Federico l'a enlevée pour la tuer, pour faire passer un message.

Nous avertir que nous sommes les prochains.

— Fais ce que tu as à faire. Je prononce à Diego avant de m'éloigner.


***


Assise sur le fauteuil du salon, j'écoute d'une oreille le plan que les garçons mettent en place pour mettre la main sur mon frère. Ils sont tous autour d'une grande table, la voix masculine de Diego s'infiltre sous ma peau, dictant les directives à suivre pour l'attaque
qu'ils prévoient.

Mes yeux fixent l'extérieur à travers la grande baie vitrée, le temps est brumeux et terne, à l'image de mon humeur maussade. Un mélange de colère et de tristesse intense submerge toute ma personne. Je ne sais même pas si je dois détester mon frère ou continuer à le défendre malgré tout. Je suis tellement, tellement en colère après lui, après tout ce qu'il a fait à Diego et aux autres.

Après tout ce qu'il m'a fait à moi. Mais je me déteste plus encore de ne pas réussir à complètement le hair.

Mon regard s'entête dans leur direction quand Diego prononce en pointant du doigts trois points sur une grande carte :

— Nous allons attaquer ces trois entrepôts qu'il à ici.

On se séparera en quatre groupes, le dernier attaquera sa propriété, apparemment il y habite encore.

— Il ignore qu'on sait où il habite ? L'interroge Fabio, les bras croisés contre son torse.

— Ouais, il l'ignore, avec un peu de chance il verra pas le coup venir.

— C'est moi qui le tuerais ce fils de pute. Ajoute Juan d'un ton tranchant.

Ses yeux se posent sur moi, il articule :

— Désolé princesse.

Je hausse les épaules, un flashback de la tête de Karina dans cette boîte me revient en tête et mon sang se glace dans mes veines, je ne peux pas lui en vouloir de vouloir se venger.

Aujourd'hui, je contemple celle que je suis devenue auprès de Diego Santos. Aujourd'hui je vois de quel côté j'ai finis par me placer.

Au final, suis je la méchante ? Suis-je du mauvais côté de l'histoire ? Abandonner ma dernière famille aux griffes de Diego fait il de moi une traître.

Oui, sûrement.

Je sens une larme silencieuse dévaler ma joue, les derniers mots que mon frère m'a lancé à la figure me reviennent en mémoire, puis je réalise que je dois accepter que mon frère a lui même décidé de se placer de ce côté. Contre moi.

Contre ceux qui l'ont un jour aimé. Contre ceux qui auraient un jour pu mourir pour lui. Aujourd'hui je dois accepter, que mon grand frère n'est plus le garçon qu'il était.

Je dois accepter qu'il est devenu un homme, et le méchant de mon histoire.

LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant