À l'Escala Christian
Il est 23 heures quand le BlackBerry d'Ana sonne, ce qui nous surprend tous les deux. Elle le prend, regarde l'écran, et paraît surprise. Mon attention s'éveille : qui l'appelle à une heure pareille ? Serait-ce Rodriguez ? Je jette à ma femme un regard impérieux assorti d'un ordre muet. En vain. Elle ne tourne pas la tête dans ma direction.
Question autorité, Grey, tu repasseras...
- Hey, maman, dit-elle en décrochant.
Carla ? Pourquoi téléphoner aussi tard ? Voilà qui ne lui ressemble pas. J'espère qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise nouvelle, Ana n'en a pas besoin - surtout après ce qui vient d'arriver à son père. Merde, Ray est sorti de l'hôpital il y a quelques jours à peine.
- Ray ? Oui, il est rentré à Montesano... Normal que tu n'aies pas pu le trouver à son ancien numéro... Non, il doit juste suivre une rééducation durant quelques mois... Son téléphone portable ? Je ne sais pas...
Je ne sais pourquoi je m'attarde. Je n'ai rien contre Carla Adams, mais ce n'est pas mon genre de femme. Elle est trop exubérante, trop prompte à exprimer ses larmoyantes émotions. Bob Adams est un saint !
Bien, j'ai du travail. Durant le dîner, Welch m'a laissé un message en me demandant de le rappeler. J'ai aussi le dossier de Lincoln à revoir avant demain.
Je n'en ai pas pour longtemps - une petite demi-heure, pas plus.
Ana
***
Il est tard, qui m'appelle ? C'est maman... Oh lala. Elle passe volontiers des heures au téléphone, mais si je ne réponds pas, elle va s'inquiéter.
- Hey, maman, dis-je en forçant un peu mon enthousiasme.
- Bonsoir, chérie, j'espère que je ne dérange pas, comment va ton père ? - Ray ?
- Je l'ai appelé à l'hôpital, son numéro ne répond pas. J'ai insisté mais toujours rien. Le standard m'a dit qu'il était parti. Tu étais au courant ?
- Oui, il est rentré à Montesano.
- Mais ça ne répond pas non plus... Attends, ça me revient à présent. Est-ce qu'il n'a pas récemment changé d'opérateur ?
- Si. Normal que tu n'aies pu le trouver à son ancien numéro.- Tu es sûre qu'il peut vivre seul ? Il n'a plus besoin d'être surveillé ? - Non, il doit juste suivre une rééducation durant quelques mois.
- Tu as son nouveau numéro ?
- Son téléphone portable ? Je ne sais pas...
- C'est sans importance, je dois l'avoir quelque part. Je finirais bien par le retrouver. Ray doit être très heureux d'être rentré chez lui. (Elle glousse.) Je ne sais pas comment tu as obtenu de le faire rester à l'hôpital aussi longtemps.
À l'autre bout du fil, elle continue sur un débit rapide. La ligne grésille, je ne saisis pas tous les mots. - ... espère... va bien. Je soupire.
- Mais oui, maman, il va bien. Pourquoi ne l'appelles-tu pas directement ? - J'ai peur de le déranger s'il se repose, chérie. J'ai préféré t'appeler.
- Ça m'étonnerait beaucoup qu'il continue à dormir autant qu'à l'hôpital, maman. Je t'assure qu'il va très bien. Il est de retour à Montesano. Christian s'est chargé de faire accompagner.
- Tant mieux, tu me rassures. Je ne sais pourquoi, mais au cours des derniers jours, j'ai eu un mauvais pressentiment concernant Ray. Et toi, chérie, tout va bien ?
- Oui...
Je ne dois pas être très convaincante, parce que maman s'écrie d'une voix stridente :
- Ana, que se passe-t-il ? Tu as mal à la tête ? C'est ta commotion ? Tu veux que je vienne ? Tu aurais dû te reposer bien plus longtemps. Je t'avais dit que recommencer à travailler aussi tôt, c'était imprud...
- Maman ! Et si tu me laissais le temps de te répondre ? Je lève les yeux au ciel.
- Désolé, mon chou. Je m'inquiète pour toi. C'est bien normal, tu es mon bébé et je suis loin de toi alors que...
Et bla-bla-bla. J'ai l'habitude de cette logorrhée verbale, je souris tendrement tout en jouant avec mes cheveux.
- Tu disais ? demande enfin ma mère.
- Maman, si je suis fatiguée en ce moment, c'est que je suis enceinte. J'ai des nausées matinales.
Un silence éloquent suit ma déclaration. Un... deux... trois... Je n'ai pas le temps de compter plus loin, Carla pousse un hurlement qui me transperce le tympan. Je grimace et écarte mon BlackBerry de mon oreille. Je crois entendre des sanglots étouffés.
- Maman ? Maman, est-ce que ça va ?
- Chérie, je suis tellement heureuse. Je vais devenir grand-mère... - Oui...
Une fois encore, elle remarque mon hésitation.
- Qu'est-ce que tu as ? Tu voulais ce bébé, non ? Tu es mariée, tu en as les moyens, tu...- Bien sûr, maman, ce bébé est une merveilleuse nouvelle. Christian et moi sommes très heureux. Je jette un petit regard autour de moi, Christian est parti.
- Mais ces malaises le matin, c'est très handicapant. Le docteur ne s'inquiète pas, alors j'imagine qu'il n'y a rien à craindre, mais quand même...
- Je suis désolée, c'est de moi que tu tiens ça. J'ai vécu la même chose avec toi. Mes premiers mois ont été épouvantables. Ton père était si adorable...
Sa voix se casse, comme toujours quand elle évoque mon père biologique. Franklin Aaron Lambert. Je ne l'ai pas connu, il est mort à vingt ans - et le lendemain de ma naissance. Je ne porte même pas son nom puisque Ray m'a adoptée peu après avoir épousé Carla.
- Maman, dis-je à mi-voix, très émue.
- Frank était très présent durant ma grossesse, mais j'ai dû être hospitalisée. Je perdais trop de poids, ils ont dû me nourrir par intraveineuse.
J'écarquille les yeux, affolée. - Pourquoi ?
- Parce qu'ils craignaient que je perde mon enfant. N'oublie pas de bien te nourrir, Ana chérie, tu manges pour deux désormais.
Si Christian était là, il approuverait. - Merci, maman.
- De quoi ? s'étonne-t-elle.
- De ne pas avoir avorté malgré ton jeune âge, d'avoir veillé sur moi, même avant ma naissance. Je ne serais pas là si tu n'avais pas fait tout ça.
- Chérie, c'est valable pour tous les enfants de la terre. Heureusement que je t'avais... Sinon, je n'aurai jamais tenu le coup à la mort de ton père.
Elle se remet à sangloter bruyamment au téléphone. Je lève les yeux au ciel. Maman est si émotive, elle pleure quand elle est triste, mais aussi quand elle est heureuse, ou surprise... Bob, son mari actuel, est très patient envers elle. Il considère ces pleurs - Fifty parle d'inondations - comme naturels.
- Maman, ne pleure pas. Je t'aime. Je suis très heureuse.
- Moi aussi, mon bébé. Dis bonjour à Christian de ma part et transmets-lui toutes mes félicitations. Et tu sais, tu peux m'appeler quand tu veux si tu as besoin de réconfort.
lui.
- Merci, maman.
Christian revient dans la chambre. Quand je raccroche, je m'essuie les yeux avant de se tourner vers
- Voilà, maintenant tout le monde est au courant. - De quoi ? s'étonne-t-il.
- De l'arrivée prochaine de Petit Pois.
- Ana, « tout le monde » me paraît un tantinet excessif vu qu'il s'agit juste de ta famille et de la mienne, plus notre équipe de sécurité - et ton médecin, bien entendu.
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Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV