Ana
Une fois seule, j'ai des remords. Ce déjeuner a dû être difficile pour José. Lui et moi sommes amis depuis longtemps et je ne supporte pas l'idée qu'il soit parti le cœur brisé. Après tout, il n'est pas responsable de ses sentiments. Malgré moi, j'essaie d'imaginer qu'elle aurait été ma vie si j'avais répondu à l'amour de José... Oui, j'ai toujours su qu'il éprouvait pour moi autre chose qu'une amitié fraternelle. Mais de mon côté, non, il n'y avait rien. José ne m'offrait que le quotidien, la routine. Pour aimer, j'ai eu besoin de rêver.
Christian, c'est un tourbillon un tsunami, un raz-de-marée. Il m'a sauvée de moi-même, de mon manque de confiance en moi, de mes insécurités. Il m'a révélé un monde de sensualité dont j'ignorais tout. Son amour pour moi m'a libérée. Je suis heureuse de lui avoir rendu (en partie) ce cadeau si rare.
Christian ne serait pas content que je prenne contact avec José. Je me sens coupable en sortant mon téléphone pour l'appeler.
Il répond à la première sonnerie.
- Ana, souffle-t-il.
- José, ça va ? dis-je, mal à l'aise. Je voulais juste m'assurer que... Hum. Nous nous sommes quittés un peu brusquement.
- Tu parles ! Ton mari m'a quasiment foutu dehors.
C'est vrai. J'étouffe un rire nerveux. Christian a horreur de voir d'autres hommes autour de moi.
- Oui, il est très protecteur à mon égard.
- Ana, il est possessif. C'est comme si tu étais pour lui un objet ajouté à ses collections. J'ai vu son appartement, il apprécie les œuvres d'art et tu es ...
- Sa femme. José, je suis sa femme Point final. Si tu ne le comprends pas, nous n'avons plus rien à nous dire.
Il soupire. Après un long moment de silence, il reprend :
- Tu es vraiment heureuse avec lui, Ana ?
- Merveilleusement.
Je pose la main sur mon ventre dans un geste protecteur avant d'ajouter : - J'attends son enfant, un avenir lumineux s'ouvre devant nous.
- Très bien. Mais n'oublie pas que si tu as un problème...
- Si j'ai un problème, José, qu'il soit conjugal, professionnel ou autre, je le réglerai seule, à ma façon, comme une adulte. Je n'ai pas besoin de ton interférence. Vu ton comportement, je doute de ton impartialité.
- Ana !
Il a crié, c'est presque un sanglot. Je me souviens alors qu'à l'Université, José était pour moi le frère que je n'ai jamais eu. J'ai souffert d'être une enfant unique. Je ne veux pas de ça pour ma famille. Petit Pois aura des frères, des sœurs... Peut-être pas de quoi créer une équipe de football, mais une fratrie de trois, ça me paraît parfait. Comme Christian, Elliot et Mia. Je retiens un sourire.
- D'accord, José, n'en parlons plus. Tu es mon ami et ce que je souhaite réellement pour toi, c'est de rencontrer un jour une femme qui t'aimera comme tu le mérites. Mais ce n'est pas moi. Ce ne sera jamais moi. Je suis mariée, et dans ma vie, il n'y aura personne d'autre que Christian. Je l'ai attendu longtemps, je l'ai reconnu dès que je l'ai rencontré.
- Ana, il te manipule. C'est un maniaque du contrôle.
- Je l'aime comme il est, avec ses caractéristiques, ses qualités et ses défauts. Il est à moi. Je suis à lui. Je ne voudrais en rien le voir changer. Alors ça suffit, je ne veux plus t'entendre le critiquer.
- Je sais... Mais c'est difficile...
- José, tu as le choix. Si tu veux continuer à me voir, ce sera avec Christian. Ou pas du tout.
- D'accord.
Cette fois, le silence dure plus longtemps. Finalement, j'en ai assez. - Allez, bonne journée. J'ai du travail. - À bientôt, Ana.
Quand je raccroche, je secoue la tête. José n'est pas convaincu, mais j'espère qu'il ne continuera pas à me créer des problèmes.
À GEH Christian
***
Je suis à peine revenu que Ros me saute sur le râble. Je n'ai même pas le temps d'arriver jusqu'à mon bureau : elle m'attendait devant l'ascenseur...
- Mr Grey, je peux vous voir quelques minutes ?
- Mr Grey, intervient Andrea, votre rendez-vous est dans un quart d'heure.
J'adresse un hochement de tête à Andrea puis, d'un geste, je désigne le couloir à Ros Bailey, afin qu'elle me précède. Peu après, je m'installe dans mon fauteuil et elle prend place en face de mon bureau en croisant les jambes. Sans rien dire.
Ce qui m'énerve très vite.
- Alors, qu'y a-t-il ?
- Mlle Desmarets a laissé un message qu'elle m'a chargée de vous remettre.
- Quoi ?
Ros ne cache pas sa grimace en me tendant une enveloppe scellée.
- À votre avis, c'est professionnel ? Ricane-t-elle.
J'en doute, sinon cette bonne femme n'aurait pas pris la peine de coller le rabat. Je jette l'enveloppe sur mon bureau sans la regarder, puis je lève un sourcil interrogateur en direction de Ros.
Elle répond à ma question muette :
- J'ai pris soin de prévenir cette Française que vous étiez l'heureux époux d'une femme ravissante, qui attendait votre première enfant.
Devinant ma fureur, elle enchaîne très vite :
- Ne vous inquiétez pas, patron, je n'ai rien divulgué de votre vie privée qi ne soit déjà en gros titres dans les journaux.
- Je présume que ce n'est pas pour m'apporter ce pli que vous nous avez demandé à me voir ?
- Non, bien sûr que non. Ça concerne le marché Unlimited Luxury. Elle se penche en avant, les yeux brillants :
- Ça peut être lucratif. Contrairement à vous, j'aime bien Decaux. Il parle beaucoup, mais il connaît bien ses dossiers. Par contre, ces Européens me gonflent lorsqu'ils se glorifient de leurs nobles ancêtres. Qui se soucie de leur aristocratie ? Je suis franchement ravie d'être américaine ! À mes yeux, la seule chose qui compte, c'est la réalisation personnelle basée sur le mérite. J'aime penser que nous sommes tous égaux.
- Pas moi. Je me considère comme supérieur à la plupart des gens que je rencontre. L'égalité, c'est une foutaise. Je ne veux pas que ces Français s'imaginent pouvoir nous traiter en égaux. Nous sommes meilleurs. Nous réussissons mieux. Ils sont venus en quémandeurs, parce que nous avons des contacts qui les intéressent. Je suis d'accord, le sang bleu est une connerie, tout ce qui compte en cette période de crise ce sont des bilans qui génèrent des bénéfices.
Cinq minutes plus tard, alors que Ros Bailey s'apprête à quitter mon bureau, j'ouvre l'enveloppe de la Française.
Hôtel Four Seasons. Chambre 407.
Si vous désirez parler avec moi de Paris et des films français...
Je déchire cette absurdité avant d'en jeter les morceaux à la poubelle.
- Ros ?
- Oui patron.
- Vous n'avez pas été suffisamment convaincante avec la Française. Vous avez carte blanche pour utiliser un rouleau compresseur la prochaine fois.
- Comptez-vous répondre à son invitation ?
- Quelle invitation ? dis-je, d'un ton méprisant. Ros éclate de rire.
Taylor frappe à la porte.
***
- Des nouvelles de Welch ? dis-je, dès qu'il pénètre dans mon bureau.
- Non, monsieur. Je suis venu pour autre chose.
- Je vous écoute.
- Mr Grey, comme vous le savez, je vais épouser Gail Jones dans quelques jours. Je voudrais discuter avec vous du protocole de sécurité concernant cet événement, puis de la façon dont l'équipe sera gérée pendant mon absence.
Taylor emmène Gail en voyage de noces, quinze jours aux Bahamas. Nous avons eu une discussion à ce sujet, Taylor aurait préféré attendre que l'agitation de la presse se calme avant de partir, j'ai refusé. Autrefois, je n'aurais pas réalisé l'importance d'une lune de miel : après tout, les époux partagent le même lit n'importe où, non ? Taylor et Mrs Jones le font à l'Escala depuis des années. Quelle est l'importance de partir ?
Mais là, je me souviens de mon propre mariage et de l'acharnement avec lequel j'ai organisé notre déplacement en Europe pour offrir à Ana le maximum de découvertes... Non, je ne vais pas priver Taylor de ce plaisir, il l'a bien mérité. Depuis qu'il est entré à mon service, il ne prend quasiment jamais de vacances.
Je le paye bien, je sais, mais quand même...
Le soir
- Alors, Mrs Grey, comment te sens-tu ?
***
L'Audi est garée devant SIP, Ana se glisse à mes côtés sur le siège arrière, un sourire timide aux lèvres.
- Très bien, Mr Grey. Et toi ? Tu as passé une bonne journée ?
- Excellente ! J'ai eu avec ma femme un déjeuner intéressant, suivi d'un après-midi assez monotone, mais je suis certain que ma journée ne va pas tarder à s'améliorer.
Je lance à Ana un sourire lascif qui la fait rougir. Enchanté de cette réaction, je lui prends la main et la porte à mes lèvres.
- Tu m'as manqué tout l'après-midi, Anastasia.
- « Tout » l'après-midi ? C'était juste quelques heures, Christian. Mais je trouve plutôt rassurant que tu éprouves ce genre de sentiment.
- Ah bon, pourquoi ?
- Parce que pour moi, c'est pire.
Je lis une ombre dans ses yeux. Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui ne va pas ? - Comment va Junior ?
- Très bien.
- Ana, qu'est-ce que tu as ?
- Rien.
- Ne me mens pas ! dis-je, sévèrement.
- Je n'ai rien... du moins rien de grave. Je suis juste soulagée que cette journée soit enfin terminée. Christian, s'il te plaît... Laisse tomber.
Je n'en ai pas l'intention, mais c'est une discussion qui peut attendre - jusqu'à ce qu'Ana et moi rentrions à la maison.
- Très bien, Mrs Grey. Attache ta ceinture. À quoi penses-tu ? Je ne veux pas que toi et Junior couriez le moindre risque.
- Oui, monsieur, répond-elle à mi-voix.
Pour regarder ses mains qui manient les boucles métalliques, Ana a baissé les yeux... J'entends un cliquètement. Ce qui, associé à ces paroles de soumission, me fait bander.
Quand Taylor nous arrête devant la porte d'entrée de l'Escala, je prends Ana par le coude pour l'emmener jusqu'aux ascenseurs.
- Tu as faim ?
- Pas de nourriture, non.
- Très bien. Moi non plus.
J'examine ma femme pendant que la cabine monte jusqu'à l'appartement-terrasse. Puis je chuchote, une main posée sur son cou :
- Tu es certaine de vouloir aller dans la salle de jeu ? Elle lève sur moi des yeux affolés.
- Tu ne comptes quand même pas revenir sur ta promesse ?
- Non, baby, je tiens juste à m'assurer que tu ne cherches pas uniquement à me faire plaisir.
- Christian, tu me l'as dit toi-même, cette salle de jeu est aussi à moi. Elle change de voix et cherche à imiter la mienne :
- Tout ce qui est à moi est à toi.
- Ana, est-ce vraiment le bon moment pour te montrer insolente ? - Je ne sais pas.
- Qu'est-ce qui ne va pas, baby ?
- Rien... enfin si... Ce matin, devant les journalistes, j'ai réalisé que je n'étais pas très... (Elle secoue la tête.) Tu as raison. Il faut que je m'endurcisse. J'aimerais que tu m'apprennes le self-control. Il me semble que si je peux mieux maîtriser mon corps et ses réactions, j'apprendrai aussi à mieux gérer mes émotions. Et puis le plaisir... que tu es capable de me procurer me fait tout oublier. Je veux tout oublier. Je veux me perdre en toi, avec toi...
Elle ferme les yeux, son visage devient extatique
Self-control ? Merde ! Où est le mien ? Je suis au bord de l'orgasme, juste en regardant ma femme m'adresser cette déclaration. Elle a la bouche gonflée, les pupilles dilatées ; je sens le désir brûler dans mes veines, dans les siennes ; l'atmosphère entre nous crépite, chargée d'érotisme et de sensualité.
Incapable de parler, j'empoigne Ana par le bras pour la propulser en direction de l'escalier. Je lui fais monter les marches deux par deux. Une fois devant la porte de la salle de jeu, je m'arrête.
- Comment te sens-tu ?
- Super excitée, souffle-t-elle.
Je lève les yeux au ciel.
- Baby, comment te sens-tu physiquement ?
- Très bien. Je veux...
- Oui, je sais ce que tu veux. Et mon but est de te satisfaire, comme toujours. Comment te sens- tu ?
- Très bien.
- Alors, rentre là-dedans. Déshabille-toi. Garde tes chaussures. Et ta culotte. Elle reste figée, le regard enflammé. Sans bouger. Je lui frappe les fesses. Fort.
- Ouille ! crie-t-elle avec un sursaut. - Ana ? Je déteste devoir me répéter. - Oui monsieur.
Pour lui laisser le temps de se préparer, je redescends jusque dans la chambre où j'enlève, rapidement, mon costume, ma cravate, ma chemise et tout le reste de mes vêtements. D'une main qui tremble d'anticipation, j'enfile mon vieux jean fétiche. Je vais ensuite jusque dans la cuisine, je remplis un verre de glaçons, et récupère dans le frigidaire une bouteille de Sancerre. Je retourne ensuite dans la salle de jeu. J'entre et trouve Anastasia agenouillée à l'endroit habituel, tête baissée, cuisses écartées, mains posées sur les genoux.
Elle est belle à tomber.
Sans m'arrêter auprès d'elle, je vais déposer sur la commode la bouteille et le verre, puis je sélectionne les chansons qui accompagneront notre session.
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Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV