Dom Ana

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Ana
Je suis dans la cuisine, samedi, après le petit déjeuner. Je débarrasse notre couvert et le mets dans le
lave-vaisselle. Christian s’impatiente.
— Ana, tu n’as pas à faire ça, Mrs Taylor s’en chargera. Viens !
Mon Dieu qu’il est pénible ! Je secoue la tête en levant les yeux au ciel, Christian a un regard
menaçant.
— Mrs Grey, tu me défies ? Je te signale que la paume me démange.
Je me tourne pour l’affronter, exaspérée. Il grogne en avançant vers moi, sourcils froncés, épaules en
avant. Oups ! Je trouve plus prudent de plaquer mon arrière-train contre le placard de la cuisine. Ma
déesse intérieure hurle : mais qu’est-ce que tu fais ? Elle est partante pour se soumettre à Christian, le
dominant. Peut-être même pour recevoir une fessée ici même dans la cuisine – nous n’avons pas encore
testé tous les accessoires de cuisine, après tout.
Mais je ne sais pas trop…
Christian ricane :
— Tu as peur ?
— Tu as la main leste, Christian. Je ne suis pas folle.
Cette fois, il se met à rire.
— Tu te moques de moi ? dis-je, vexée d’une telle hilarité.
— Pourquoi pas, Mrs Grey. Tu es drôle, irrésistible, impossible, je t’adore. Tu me fais rire. Je ne
m’en lasserai jamais.
Il a raison. Du coup, je glousse aussi. Toute prudence oubliée, je me jette dans ses bras. Une fois
collée à mon mari adoré, je lui noue les deux bras autour du cou pour l’embrasser de toute mon âme. Je
perds la tête contre sa bouche, avec le goût de ses lèvres, la sensation de sa langue qui caresse la
mienne… Hmm.
Je sursaute quand Christian m’empoigne par la taille et m’assieds sur le comptoir. Plus haute que lui
désormais, je dois me voûter pour maintenir le contact de nos lèvres jointes. J’enroule mes deux jambes
autour de ses hanches pour me plaquer à lui.
— Ana, tu as confiance en moi ? chuchote-t-il.
Autrefois, j’aurais réfléchi avant de répondre par l’affirmative à une telle assertion ; aujourd’hui,
c’est plutôt un jeu entre nous, un code secret, une ouverture pour les expériences les plus folles.
— Oui, tu le sais très bien.
— Alors, si nous tentions un nouveau jeu ?
J’accepte d’un hochement de tête, l’anticipation crée déjà un nœud dans mon ventre, presque
douloureux. Ma déesse intérieure s’est réconciliée avec moi : elle fait la danse des sept voiles. Si je me
souviens bien, c’est ainsi qu’une concubine cherchait à séduire le sultan du harem. C’est de circonstance.
— Viens, dit Christian.
Il m’entraîne dans notre chambre. Je regarde autour de moi, notre tanière, notre havre intime. Le lit
a été changé après mon hémorragie. Sinon, le décor est le même.
— Tu comptes me donner une fessée ? dis-je, d’une toute petite voix.
— Non, Mrs Grey. Au contraire
Il tombe à genoux, les mains posées sur les cuisses, la tête baissée. Je le regarde, figée de stupeur. Il
déclare d’une voix à peine audible :
— Je compte te laisser sur moi tout pouvoir, baby. Tu peux faire de moi ce que tu veux, exiger tous
les services, je t’obéirai. Je suis à toi.
Je n’ai plus de voix. Une fois déjà, Christian a pris devant moi cette position, celle de la soumission,
mais c’était par désespoir parce qu’il craignait que je le quitte. Ce n’est pas le cas ce soir. Alors, pourquoi
agit-il ainsi ? Est-ce pour se punir du malentendu qui nous a séparés le mois passé ? C’est inutile… Nous
avons fait la paix, tout va pour le mieux entre nous. Je ne comprends pas…
J’ai tout à coup une illumination. Un début d’explication… Christian le dit souvent : avec moi, il
veut tout faire, tout tenter, tout redécouvrir, mais la soumission garde pour lui une amertume parce
qu’elle est liée à Elena Lincoln, le Serpent. S’il remplace ce sinistre passé par de nouveaux souvenirs, il
effacera définitivement l’emprise de cette femme.
Je suis partante.
Ma déesse intérieure a réagi avant moi : elle vient d’enfiler son costume de dominatrix, bottes en cuir
noir, aux talons immenses et un bustier noir qui semble n’être composé que de trous. Ses seins, gonflés
par le balconnet, menacent de jaillir de leur prison trop serrée. Je ne suis pas sûre d’apprécier ce nouvel
aspect de sa personnalité.
Anastasia, réfléchis, implore ma conscience en se tordant les mains. Es-tu certaine de vouloir te
lancer là-dedans ?
J’entends un hurlement sauvage. Ma déesse intérieure se jette sur elle, fouet levé, pour la chasser de
la pièce. Elle se retourne et me fixe. Houlà ! Je comprends à son regard qu’elle usera de son accessoire
sur moi si je ne m’exécute pas. Et sur-le-champ.
— Ana, chuchote Christian, je ne te demanderais pas de faire ça si je n’étais pas certain que nous
y trouverons tous les deux une grande satisfaction. J’aimerais que tu comprennes ce que l’on éprouve
en étant dominant, pour que tu réalises pourquoi cela m’attire autant.
— Tu es sûr de toi ?
— Oui. Peut-être n’aurons-nous jamais plus à recommencer, mais essaie… au moins une fois.
Je ne dis rien, je le regarde. Il relève brièvement la tête, je vois ses yeux gris briller entre ses longs
cils baissés.
— Je te dois bien ça, baby, dit-il.
J’ai comme un doute. Il n’a rien d’un soumis, je n’ai rien d’une dominatrix. Je crains le fiasco. Je
vais tout rater et me ridiculiser. Je me mordille la lèvre en hésitant à énoncer mes objections à haute
voix. Christian devine mon dilemme. Comme à son habitude !
— Tout ce que tu fais me plaît, baby. N’aie pas peur. Tu es si sensuelle, tu dois avoir davantage
confiance en toi. C’est mon cas.
Je ne réponds pas. Christian insiste d’une voix séductrice :
— Regarde pour Grey Publishing ? Tu ne voulais pas être P-DG, et maintenant, tu te régales de
faire exactement ce que tu veux…
Il a raison. Je peux le faire. Je vais le faire. Mais comment… ?
— D’accord, d’accord, laisse-moi juste réfléchir… Euh… tu m’as prise à l’improviste. Pour
commencer, déshabille-toi !
Je suis certaine que le voir nu me donnera de l’inspiration. Avec un sourire, il se relève d’un geste à
la fois souple et élégant. Oh lala. Je lui ai toujours envié sa parfaite coordination psychomotrice : je me
sens si empotée quand je me compare à lui ! Il ôte ses vêtements avec naturel, tee-shirt, pantalon, boxer,
chaussettes et souliers. Waouh ! Il est magnifique ! Une vraie statue d’Apollon !
Tout ça pour moi ? Que vais-je en faire ?
— Étends-toi sur le lit.
Il obéit, sans mot dire, avec l’arrogance d’un bel animal. Il bande, je sais donc qu’il n’a pas peur de
moi. Franchement, Anastasia, QUI pourrait TE craindre ?
Manifestement, ma conscience est revenue. Je l’ignore. Ma déesse intérieure et moi n’avons pas
besoin d’elle.
— Le spectacle te plaît, Mrs Grey ? demande Christian, sarcastique.
Je fronce les sourcils et jette d’un ton sévère :
— Je ne t’ai pas donné la permission de parler !
Il a un léger sursaut et écarquille les yeux, puis il hoche la tête et sourit… Je le crois content (et
amusé) de ma réaction. Il m’est difficile d’en être certaine : je ne suis pas aussi habile que lui à déchiffrer
les expressions de mes vis-à-vis.
— Prends à deux mains les barreaux du lit, dis-je, et considère-toi comme menotté. Tu ne dois pas
lâcher prise avant que je te le dise. Sinon, tu as perdu.
Il obtempère, ses lèvres frémissent pour retenir un sourire. Je ne crois pas qu’il supporterait de vraies
menottes, mais j’ai trouvé un bon compromis. Comme il est d’une fierté féroce, le challenge que je viens
de lui lancer devrait suffire à l’empêcher de bouger. Dans le cas contraire, notre session s’arrêterait avant
même d’avoir commencé. Et ce serait dommage !
— Manifestement, tu t’amuses beaucoup, baby ! se moque Christian.
— Encore une infraction ! Je vais devoir sévir. La prochaine fois que tu parles sans autorisation, tu
auras un gage : je te bâillonnerai…
Je note l’affolement de ses grandes prunelles grises écarquillées, aussi, j’enchaîne très vite :
— … ou bien je te ferai autre chose.
Quoi ? Je n’en ai aucune idée. Il faudra que je fasse preuve d’imagination si le cas se présente. Je
contemple Christian étendu, son corps tout entier est agité de frissons. Est-ce d’appréhension ou de
désir ? J’ai une idée pour lui changer les idées, lui faire oublier le passé, et l’obliger à se concentrer sur
moi… Je passe dans la salle de bain adjacente, d’où je reviens quelques secondes après avec un verre
d’eau. Je le pose sur le ventre dur de Christian.
Il m’observe sans cacher sa curiosité, il réussit à ne pas dire un mot. Bravo !
— Tu ne dois pas bouger. Si tu renverses le verre, tu as perdu.
Je commence à me dévêtir, sans chercher à faire un strip-tease élaboré. Christian ne me quitte pas
des yeux. Je ne garde que mes sous-vêtements : un slip en soie lilas et soutien-gorge assorti.
Évidemment, je ne fais pas très dominatrix, mais j’ai peu de cuir noir dans ma penderie, juste un blouson.
Tiens, pourquoi pas ? Je me précipite pour l’enfiler par-dessus mon ensemble La Perla. J’admire mon
image dans le miroir en pied. Voilà, je suis davantage dans le ton.
Je monte sur le lit et ordonne à Christian :
— Écarte les jambes. Le plus grand possible.
Il obéit. Sans un mot. Sa respiration est devenue laborieuse. Du coup, l’eau tremble dans le verre,
Christian y jette régulièrement un coup d’œil pour vérifier que pas une goutte n’a été renversée.
En m’agenouillant entre ses jambes ouvertes, j’admire le sexe qui pointe vers moi. Une goutte de
sperme perle déjà sur le méat turgescent. Je me penche pour la recueillir du bout de la langue. Mmm.
Christian maîtrise de justesse le soubresaut de son bassin.
— Délicieux, dis-je, en me léchant les lèvres. C’est à la fois musqué, salé, et 100 % fyftyesque.
J’adore ton goût ! Je te trouve bien meilleur que tous les Popsicles du commerce. Et tu sais comment
j’aime manger mes glaces ? Tout doucement… pour mieux déguster.
Il pousse un gémissement étranglé. Ah, ma tactique est efficace. C’est de lui que j’ai appris ça : les
mots parfois sont plus terribles que les actes. Parce que l’imagination humaine a un côté débridé. Surtout
chez Christian…
Et comme je ne peux plus ignorer mes propres besoins, je penche la tête, la langue tendue. Je me
lèche aussi la paume de la main pour l’humidifier avant de la refermer à la base de son sexe. Je resserre
les doigts pour verrouiller mon étau de chair. Christian geint et serre les dents. Son regard est celui d’un
fauve encagé, d’un prédateur dangereux… Ce qui me trouble.
Je libère son sexe et ordonne à mi-voix :
— Ne regarde pas. Ferme les yeux.
Il n’est pas content ; il secoue la tête sur l’oreiller, mais il finit par obéir. Libérée de son regard, je
peux enfin me perdre dans mon fantasme : le plus sensuel des hommes est à ma merci. Je n’arrive pas à
croire que Christian m’ait donné le droit de faire de lui ce que je veux.
Et que veux-tu, Anastasia ?
Je veux jouer avec lui. Je veux tout… de lui.
Je mords ce sexe qui m’appartient – un peu plus fort que j’en avais l’intention. Je sens son
tressaillement, mais l’eau ne déborde pas. Je caresse l’endroit d’un coup de langue repentant. J’examine
Christian : il semble nerveux. Il s’étouffe presque en retenant ses protestations ou ses grognements… Je
reporte mon regard sur le sexe fier et dressé ; j’admire ses veines gonflées de sang, de sève. Je caresse
(avec précaution) les lourdes bourses gonflées, avant de reprendre Christian dans ma bouche. En même
temps, je fais coulisser ma main de bas en haut à la base de ce superbe organe. J’essaie de l’engloutir
tout entier. De temps à autre, je regarde Christian, fascinée : il a la tête en arrière, sa pomme d’Adam
s’agite frénétiquement, ses lèvres sont retroussées sur ses dents serrées. Férocement ! Je n’ai jamais vu
de spectacle aussi excitant. Je suis enivrée par mon pouvoir. Et il ne me voit pas ? J’en perds toutes mes
inhibitions. Plus je vais profond, plus Christian a du mal à rester immobile. Je ne le ménage pas. Quand
je relève la tête, je caresse son gland si sensible d’un coup de langue taquin, puis je redescends, jusqu’à
le prendre complètement dans ma bouche. Il est énorme, il heurte le fond de ma gorge, je dois détendre mes muscles pour lutter contre un réflexe nauséeux. Plus je m’active, plus le parfum de musc devient
fort entêtant. Je me perds dans mon plaisir, je deviens frénétique, mon rythme s’en ressent.
Je suis presque prête à jouir, juste en le caressant. Incroyable. Et ça me donne une idée. Je libère son
sexe de ma bouche – mais pas de ma main – pour dire :
— Regarde-moi.
C’est davantage une prière qu’un ordre, mais peu importe, il s’exécute. Glissant ma main libre entre
mes jambes, je trouve mon clitoris, je le frotte d’un mouvement circulaire. En même temps, je pompe
Christian de toutes mes forces. Je sens l’orgasme monter. Pour nous deux.
— Oooh !
Je jouis la tête renversée en arrière. Quand je reprends mes esprits, je réalise que Christian s’est
contrôlé. Pourquoi ? Puis je comprends : je ne lui avais pas donné la permission de céder à son orgasme.
Zut ! Je ne maîtrise pas toutes les subtilités du rôle. Le verre est toujours plein.
Je regarde Christian, sidérée, en réalisant tout à coup mon pouvoir sur lui. Je n’ai plus envie de lui
faire une pipe ou une branlette, je veux lui faire l’amour. Tout doucement, je le libère de mes doigts
crispés. Il est tout tendu, tout raide ; sa poitrine gonfle et se vide comme un soufflet de forge. Je vois les
spasmes courir sous sa peau, ses muscles tressauter. Ses doigts sont si serrés sur les barreaux du lit qu’il
a les jointures toutes blanches.
Il me contemple avec une adoration éperdue.
— Oh, Christian, mon amour !
Il a un gémissement qui est presque un cri. Son corps tremble de désir, je trouve terriblement érotique
la violence de ses réactions. Je récupère le verre d’eau que je pose sur la table de chevet, puis je me
rapproche, toujours à genoux, pour enjamber le corps étendu et m’empaler sur… Non je veux que
Christian participe. Bien sûr, je pourrais lui ordonner de lui faire l’amour, mais l’effet ne serait pas le
même. Je suis vraiment nulle en dominatrix.
— Je crois… je crois que je veux changer de rôle, monsieur. Je préfère…
Je n’ai pas le temps de finir. Christian a déjà réagi. Est-ce au « monsieur » ou bien à l’urgence de ma
voix ? Je l’ignore mais il se plie en deux, m’empoigne, me fait basculer. Je me retrouve sur le matelas,
à plat ventre. Une claque magistrale s’abat sur mes fesses. Je hurle ! Deux mains dures me prennent aux
hanches, me soulèvent. Je suis agenouillée, les seins écrasés sur le lit, les reins en l’air. Totalement
soumise et vulnérable… Que va-t-il me faire ? Il se positionne derrière moi et me prend. Fort. À la
hussarde. Je hurle encore.
Il m’écarte les cuisses d’un coup de genou. Sans ses mains qui me maintiennent en place, je
m’écroulerais sous la force de ses coups de boutoir. Son sexe plonge en moi, très profond, et cette
sensation exquise me fait tout oublier. Je suis à sa merci. C’est ce que j’aime.
Je suis sur le point de jouir une seconde fois quand Christian pèse sur mon dos. Il me mord à l’épaule,
au niveau des tendons qui la relient à mon cou. J’évoque l’image d’un étalon sauvage montant sa jument
en la maintenant de ses dents équines. Et là, je crie mon orgasme. Quelle incroyable volupté !
Je sens Christian se vider en moi. Waouh ! C’était intense !
Je remarque à peine que Christian se retire de moi. Il est redevenu douceur et tendresse. Il m’étend
gentiment sur le lit et m’embrasse sur la tempe en me serrant contre lui. J’ai presque envie de me
rendormir. Le silence dure un très long moment de sérénité partagée. Quand je bouge enfin, c’est pour caresser le visage penché sur moi.
— Tu peux parler maintenant, Mr Grey, dis-je avec un sourire. Comment as-tu trouvé ?
— Merveilleux.
— J’ai un dernier ordre à te donner avant de te rendre ton sceptre.
Il ricane.
— Je l’ai déjà récupéré, mais je t’écoute.
— Je ne veux plus t’entendre protester si j’ai envie de mettre deux bols et deux assiettes dans le
lave-vaisselle. Nous ne sommes plus à l’époque féodale !
— Anastasia !
— Christian !
Nous éclatons de rire ensemble. Il me serre dans ses bras et chuchote :
— Je t’aime, baby. Je t’aime tellement.
— Moi aussi.
Le soleil automnal éclaire la chambre de ses rayons d’or.
— Regarde ce beau temps ! Ce serait dommage de rester enfermés. Dis-moi, les parents ne nous
ramèneront pas Ted avant le déjeuner, que veux-tu faire ce matin ?
— Ce que tu veux.
— Hmm, tu prends des risques, Mrs Grey. Mais ça me plaît. Ça me plaît beaucoup. Viens, j’ai une
idée…

Livre 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant