CHAPITRE 59

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                                  DIEGO

L'air frais matinal souffle sur mon visage, l'aurore illumine le ciel après une longue nuit où la soirée d'hier n'a pas arrêté de tourner en boucle dans ma tête. Je souffle un dernier nuage de fumée avant d'écraser le mégot de ma cigarette sous ma semelle.

A l'intérieur, l'ambiance est maussade et silencieuse. Personne n'a réussi à dormir, ne pas savoir si Juan va s'en sortir nous empêche de faire quoi que ce soit. Et c'est bien la première fois que ça arrive.

Mes pas me mènent jusqu'à la chambre au rez-de-chaussée, là où se trouve Juan. Le docteur a fait de son mieux pour contrôler l'hémorragie, mais rien ne nous garantit qu'il se réveillera.

La porte grince sous son mouvement, et le visage de Lolita m'apparaît lorsqu'elle relève les yeux sur moi. Elle est restée là toute la nuit elle aussi, à son chevet, silencieuse, à lui serrer la main pour lui montrer sa présence. C'est ce que j'aime chez elle, sa loyauté et son humanité.

Les cernes qui creusent ses yeux m'indiquent qu'elle n'a pas non plus fermé l'œil de la nuit. Je m'approche et m'assoit sur la chaise à côté de la sienne, sans un mot.

Les bip sonores du monitoring perce le silence, mon regard se pose sur elle, j'aimerais tellement la prendre dans mes bras, parce que je vois à la façon dont ses lèvres se plissent qu'elle se retient de pleurer.

Si elle ne m'avait pas autant détesté, elle se serait sûrement laissé aller contre mon épaule, j'aurais passé ma main dans ses cheveux en lui murmurant que ça va aller.

— Je n'aurais pas dû te forcer à revenir. lâché-je, brisant ainsi le silence.

Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ça, et elle semble aussi surprise que moi car elle me dévisage avec interrogation.

— Pourquoi tu dis ça ? rétorque-t-elle d'une voix faible.

— Parce que tu mérites d'être heureuse, et de vivre loin de tout ça. Je crois que je n'arrivais pas à accepter que tu puisses être heureuse sans moi. Je pensais que je pourrais changer et changer ce monde pour qu'il cesse de nous détruire, mais je ne peux pas.

Ses lèvres s'entrouvrent, mais finalement elle reporte son regard sur Juan. Il est le parfait exemple pour montrer qu'il faut être sacrément chanceux pour sortir vivant de cet enfer, et de connaître un jour le bonheur.

Et je ne vois pas comment nous pourrions être une exception.

— Je suis née dans le mauvais monde, c'est toi qui me l'a dit. Je suis mêlée à tout ça depuis que je suis née, on ne peut pas échapper à son destin.

Je ne sais pas qui elle veut convaincre entre elle et moi. Cette connerie que j'ai dit il y a des mois, je ne le pensais même pas. Parce que si j'avais voulue, je l'aurais envoyé dans un avion loin d'ici afin qu'elle vive la vie qu'elle mérite vraiment.

— Moi je crois que si, si on écoutait notre raison plutôt que notre coeur on serait bien plus heureux.

Lolita reste muette pendant un moment, l'air pensive. Je me demande à quoi elle pense, si elle se demande si elle ne devrait pas écouter sa raison, prendre ses jambes à son cou et s'enfuir loin de moi à tout jamais.

— Qu'est ce qu'ils te disent ? Ton cœur et ta raison ? répond t-elle finalement.

Nous échangeons un regard, je sais qu'elle croit m'avoir posé une question piège, mais je compte bien être honnête avec elle.

— Mon cœur me dit de me battre pour toi, et ma raison me dit de te laisser t'en aller.

— Pourquoi ?

— Parce que deux personnes brisées ne peuvent pas se guérir.

Elle baisse les yeux avant de me tourner le dos, elle prétend me haïr, mais la vérité c'est qu'elle m'aime assez pour rester dans cette maison, pour se battre pour ce cartel. Même si elle prétendait rester pour se venger de moi, je sais pertinemment qu'il n'en ai rien.

Lolita reste Lolita, loyale et humaine malgré l'enfer qui l'entoure.

Et c'est pour cette raison que je suis inconditionnellement et follement amoureux d'elle.

— Mais tu t'en fiche, tout ce que tu veux, c'est te venger.

— Oui, je veux me venger. Mais j'ai décidé que je ne me rabaisserais pas à ton niveau, je veux juste que tu t'endormes le soir en te demandant comment auraient été nos vies si tu avais tenu tes promesses. Je veux que tu me vois chaque jour et que tu réalises que je ne t'appartiendrais plus jamais.

Je secoue la tête, elle vient de comprendre que la voir me rendrait plus malheureux que si je ne la voyais plus jamais. Au fond d'elle, elle sait que je l'aime et qu'il y avait une part de vérité dans ce que je disais. Et que son bonheur loin de moi me rendrait plus heureux que son malheur à mes côtés.

Alors elle a choisi de rester, et de souffrir.

— Et quand est-ce que ça se terminera ? lui demandé-je alors qu'elle enroule une mèche de ses cheveux autour de son index.

— Quand j'aurais estimé que tu auras autant souffert que moi, mais tu sais ce qui me rend le plus triste ?

— Dis moi.

— Malgré tout, pour rien au monde je voudrais que tu ressentes ce que j'ai ressenti, la douleur à l'intérieur de ton corps qui te pousse à croire qu'il n'y a qu'en mourant que ça s'arrêtera.

Ma gorge se serre, imaginer que j'ai pu être la cause de sa souffrance m'est inconcevable, pourtant c'est la réalité.

Je ne veux même pas qu'elle me pardonne, je veux juste qu'elle soit heureuse, avec ou sans moi. 

La sonnerie de son téléphone retentit, Lolita consulte l'écran en veillant bien à ce que je ne regarde pas. Son expression change instantanément, puis elle range son téléphone dans sa poche comme si de rien n'était.

— C'était qui ? je l'interroge, les sourcils froncés.

— Je crois que ça ne te regarde plus.

Elle plisse les lèvres l'air désolé mais pas trop pour me dire d'aller me faire foutre, je hoche la tête, malgré le fait que ça me brûle les couilles d'imaginer qu'un type lui ait envoyé un message.

Et si elle voyait quelqu'un d'autre ?

Il faudrait que je demande à Teresa si Lolita a rencontré un mec dans ce bar pourri.

Je me lève, Carlos m'attends pour un débriefing de la soirée de merde d'hier. Lolita me regarde, je me retiens de lui demander si ça l'ennuie que je m'en aille, mais j'imagine déjà la pique acide qu'elle me rétorquerait.

Il faut croire que l'élève a dépassé le maître.

Je sors de la pièce et rejoint Carlos qui doit sûrement m'attendre dans mon bureau depuis au moins vingt bonnes minutes.

— Merde, elle était longue ta clope. lance t'il lorsque je pénètre à l'intérieur.

Je ricane avant de m'asseoir sur le fauteuil face à lui, j'allonge mes bras le long des accoudoirs, attendant qu'il me pose la fameuse question :

— Alors, qu'est ce que tu comptes faire ?

— Je ferais la guerre s' il le faut, mais ils n'auront pas un pesos de moi.

— Je crois qu'on devrait mettre la main sur cette clé usb, elle nous apportera les réponses dont on a besoin. Lolita pourrait-

— Je ne veux plus la mêler à tout ça, le coupé-je. On récupérera cette clé sans elle.

— T'es sûr ? Elle aurait pu aller chez Guzman et lui voler en douce. propose t'il.

— Il l'a reconnu au gala, il sait qu'elle est avec moi.

Et je laisserais jamais ma Lolita allez chez un mec, putain.

— On trouvera une solution.

Comme on l'a toujours fait.

LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant