Le Temps des Bilans

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Ana
Le trajet jusqu’à Broadview se passe en silence. En arrivant à la maison, je suis déçue d’apprendre
que Teddy est déjà couché pour la sieste. Bon, je le verrai tout à l’heure. Je file dans ma chambre enlever
mes vêtements de travail, puis j’appelle l’aéroport pour annuler mon vol.
Après un bon quart d’heure et plusieurs passages de service en service, je finis par avoir une réponse :
— Connectez-vous sur notre site Internet, Mrs Grey, déclare une hôtesse à la voix sonore dont
l’amabilité commerciale cache mal la crispation. L’adresse est delta.com/online, il y a un onglet
spécifique pour vous faire rembourser, avec toutes les explications nécessaires.
Zut ! Quelle gourde ! J’aurais pu y penser moi-même. Décidément, je ne suis pas encore aussi
organisée que j’aime à le croire. J’ouvre mon Mac book et, en quelques minutes, je remplis le formulaire.
Je suis très fière de moi.
Il n’y a pas de quoi, un enfant de quatre ans y serait aussi arrivé.
Quelle heure est-il ? 12 h 45… J’ai encore le temps de descendre manger. Je passe dans la salle de
bain prendre un Advil, j’ai toujours mal au ventre. Et mes règles n’ont pas encore apparu.
***
Il est 20 heures, la maison est tranquille, j’ai du temps libre – et pas la moindre idée de ce que je peux
en faire. Et si je regardais la télé ? Il y a des lustres que ça ne m’est pas arrivé, parce que Christian
déteste ça. J’ouvre le programme : tiens, ils parlent de Castle, justement. La sixième saison commence
le 22 septembre. La sixième ! Déjà… où m’étais-je arrêtée ? J’ai oublié, mais le couple phare se détestait
encore et là, apparemment, les choses ont progressé. Je lis avec avidité le résumé des épisodes
précédents : Après l'affrontement sur le toit avec l’homme qui lui a tiré dessus, Beckett se rend compte
de l’étendue de ses sentiments pour Castle, elle se rend chez lui pour se donner à lui.
Je trouve étrange d’avoir pensé deux fois aujourd’hui à Kate Beckett – Kate… une fille courageuse,
autoritaire et décidée. Ce doit être le prénom qui veut ça.
Sur une impulsion, je décide de téléphoner à ma Kate à moi. Elle décroche à la première sonnerie.
— Allo, Steele ? Qu’est-ce que tu veux à une heure pareille ? Tu as encore changé d’avis et tu
viens d’atterrir ? Sinon, tu ne m’intéresses pas.
— Kate ! Arrête ! Non, je suis à Seattle. Tu savais que Beckett et Castle sont enfin ensemble !
— Hein ? Tu retardes, ma vieille ! Ce n’est pas vraiment un scoop. C’était le cliffhanger108 de la
saison passée.
— Oh, tu regardes encore ?
— Ça m’arrive, mais je n’ai pas vraiment le temps. Pourquoi me parles-tu de Castle ce soir ?
— Euh… je viens de lire un article dans le programme TV. Et puis, j’en parlais ce matin avec
Boyce Fox, un de mes nouveaux auteurs…
— Ana, ça va ? Tu as une drôle de voix… Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce ce connard t’a encore
fait ? Je sais qu’il t’a forcée à annuler ce voyage, non pas que j’aie cru que tu viendrais mais…
— Non, ce n’est pas lui. Enfin si, pas vraiment… En fait, c’est compliqué.
— Mais non, Steele, tu vas y arriver. Tu avais un cerveau dans le temps, je suis sûre que tu vas
réussir à connecter les deux neurones qui te restent. Explique-moi tout depuis le début.
— Il n’y a rien à raconter, je t’assure. J’ai parlé à Christian de la fashion week, il a dit que je
détestais la mode et qu’une protection rapprochée était difficile à assurer dans une foule, bref, il a refusé
que j’y aille.
— Alors, pourquoi m’as-tu envoyé ce SMS lundi ?
— Parce qu’en arrivant au bureau, j’ai pris un billet sur un coup de tête.
Elle éclate de rire.
— Ah, ah, ah, Ana, tu n’y va pas de main morte quand tu t’y mets hein ? Et alors ? Il a fait une
crise cardiaque, le mégalo ?
— Non… mais il n’était pas très content.
— Ana ! Il n’a pas levé la main sur toi, j’espère. Si c’est le cas, je vais lui arracher les cou*lles et
les lui faire bouffer.
J’aime bien voir Kate prendre ma défense, mais je ne devrais pas avoir besoin qu’elle bataille à ma
place.
— Tu es vraiment sanguinaire, Kate, mais non, il ne m’a rien fait. Il était juste ulcéré parce que lui
aussi avait prévu de m’emmener à New York.
— Et tu lui as balancé son invitation dans les gencives ? Bien joué, Steele.
— Ce n’est pas exactement la façon dont j’aurais décrit la scène, mais le résultat est le même.
— Vous vous êtes engueulés ?
— Oui. Il avait pris des rendez-vous qu’il n’a pu annuler. Alors, il est parti tout seul à New York
et moi, j’ai décidé de me taper ce week-end les cinq saisons de Castle devant la TV.
— N’oublie pas la glace au chocolat et la bouteille de rhum, ma vieille. Autant faire une vraie
orgie.
— Berk !
Mon estomac se tort à cette idée.
— Si j’étais à Seattle, je passerai te tenir compagnie, Ana. Je t’apporterai même mon vieux pyjama
en pilou.
Je glousse comme une gamine.
— Non, merci !
— On fait la bêcheuse ? Tu préfères la soie de Victoria Secret ?
— Non, tu me connais quand même !

Livre 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant