***
Dire que je suis de mauvaise humeur serait un euphémisme. J'envisage sérieusement de virer tout mon service de Relations Publiques. Ils veulent une conférence de presse ! Ils veulent que je parle de la grossesse de ma femme. Le pire, c'est que j'ai plus ou moins accepté... Comment ont-ils réussi à me convaincre ? C'est dingue. J'ai peut-être eu un AVC sans m'en rendre compte ? La moitié de mon cerveau a grillé ? Je suis devenu fou ?
Juste amoureux fou. Et tout le monde va le remarquer, Grey. Merde.
- Christian, qu'est-ce qu'il y a ? Tu t'es agité toute la nuit. À un moment, tu as même dit « non, non non non ». J'ai cru qu'il s'agissait d'un cauchemar... j'ai failli te réveiller.
Je me tourne pour regarder Ana, étendue dans le lit à mes côtés. Un cauchemar ? Oui, d'un certain côté, c'est ce que je vis, même éveillé : je ne supporte pas la presse - et encore moins l'idée de voir ma vie privée étalée dans les journaux pour que des curieux s'en repaissent, s'en gavent, s'en goinfrent.
Cette idée me donne la nausée.
- Ana, j'ai décidé quelque chose.
- Quoi donc ? demande-t-elle, étonnée par le ton de ma voix.
- Je ne veux plus voir les paparazzis te poursuivre... (Ouais, ça a été la principale raison de ma reddition.) Maintenant que la grossesse a été annoncée dans les torchons People, nier la vérité n'est plus une option. Tu vas commencer le second trimestre et, d'après le Dr Greene, une fausse couche n'est plus à craindre. Le responsable des Relations Publiques à GEH insiste pour que tu t'adresses à la presse.
- Non ! - Ana...
- Je ne veux pas affronter tous ces micros braqués sur moi, j'ai vu... j'ai vu ça à la télévision ! Les gens te hurlent les questions les plus épouvantables et les plus indiscrètes.
- Ana...
Elle me coupe encore une fois la parole :
- Pourquoi pas une simple interview en tête-à-tête ?
C'est décidé, je vais virer mon équipe ! Connards ! Incapables ! Ils auraient dû y penser. - C'est une très bonne idée, baby.
- Ça ne me plaît pas du tout. Tu ne crois pas que c'est trop tôt ? On voit à peine mon ventre...
- J'ignore tout du protocole pour annoncer une grossesse à la presse, mais j'en ai assez de voir ces vautours à tes basques. Ils attendent devant l'Escala, devant SIP, partout où tu te rends. Ana, plus ça va, plus tu as peur de sortir. Tu te souviens de ce salopard qui avait tenté de prendre une photo de toi dans les toilettes avant notre mariage ?
Elle frissonne.
- Comment pourrais-je l'oublier ?
- Baby, ils feraient n'importe quoi pour une photo de ton ventre. Et si quelque chose t'arrivait, je... j'en deviendrais fou.
- Quand j'étais étudiante, Kate travaillait au journal de WSU, Christian. Je sais comment ça fonctionne, alors... si j'accepte une interview, le journaliste voudra des photos - et quelque chose qui évoque le bébé.
- Nous lui donnerons une photo de nous deux. Tu mettras aussi une robe de grossesse et leur imagination fera le reste. Depuis que tu as sauvé ma sœur... (Je ne retiens pas ma grimace en prononçant ces mots,) tu es devenu une idole, les gens veulent te connaître. Notre maison sur le Sound est hors limite. Je refuse qu'on photographie la nurserie.
Ana éclate de rire. Je la regarde, surpris
- La nurserie ? J'ignorais que nous en avions une. Pour moi, c'est juste la chambre de petit Pois. Au fait... chaque fois que je vois ta sœur, elle revient sur la décoration de cette chambre. Nous pourrions choisir ensemble le papier peint, acheter des meubles et...
- Non.
- Pourquoi ? - Parce que. Bravo, Grey, c'est une explication remarquable.
Mais comment dire à Ana que j'ai la trouille ? Je ne veux pas tenter le mauvais sort. Je veux le meilleur pour mon fils, bien entendu, mais j'aimerais qu'il soit quasiment à terme avant d'installer sa chambre.
- Christian, je ne comprends pas. Tu adores dépenser ton argent, non ? Dès notre première rencontre, j'ai deviné que tu étais un consommateur compulsif.
- Tu te trompes, baby. J'aime le confort, c'est certain, et j'apprécie aussi la beauté sous toutes ses formes : architecturale, artistique... (Je lui embrasse les doigts,) féminine - mais acheter ne m'intéresse pas particulièrement. C'est bien pour ça que j'ai des gens qui s'en chargent pour moi. Toi aussi, tu as aussi chez Neiman Marcus une vendeuse attitrée.
J'imagine à quel point les journalistes se déchaîneraient si Ana se rendait dans une boutique pour bébé ! Pour disperser leur meute, il faudrait y aller au canon.
Ana change brusquement de sujet.
- Combien de temps vas-tu m'assigner deux agents de sécurité, Christian ? C'est étouffant.
- Je sais, baby, je suis désolé. Être marié à un milliardaire n'est pas toujours évident, mais avec le temps, j'espère que tu t'y feras.
Je pose la main sur son ventre avant d'ajouter :
- Pour nos enfants, ce sera plus facile, ils auront connu ces contraintes depuis le jour de leur naissance, et même avant. Mais fais-le pour moi, Ana. Je ne pourrais pas être tranquille si je crains pour ta sécurité. Nous serons bientôt plus tranquilles... dans la grande maison.
- J'aime bien Sawyer, je m'y suis habituée. Mais un autre...
Je sais qu'Ana supporte mieux Ryan que Preston. J'aurais dû réagir dès qu'elle m'a parlé de son antipathie vis-à-vis de cette femme et m'en débarrasser plus tôt.
- Sois patiente pour notre enfant, Ana. - D'accord, marmonne-t-elle.
Même si c'est à contrecœur, j'aime la voir me céder. Je l'attrape par le menton pour lui renverser la tête et l'embrasser.
Je jette un coup d'œil sur le réveil, il est temps de me lever.
Plus tard
***
En sortant de la salle de bain, j'enfile un boxer, un pantalon noir et une chemise blanche amidonnée. Ana s'approche pour me la boutonner. Elle n'a sur elle que ses sous-vêtements, un shorty en dentelle et satin bleu marine et un soutien-gorge assorti. En mettant mes boutons de manchettes, je la regarde sélectionner dans sa penderie une robe bleu roi, taille empire, et un gilet sans manche. Elle relève ses cheveux d'une pince, formant un chignon élégant. Elle paraît sortir des mains d'un styliste.
Elle sourit en voyant l'enveloppe posée sur sa coiffeuse.
- J'aime beaucoup l'idée que Taylor et Gail se marient ! dit-elle avec enthousiasme. C'est adorable de leur part de nous avoir invités.
- Ouais, génial.
- Ils ont aussi invité Ros et Gwen, Barney, Andrea... Hein ?
- Bon sang ! Comment le sais-tu ?
- Gwen me l'a dit l'autre samedi, quand nous avons mangé ensemble. Je n'arrive pas à y croire ! Pourquoi suis-je le dernier informé ?
- Je vois, dis-je en grinçant des dents.
- Christian ! Ne fais pas semblant d'être bougon. Tu adores Taylor !
Je la regarde, en secouant la tête. Moi, adorer Taylor ? Peuh ! Ana a tendance à exagérer. Taylor est un excellent employé à qui je confie ma vie. Il est fiable, consciencieux... au fil des années, il a prouvé être dédié à son boulot d'une façon...
Je préfère interrompre le cours de mes pensées. Je tourne le dos pour dissimuler mon embarras.
- Je tiens à marquer le coup vis-à-vis de Taylor et de Mrs Jones, dis-je, d'un ton contraint. J'ai décidé de leur offrir une somme substantielle et leur voyage de noces.
- Tu es l'homme le plus généreux que je connaisse !
Je sens Ana glisser ses deux bras autour de ma taille, elle se presse contre moi par derrière.
- Tu as faim ? dis-je avec espoir.
- Ouiii ! crie-t-elle. J'éclate de rire.
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Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV