Livre 4

Dossier : Elena Lincoln

À Grey House Christian
- Alors, Welch, qu'en pensez-vous ?
Nous sommes tous les trois dans mon bureau, Welch, Taylor et moi. Il s'agit d'Elena Lincoln et Taylor est crispé. Il n'a jamais supporté Elena, maintenant moins que jamais. J'ignore la nature exacte de la scène ayant eu lieu, le jour de mon mariage, entre le responsable de ma sécurité et mon ex- dominatrix, mais manifestement, Taylor est passé du mépris glacé à la rancœur tenace.
- À quel sujet, monsieur ? demande Welch, toujours précis.
- Concernant votre entrevue avec Elena. Après son étrange coup de fil de l'autre soir, je vous ai demandé de l'interroger, que vous a-t-elle dit ?
- La même chose qu'à vous, que son ex-mari et est un homme méticuleux, rancunier, violent. Qu'il cherchera encore à se venger de vous.
- Elle a eu des contacts avec lui ?
- Oui, répond Welch, mais simplement au téléphone. Il cherchait à lui emprunter de l'argent. Elle a refusé. Il n'a pas apprécié. Il n'a rien dit de précis, sachant qu'une menace sous-jacente est tout aussi efficace. Elle vous a téléphoné pour accuser son ex. elle souhaite que vous l'en débarrassiez.
En clair, Elena cherche à m'impliquer dans ses problèmes. Pas question ! Mais Linc Timber s'est attaqué à Ana, il est devenu une menace pour moi et ma famille. Je vais lui régler son compte sans que ça n'ait rien à voir avec Elena.
- Il a de l'argent caché, c'est évident...
- Un de mes hommes cherche à découvrir ses comptes offshores. Comme je vous l'ai dit, l'IRS s'y intéresse aussi. Ils sont lents, mais ce sont de véritables pit-bulls : ils n'abandonnent jamais. Lincoln va devoir quitter le pays pour leur échapper. Dans ce cas, il ne sera plus une menace. Je doute qu'il ait le bras assez long pour faire agir des complices sans être sur place.
- Je ne veux pas de doute, Welch. Je veux des certitudes. Je veux voir Linc en prison ou dans son cercueil. Point final. Vous le surveillez toujours 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ?
- Oui monsieur. Pour le moment, il a quitté Seattle.
- Pardon ?
- Il est en vacances aux Caraïbes.
C'est quoi encore cette connerie ? Ce n'est pas le genre de Linc d'aller se dorer la pilule au soleil quand ses sociétés sont menacées, sa sécurité financière ébranlée et que d'innombrables problèmes restent en suspens.
Très énervé, je commence à arpenter mon bureau de long en large, en sentant les yeux de Taylor braqués sur moi.
Welch reprend :
- Depuis que le juge Sebag a été arrêté et que la police a appris qui se trouvait derrière la libération sous caution de Hyde, Lincoln a un comportement erratique. Il a perdu son seul atout : l'anonymat. Jusqu'ici, il tissait sa toile dans l'ombre. Il réagit maintenant comme un homme qui n'a plus rien à perdre. Bien sûr, son impulsivité le rend dangereux, mais son comportement prouve qu'il est au bout du rouleau.
Je ne suis pas d'accord.
- S'il a encore à sa disposition des millions cachés je ne sais où, il peut s'acheter des complicités ! Welch secoue la tête.
- Mrs Lincoln affirme ne rien savoir. Elle est divorcée depuis plusieurs années et, durant leur mariage, son mari la traitait comme une blonde sans cervelle. Elle pense qu'il gardait une certaine somme dans le coffre-fort de son bureau, mais c'est le premier endroit où les agents de l'IRS iront regarder.
- Fouillez du côté de ce foutu avocat, Bodmer. Il a quelque chose de pas net. S'il représente Linc, il doit connaître ses affaires.
- Oui monsieur, mais discrètement. Si nous mettons trop de pression sur lui, Lincoln risque de le lâcher. Et nous perdrions l'avantage.
Bon Dieu ! Ça n'en finira jamais. Après Leila et Hyde, c'est maintenant Linc qui menace ma femme, ma famille. Quand aurai-je la paix ?
Dès que je me retrouve seul, je téléphone à Ana pour savoir comment elle se porte. D'ailleurs, j'ai besoin d'entendre sa voix.
- Ça va, répond-elle, guillerette. Je n'ai fait que lire toute la matinée, j'ai bien avancé. Deux des manuscrits sont très intéressants, tu sais, je pense que...
Je l'interromps : si Ana se lance dans ses projets d'édition, elle en aura pour un bon moment.
- Comment va le bébé ?
- Oh...
Elle marque une pause, puis chuchote : - Tu penses au Petit Pois ?
- C'est à toi que je pense en priorité, Ana. Durant toute ta grossesse, je m'inquiéterai pour toi. Je ne peux rien faire d'autre... cet enfant est en toi, c'est toi qui en subis tous les inconvénients. Quand tu as mal, je souffre aussi. J'en ai parlé à John l'autre soir. Tu sais... de mon nouveau rôle de père. J'essaie de m'adapter. Ça me terrifie toujours, mais j'essaie...
- Je sais. C'est merveilleux Christian, tout ce que tu fais. Je t'aime.
- Moi aussi... (Mais ce n'est pas le moment. Passons aux choses pratiques.) Que comptes-tu manger à déjeuner ?
- Une salade de pâtes. C'est plein de sucres lents, c'est à la fois nourrissant et frais. En plus, j'ai faim.
Faim ? Je lutte contre l'impulsion grotesque de me précipiter chez un traiteur pour commander un wagon de pâtes pour ma femme. C'est inutile. Elle ira acheter ce qu'il lui faut dans la sandwicherie au bout de la rue, à moins qu'elle n'envoie Sawyer... ou que...
- Gail t'a préparé un repas ce matin ?
- Oui. Elle dit que les salades sont bien meilleures faites à la maison.
Mrs Jones est une femme remarquable et une cuisinière hors pair. Taylor s'y est intéressé dès qu'il est entré à mon service. Bientôt, ils se marieront... Bientôt, nous déménagerons tous les quatre - tous les cinq, si je compte Junior - dans la grande maison...
- Tu parais préoccupé ?
- Juste un problème de plus... Je t'en parlerai ce soir, il n'y a rien d'urgent. - Très bien, alors à ce soir, Christian.
En raccrochant, je réalise que je compte expliquer à Ana ma position vis-à-vis de Linc Timber. Elle ne va pas apprécier le retour d'Elena, mais je veux qu'elle soit au courant. Plus question de ne rien lui dire dans le but de la protéger. Cette histoire avec Hyde a été une catastrophe. Je ne veux pas répéter la même erreur.
Ma femme a beau être très jeune, elle a la tête sur les épaules. Elle comprendra ma position. Bien entendu, ce n'est pas le cas.