Lolita

CHAPITRE 64

                                   LOLITA

J'ai longuement détesté ce que mon corps ressentait. Cette douleur irrépressible qui pesait dans ma poitrine, cette colère qui serrait ma gorge. Cette vie qui anéantissait mon âme.

Ces pensées incessantes, obscures et mauvaises, qui reflétaient une vie maussade et pleine de regrets.

Mon cerveau et mon corps n'étaient pas en accord, quand ma conscience répétait sans cesse de ne pas lâcher, mon corps lui menaçait de s'écrouler quand, chaque fois que j'avançais le sol s'écroulait sous mes pieds.

Je ne sais pas si j'arriverais un jour à me remettre de tout ce que j'ai perdu. Esmeralda me disait souvent que le temps ne guérit pas les blessures, il laisse des cicatrices, mais on finit par apprendre à vivre avec.

Mais comment vivre alors que j'ai l'impression de m'être perdu moi aussi ?

— Frappe, de toutes tes forces.

La voix de Juan me sort de mes pensées. J'encre mon regard dans le sien avant d'abattre mon poing dans sa paume.

— C'est pas toute ta force ça. lâche t'il en inclinant la tête.

— Je n'ai plus de force.

Dans tous les sens du terme.

— Si, bien sûr que si. Sinon tu serais restée dans ton lit.

— Je te rappelle que tu m'as pas vraiment laissé le choix.

— Parce que je sais que t'en ai capable, dans ma tête t'es le genre de fille invincible. Et je sais que j'ai raison.

Je secoue la tête, Juan a tort, je ne suis pas invincible, je me dégrade de jour en jour. Je finis par retirer mes gants de boxe et me dirige vers le filet du ring où traîne ma bouteille d'eau. J'apporte le goulot à mes lèvres et boit plusieurs gorgées.

— Je peux te poser une question ? prononcé-je en essuyant mes lèvres.

— Bien sûr, dis moi.

Juan avance jusqu'à moi et s'adosse contre le filet.

— Pourquoi est ce que tu as choisi de vivre ainsi ?

Il semble légèrement décontenancé par ma question, sans doute qu'il n'a jamais vraiment réfléchi à ça.

— Je crois...ouais, je crois que je n'avais pas le choix. finit-il par souffler.

— Comment ça ?

Il prend une profonde inspiration avant de me raconter :

— J'ai une mère, elle...s'appelle Nadia, elle est vraiment géniale.

Un sourire innocent et enfantin se dessine sur ses lèvres, ce qui provoque aussitôt le mien.

— Comme toi, elle a vécu des choses terribles, mais elle a toujours su rester très forte pour moi. Mon père est parti quand j'étais très jeune et ma mère cumulait les taffes pour subvenir à nos besoins mais c'était jamais assez. Alors quand j'avais 14 ans j'ai commencé à vendre un peu de beuh et je me suis laissé entraîner dans cette spirale infernale. Aujourd'hui j'en suis là.

— Et ta mère, elle en pense quoi ?

— Elle est déçue de moi, mais je crois que ce qui la rend triste c'est de savoir que j'ai fait tout ça pour elle.

— Tu es quelqu'un de bien Juan, j'espère que tu le sais.

Juan me gratifie d'un sourire avant de serrer ma main dans la sienne.