Lolita

CHAPITRE 27

LOLITA

Toute ma vie j'ai eu ce sentiment d'être invisible, transparente, ou bien d'être qu'une simple coquille vide aux yeux des autres. J'étais le souffre douleur, celle qu'on hésitait pas à rabaisser, celle à qui on coupait la parole, qu'on écoutait jamais.

Je me suis toujours aimé, mais c'était comme si le monde autour de moi essayait de m'enlever les raisons que j'avais d'aimer la fille que j'étais. Avec le temps, j'en ai eu assez de prouver que j'en valais la peine.

Que j'étais assez.

Mon père, malgré ses défauts, a été le seul à voir qui j'étais, que je n'étais pas qu'un simple corps, qu'une simple enfant avec sa tête d'intello et ses lunettes rondes.

J'étais sa Lolita, son bout d'âme.

Aujourd'hui Diego me rappelle que j'en vaux la peine, finalement, ses yeux océans me contemplent comme si j'étais la plus belle œuvre de cette terre. Il m'écoute comme si ma voix était la plus douce mélodie de l'univers.

Avec lui j'ai l'impression d'être assez. Et mes blessures d'enfants ce cicatrisent lentement.

Aujourd'hui il pleut à torrent, je suis assise sur un fauteuil près du feu en lisant Autant en emporte le vent, je m'apprête à commencer un nouveau chapitre quand la porte s'ouvre sur les garçons.

   — Lolita, prononce Diego d'un ton sec, viens avec moi.

Il fonce à l'étage sans même m'adresser un regard, j'interroge Juan du regard qui me répond d'un haussement d'épaule. Je ferme le livre avant de le reposer sur le dessus de la cheminée, puis je prends une profonde inspiration avant de monter à l'étage.
Lorsque j'entre dans la chambre, je trouve Diego assis à son bureau, fouillant avec précipitation dans une pile de papier.

     — Qu'est ce qui se passe ? Lui demandé-je en m'approchant.

  — Il faut que tu me fasses confiance sur ce coup là, et ne pose pas de question.

J'hausse les sourcils d'incompréhension, l'agitation dans ses mouvements  font accélérer les battements de mon cœur.

Je le regarde faire sans un mot, jusqu'à ce qu'il sorte une feuille qu'il pose devant moi, avec un stylo.

  — Qu'est ce que c'est ? Je l'interroge en faisant jongler mon regard de lui à ce papier.

  — Signe, s'il te plaît.

  — Tu vas me dire ce qui se passe ? Réitéré-je en croisant mes bras contre ma poitrine.

Diego souffle lourdement, mon cœur se pince quand je comprends que je l'énerve. Il se lève et se place devant la fenêtre, dos à moi.

Je déglutis en lisant les premiers mots de la feuille.

« Contrat de mariage. »

« Lolita Sanchez, Diego Santos. »

    — Depuis quand tu as ça ? Pourquoi tu veux me faire signer ça maintenant ?

   — Je t'ai dis de ne pas poser de questions Lolita, fais ce que je te dis de faire.

Je sens la tension dans sa voix, et aussi comme il se contient de ne pas me crier dessus. Mais ça me vexe quand même.

  — Je ne signerais pas tant que tu ne m'auras pas expliqué Diego, tant pis si ça t'énerve.

Je m'apprête à quitter la chambre, mais sa voix m'arrête.

  — Lolita.

J'encre mon regard dans le sien, il soupire avant de venir s'adosser contre le bord de son bureau, quelque chose le tracasse je le vois bien.

  — Je suis désolé. Dit-il.

  — Calme toi et explique moi, je peux peut être t'aider.

  — Tu me fais confiance hermosa ?

  — Oui...mais-

— Alors signe, s'il te plaît. Me coupe t'il, je ne ferais rien qui puisse te faire du mal tu le sais.

Je capitule, un soupir m'échappe témoignant de mon incompréhension totale de la situation. Tellement de questions traversent mon esprit à cet instant, mais ça ne m'empêche pas d'attraper le stylo qu'il me tend pour autant.

Parce que j'ai confiance en lui, j'ai confiance en sa parole. Je le regarde une dernière fois, dans ses yeux je ne vois que le sérieux qu'il affiche à ses hommes lorsqu'il attend d'eux qu'ils obéissent, et moi, comme eux, je me soumets à sa volonté.

Je signe sur ce contrat de mariage, la boule dans au ventre remontant dans ma gorge. Je lui fais confiance, tenté-je de me rassurer. Mais au fond de moi, je sais que je viens de faire une grosse erreur.

Je repose le stylo avant de me retourner pour partir mais Diego m'agrippe par le bras.

— Merci. Me dit il en hochant la tête en signe de gratitude.

— J'espère que tu ne me le feras pas regretter. Lancé-je dans un ton plein de méfiance.

— J'étais sincère quand j'ai dis que je voulais que tu sois ma femme, n'en doute jamais.

Je déglutis difficilement avant de m'en aller.

Et si il me ment...Dois-je continuer de croire que pour une personne dans ce monde j'en ai un jour valu la peine ?

                                                          ***


Assise sous un ciel noir, mon esprit se torture par toutes ces questions qui demeurent sans réponses. Le regard vers le ciel, tout ce que je vois c'est un ciel éteint, un ciel sans étoile pour l'illuminer.

A vrai dire, je m'en veux de ressentir ce que je ressens, ce doute qui s'imprègne en moi, qui me murmure que j'ai pris la mauvaise décision concernant ce mariage.

Mon cœur me dirait de combattre le monde avec lui, que c'est Diego et moi contre le reste du monde. Mais ma raison me dirait que rien dans cette histoire n'est censée. Son monde n'est pas le mien, il ne m'aidera jamais à guérir de tous ces maux qui me rongent de l'intérieur.

Dois-je choisir mon cœur ou ma raison ?

   — Je te cherchais. Prononce soudainement sa voix dans mon dos.

Diego s'assoit près de moi, sur ce banc devant la propriété donnant vue sur un horizon plongé dans la nuit noire.

Je ne dis pas un mot, je ramène mes jambes contre moi tout en l'ignorant, j'aimerais qu'il comprenne que ce qui s'est passé tout a l'heure m'a vraiment blessée.

— Je suis venue m'excuser. Amorce t'il d'une voix douce.

— C'est pas la peine, j'ai été bête de croire que se serait facile avec toi.

— Comment ça ?

— Diego, tu es chef de cartel, je ne suis rien. Ce n'est pas facile de t'aimer. Et je sais que t'épouser ne sera pas facile non plus, j'ai juste mis du temps à m'en rendre compte.

Son silence me pousse à tourner la tête en sa direction, malgré la nuit je parviens à voir cette lueur dans son regard, comme si il était désolé. Il soupire avant de passer son pouce sur ma joue.

  — Tu as raison, je ne suis pas facile à aimer, mais là ou tu as tords, c'est que tu n'est pas rien Lolita. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivé dans ma vie. Ce ne sera pas facile parfois, mais si tu me donnes ton cœur je te donnerais le mien hermosa.

Mon cœur bat fort, et mes yeux se gorgent de larmes.

Mon cœur n'arrive pas à croire en ces paroles.
La gorge serrée, je rétorque :

  — Ne me trahis pas Diego, je t'en supplie.

Une larme dévale ma joue mais je l'essuie aussitôt du revers de la main.

  Diego hoche la tête avant de prendre ma tête et de la coller contre son torse avant de m'enlacer.

— N'oublie jamais que tout ce que je fais c'est pour toi. Murmure t'il contre mon crâne.

Je pleure des larmes silencieuses contre son cœur, j'acquiesce à contrecœur comme si au fond je savais que même si il m'arrachait le cœur de ses doigts, je l'aimerais toujours.